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Des affrontements ont fait au moins 800 morts à Duékoué, selon le CICR

Les pro-Ouattara mis en cause


Lemonde.fr avec AFP et Reuters | 02.04.11 |

Au moins 800 personnes ont été tuées mardi 29 mars à Duékoué, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, a indiqué vendredi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans un communiqué. D’après les informations recueillies sur place et citées par une porte-parole de l’organisation à Genève, "tout semble indiquer qu’il s’agit de violences intercommunautaires".

Des délégués du CICR se sont rendus à Duékoué le 31 mars et le 1er avril. Ils ont "eux-mêmes vu un très grand nombre de corps", a affirmé la porte-parole. Pour le moment, 28 cadavres ont été évacués vers la morgue locale, mais l’opération devrait se poursuivre dans les jours à venir.

"Cet événement est particulièrement choquant par son ampleur et sa brutalité", s’est alarmé la chef de la délégation du CICR en Côte d’Ivoire, Dominique Liengme. La Croix-Rouge "condamne les attaques directes visant des civils et rappelle l’obligation des parties au conflit d’assurer en toutes circonstances la protection des populations sur le territoire qu’elles contrôlent", a-t-elle ajouté.

330 MORTS SELON L’ONUCI

Important carrefour stratégique de l’Ouest, Duékoué est contrôlée depuis mardi par les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara, à l’issue de deux jours de combats avec les militaires et miliciens fidèles au président sortant Laurent Gbagbo.

La Mission de l’ONU   en Côte d’Ivoire (Onuci) a pour sa part évoqué samedi le chiffre de 330 personnes tuées en début de semaine à Duékoué, "la plupart" par des éléments des forces d’Alassane Ouattara. "Sur les 330 morts, la plupart ont été exécutés par les ’dozos’ [chasseurs traditionnels] des FRCI", Forces républicaines de Côte d’Ivoire, pro-Ouattara, a déclaré Guillaume N’Gefa, chef adjoint de la division des droits de l’homme de l’Onuci, citant des "rapports préliminaires". Plus de 100 habitants ont été victimes de combattants de Laurent Gbagbo selon l’Onuci.

OUATTARA "DÉMENT TOUTE IMPLICATION"

Si selon l’Onuci, ces victimes sont "des miliciens et des civils, dont des femmes et des enfants", le camp Ouattara a réagit samedi à ces informations en avançant que les victimes étaient uniquement des miliciens, pas des civils. "Les miliciens ne sont pas des civils. A partir du moment où ils sont armés, ils sont considérés comme des combattants. Il faut éviter toute confusion", a réagi le porte-parole militaire des FRCI, Seydou Ouattara.

Le gouvernement Ouattara a démenti "toute implication des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, pro-Ouattara) dans d’éventuelles exactions". Il par ailleurs affirmé lui aussi avoir découvert des charniers "dans l’ouest du pays, notamment à Toulépleu, Bloléquin et Guiglo, dont les auteurs ne sont autres que les forces loyales, les mercenaires et les milices de M. Laurent Gbagbo". Dans le passé, le camp Gbagbo a lui aussi accusé ses rivaux de commettre de nombreuses exactions sur les civils.

DES DIZAINES DE MILLIERS DE DÉPLACÉS

Il s’agirait des tueries comptant parmi les plus graves depuis une décennie de crise politico-militaire. Selon le CICR, "des dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants" ont fui les violences et les pillages.

Dès vendredi matin, les agences humanitaires de l’ONU   se sont dites particulièrement inquiètes du sort de dizaines de milliers de personnes qui ont trouvé refuge à la mission catholique de la ville. "Selon un prêtre [de la mission] la majorité des déplacés n’ont pas mangé depuis deux jours et quelque 80 000 rations alimentaires sont nécessaires d’urgence ainsi que des ustensiles de cuisine", a souligné une porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Jemini Pandya.

D’après le religieux, il y a aussi un besoin urgent d’enlever des corps qui gisent dans les rues de la ville et à proximité de la mission. La mission a besoin de matériel médical pour soigner les blessés dont des femmes touchées par des balles perdues. L’OIM affirme que des milliers de déplacés qui ont fui Duékoué ces derniers jours en direction de Guiglo se trouvent actuellement "le long de la route, craignant pour leurs vies".


Massacres dans l’ouest : les pro-Ouattara mis en cause

Lemonde.fr avec AFP | 03.04.11 |

Engagé dans une bataille décisive à Abidjan, le camp d’Alassane Ouattara doit se défendre de graves accusations de massacres dans l’ouest du pays, et notamment à Duékoué. Mises en cause par l’ONU  , les forces du président reconnu par la communauté internationale assurent, elles, n’avoir tué que "des miliciens et pas des civils".

Lundi, au lancement d’une offensive sur le sud qui les a conduits en quelques jours jusqu’aux bastions du président sortant Laurent Gbagbo à Abidjan, les Forces républicaines (FRCI, pro-Ouattara) ont attaqué Duékoué, carrefour stratégique de l’ouest. Après de très durs combats, la ville est tombée mardi aux mains des FRCI, mais vendredi soir, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a créé un choc en annonçant, sur la base d’informations recueillies sur place, qu’"au moins 800 personnes" avaient été tuées à Duékoué dans cette seule journée. Il évoquait sans plus de précision des "violences intercommunautaires".

DE 330 À UN MILLIER DE MORTS

L’ONG catholique Caritas a de son côté fait état d’"un millier" de tués ou de disparus, mais n’a pas désigné non plus de responsables. Seule l’Opération de l’ONU   en Côte d’Ivoire (Onuci), qui reconnaît Alassane Ouattara comme président et assure même la protection de son QG du Golf hôtel, a clairement accusé ses troupes. Si son premier bilan, qui devrait être revu à la hausse après l’enquête en cours, évoque "330 morts" de lundi à mercredi, dont 100 tués par des "mercenaires pro-Gbagbo", l’Onuci a affirmé que "la plupart" des victimes ont été "exécutées par les ’dozos’ (chasseurs traditionnels du nord, ndlr) des FRCI".

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a "confirmé l’existence de massacres dans la ville de Duékoué", mais selon elle le total de "plus de 800 personnes exécutées" correspond aux exactions de quatre mois de crise post-électorale. "Nous avons des retours réguliers de nos sources que les exécutions se poursuivent", a souligné un responsable du bureau Afrique de la FIDH, Florent Geel.

"Laurent Gbagbo avait plus de 800 mercenaires libériens et miliciens, souvent des jeunes de la région", s’est défendue la porte-parole d’Alassane Ouattara, Anne Ouloto. En effet, de nombreux témoignages ont fait état de tueries commises par des mercenaires libériens et des miliciens pro-Gbagbo dans la région au long de la crise post-électorale. A Duékoué, l’Onuci a d’ailleurs indiqué avoir découvert un puits dans le QG d’un chef milicien contenant "beaucoup de corps".

"PAS UNE SURPRISE"

L’horreur des derniers jours dans la zone n’est cependant "pas une surprise", souligne Rinaldo Depagne, de l’organisation International Crisis Group (ICG). La région a été "infectée par la guerre civile au Liberia" voisin (1989-2003), rappelle-t-il. Des mercenaires libériens ont été recrutés par le camp Gbagbo et les rebelles (qui forment à présent le gros des FRCI) lors des combats de 2002-2003 qui ont abouti à la partition Nord-Sud de la Côte d’Ivoire.

Sans compter que le "Grand Ouest" connaît depuis des années des violences intercommunautaires. S’opposent d’un côté les autochtones d’ethnie guéré (réputés pro-Gbagbo) et de l’autre les Ivoiriens du Nord et les Ouest-Africains, considérés comme pro-Ouattara, sur fond de conflits fonciers dans cette grande région cacaoyère.

Politiquement, l’effet des accusations contre le camp d’Alassane Ouattara, considéré à l’extérieur comme le président légitime, pourrait être dévastateur. "Ça risque de le discréditer", s’inquiète une source onusienne. "Ça va le suivre", prédit un humanitaire.


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 3 avril 2011

 

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