Ouattara et Gbagbo se considèrent tous les deux comme élus. Suivez l’après-élection avec la blogosphère et nos riverains ivoiriens.
L’élection présidentielle en Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire se retrouve vendredi dans une dangereuse impasse politique, avec deux présidents qui s’estiment légitimes : l’opposant Alassane Ouattara proclamé vainqueur du deuxième tour de la présidentielle par la commission électorale indépendante (CEI), et Laurent Gbagbo, que le Conseil constitutionnel ivoirien a décrété vainqueur. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours.
Selon la CEI, Alassane Ouattara a recueilli 54,1% [1] des suffrages du second tour, infligeant ainsi une défaite au Président en place, Laurent Gbagbo.
Ce résultat a été invalidé dès jeudi soir par le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, composé de proches de Laurent Gbagbo. Ce même Conseil a décrété vendredi la victoire du président sortant.
Les Etats-Unis ont appelé Laurent Gbagbo [2] à respecter les résultats de l’élection du 28 novembre tels qu’ils ont été annoncés par la Commission électorale indépendante : « ces résultats provisoires ont déclaré Alassane Ouattara gagnant face au président sortant Laurent Gbagbo. » L’ONUCI a également reconnu la victoire de l’ancien Premier ministre d’Houphoüet-Boigny.
Cette cacophonie électorale perturbe le programme télé de la RTI selon un internaute. Sur Twitter :
« Sur RTI, Desperate Housewives interrompu ttes les 15 minutes par une déclaration du président du Conseil constitutionnel. »
Beaucoup d’Ivoiriens craignent que cette impasse n’accentue des violences déjà observées dans le pays.
Des pro-Ouattara célèbrent la victoire annoncée par la CEI de leur candidat à Gagnoa, le 3 décembre 2010 (Luc Gnago/Reuters).
S’exprimant [3] avant la décision du Conseil constitutionnel d’invalider le scrutin, Pascal Affi N’Guessan, le directeur de campagne du président sortant, avait déclaré : « Cette proclamation n’a pas d’intérêt pour nous. »
Jeudi soir, suite à l’invalidation du scrutin, l’armée a annoncé la fermeture de toutes les frontières du pays jusqu’à nouvel ordre. Sur le site du Conseil constitutionnel [4], un communiqué confirme les rumeurs de suspension des médias internationaux, télés et radios « en vue de maintenir la paix sociale ».
Ouattara a fait une déclaration [5] dans laquelle il a appelé Gbagbo à respecter ses engagements et le peuple ivoirien à s’unir :
« Ma première et grande ambition sera de rassembler la nation autour des valeurs de paix, de pardon, de réconciliation et d’union. »
Mercredi soir, huit personnes ont été tuées dans un local appartenant au candidat de l’opposition Alassane Ouattara à Abidjan. (Voir le reportage de BFM)
Un riverain de Rue89, ivoirien et résident à Abidjan, nous a fait parvenir ce témoignage quelques heures avant l’annonce de la victoire de Ouattara. Nous reproduisons intégralement son message :
« L’ambiance est au stress généralisé avec une agressivité relative dans les multiples débats que la situation alimente au sein des familles (tous ne partageant pas toujours les mêmes opinions) et entre les voisins qui ne se voient forcément plus à cause du couvre-feu qui commence à 19 heures.
Le trafic caractéristique d’Abidjan -les embouteillages quotidiens- est plus que fluide en ce moment. Les longues files d’attente dans les supermarchés ont disparu, chacun ayant fait le maximum de provisions pour les jours incertains à venir.
Les activités professionnelles sont au point mort, des patrons ayant parfois simplement décrété (dans le meilleur des cas) que la journée prenait fin à la pause de mi-journée.
Dans le secteur public, le quartier Plateau, qui est le centre de l’activité administrative, est effrayant de silence par endroits. La cité administrative, avec ses cinq tours impressionnantes, est quasi déserte et les rares individus qui s’y aventurent se font souvent accompagner des vigiles de service avant de s’enfermer dans les bureaux.
Les Abidjanais sont tous suspendus à l’annonce des résultats, ce qui nourrit par ailleurs les rumeurs les plus extravagantes autour des activités de la commission électorale indépendante.
Des attaques sont annoncés çà et là et une défiance vis-à-vis du couvre-feu décrété entraîne des affrontements entre les forces de l’ordre et les jeunes militants du RDR (Rassemblement des républicains) du candidat Alassane Ouattara.
La télévision ivoirienne diffuse abondamment les images de l’état-major électoral du camp Laurent Gbagbo, agressé pendant le scrutin en zone sous contrôle de la rébellion. De l’avis général, qu’importe le vainqueur, la contestation sera violente. »
Cette présidentielle est d’autant plus sensible qu’elle intervient après six années de tensions entre le nord et le sud du pays et qu’elle oppose deux ennemis, Laurent Gbagbo du Front populaire ivoirien (FPI) et Alassane Dramane Ouattara (surnommé « ADO »), ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny [6] et dont le fief est Bouaké [7], ville rebelle du Nord du pays. Ces élections ont été reportées plusieurs fois depuis 2004.
Plusieurs morts et blessés
Selon des témoignages diffusés par RTI, la télévision nationale ivoirienne, pro-Gbagbo, les sympathisants du chef de l’Etat ont été pris à parti dans le Nord du pays. Les accusations sont très graves, il est fait état de morts et de personnes gravement blessées, au risque d’électriser un peu plus le climat. On voit plusieurs personnes sur un lit d’hôpital. Un homme accuse le clan Ouattara d’être derrière ces violences :
« Ceux qui ont voté Ouattara, ils ne sont pas encore morts, je ne comprends pas pourquoi les gens qui votent Gbagbo, on les chasse des bureaux de vote. »
La communauté internationale a appelé les deux parties à respecter les résultats de l’élection. Le message semble avoir du mal à passer du côté de Gbagbo. Sur son site [8], le candidat à sa propre succession a accusé les médias étrangers d’avoir annoncé la victoire de son rival - le « candidat de l’étranger » sans certitude :
« Ce ne sont pas les hurlements depuis l’Elysée où ailleurs, au nom d’une supposée communauté Internationale, qui empêcheront les ivoiriens d’écrire leur propre histoire. »
► Article actualisé au fil de la journée
Alassane Ouattara le jour du second tour de la présidentielle à Abidjan, le 28 novembre 2010 (Thierry Gouegnon/Reuters).
En savoir plus
Dans les médias
La chaîne télé ivoirienne RTI [9], proche du gouvernement)
Le dossier spécial de RFI [10]
Le dossier spécial d’Afrik [11]
La page « Côte d’Ivoire » de L’Express [12], très riche
Avenue225 [13], « premier site d’information ivoirien de proximité »
Les blogs
Le site Wonzomai [14], projet initié par les Ong Akendewa [15] et Internet Sans Frontières [16]
Le site officiel de Laurent Gbagbo [17], pour les annonces officielles
Le site officiel d’Alassane Ouattara [18]
One village votes [19], en anglais, le blog d’une américaine dans le Nord du pays
Sur son blog [20], Diaby Mohamed, entrepreneur ivoirien, raconte les événements heure par heure
Sur Twitter
Le compte d’African Elections Project [21], en anglais
Le compte de Laurent Gbagbo [22]
Taper les mots-clés #civ2010 [23] et #wonzomai [24] pour plus d’informations.
► Mis à jour le 03/12/10 à 00h15. Ajout de la déclaration d’ADO et du bloc « en savoir plus ».
► Mis à jour le 03/12/10 à 01h10. Confirmation de la suspension de la diffusion des programmes des médias étrangers.
► Mis à jour le 03/12/10 à 16h30. Ajout de l’annonce par le Conseil constitutionnel de la victoire de Laurent Gbagbo et du communiqué de la Maison Blanche.
Photos : des pro-Ouattara célèbrent la victoire annoncée par la CEI de leur candidat à Gagnoa, le 3 décembre 2010 (Luc Gnago/Reuters) ; Alassane Ouattara le jour du second tour de la présidentielle à Abidjan, le 28 novembre 2010 (Thierry Gouegnon/Reuters).
Tous nos articles sur la Côte d’Ivoire [25]
Dernière ligne droite pour l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire [26]
Le pays attend toujours le nom de son nouveau président, sur France24.fr [27]
Confusion dans l’attente des résultats en Côte d’Ivoire, sur Lexpress.fr [28]