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En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo évoque un "dialogue" et appelle les "rebelles" à désarmer


Lemonde.fr avec AFP | 18.03.11 |

Le président ivoirien sortant, Laurent Gbagbo, a évoqué, vendredi 18 mars, un "schéma de dialogue inter-ivoirien", "seul gage de sortie pacifique de la crise" post-électorale, et a appelé les "rebelles" à "déposer les armes", en pleine flambée de violences dans le pays. Le chef de l’Etat contesté "prend acte des cadres de discussion proposés par l’Union africaine et attend le haut représentant mandaté par l’institution", indique le compte-rendu du conseil des ministres de jeudi, lu par le porte-parole du gouvernement, Ahoua Don Mello, sur la télévision d’Etat.

Peu après, l’ex-rébellion ivoirienne alliée à Alassane Ouattara a rejeté l’appel du président sortant. Dans ce contexte toujours plus tendu, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) tiendra un sommet sur la crise ivoirienne les 23 et 24 mars, avec pour objectif des négociations entre les parties ivoiriennes "pour mettre au point les modalités d’application des propositions", qui incluent un gouvernement d’union nationale. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a en outre demandé au président de la commission de l’UA, Jean Ping, de nommer un "haut représentant" en Côte d’Ivoire pour mettre en œuvre ce plan de sortie de crise.

LE NIGERIA DÉMENT TOUT SOUTIEN AUX ANTI-GBAGBO

Selon le porte-parole du gouvernement, Laurent Gbagbo "interpelle le président Goodluck, président du Nigeria, pour l’assistance militaire qu’il apporte aux rebelles en convoyant près de cinq cents mercenaires sur Bouaké" (centre), fief de l’ex-rébellion des Forces nouvelles alliée à Alassane Ouattara. Il "tient à informer les chefs d’Etat de la sous-région qui se prêtent à ce jeu qu’il n’hésitera pas à user de son droit légitime de défense au cas où des atrocités seraient commises à l’encontre des Ivoiriens", conclut le texte.

Le Nigeria a rejeté peu après comme "sans fondement" les accusations du président sortant. "Cela n’a pas de base. Il n’en existe aucune preuve. Le Nigeria soutient la décision de l’électorat au scrutin qui a porté Alassane Ouattara à la victoire", a dit le porte-parole du ministre des affaires étrangères nigérian, Damian Agwu.

LA CAPITALE S’ENFONCE DANS LA VIOLENCE

Depuis plusieurs jours, Abidjan s’enfonce dans la violence. Jamais depuis la mi-février, quand la crise post-électorale a débouché sur des combats, la métropole ivoirienne n’avait connu une si lourde atmosphère. Nombre d’habitants jugent imminente une déflagration générale, alors que le quartier d’Abobo a été de nouveau la cible, dans la nuit de jeudi à vendredi, de tirs à l’arme lourde. "On s’est mis sous le lit, à même le sol, de peur d’être tués", a raconté une habitante. Aucun bilan n’était immédiatement disponible. Le ministère de la défense, à la limite du quartier du Plateau qui abrite le palais présidentiel, a lui été la cible d’une attaque "rebelle", selon la radio-télévision d’Etat, qui a fait état de "douze morts" parmi les assaillants.

Vendredi matin, beaucoup d’Abidjanais avaient une nouvelle fois préféré rester chez eux : les véhicules étaient rares sur les grands axes habituellement engorgés, et des commerces étaient fermés. Certains habitants ont fait des provisions, dans l’angoisse des prochains jours.

L’attaque à l’arme lourde de jeudi sur Abobo, fief électoral d’Alassane Ouattara – reconnu président ivoirien par la communauté internationale – largement contrôlé par les insurgés, a fait monter la tension entre le gouvernement Gbagbo et l’ONU  . Selon la mission de l’ONU   dans le pays (Onuci), cette attaque a été menée par "les forces armées du camp" Gbagbo et a fait vingt-cinq à trente morts et entre quarante et soixante blessés.

"CRIME CONTRE L’HUMANITÉ"

Ce massacre pourrait constituer un "crime contre l’humanité", a indiqué un porte-parole du haut commissariat de l’ONU   aux droits de l’homme. Mais le gouvernement Gbagbo a dénoncé "un vrai complot". "C’est clair et net, il y a une synergie entre l’ONU  , la France, les rebelles contre la Côte d’Ivoire", a déclaré le porte-parole Ahoua Don Mello. "Ce jeudi 17 mars, Abobo n’était pas un théâtre d’opérations pour les forces régulières. C’est une zone qui est actuellement partagée entre deux factions rebelles avec des intentions très contradictoires", a-t-il dit.

"La France condamne avec la plus grande fermeté le massacre délibéré de civils par des forces agissant pour le compte de Laurent Gbagbo, qui a eu lieu hier au marché d’Abobo", a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Bernard Valero, au cours d’un point de presse. Selon lui, Paris "réitère son appel à l’envoi sur le terrain, dans les plus brefs délais, d’une commission d’enquête internationale crédible, indépendante et impartiale, sous l’égide des Nations unies, pour faire toute la lumière sur ces exactions".

TROIS CENT MILLE DÉPLACÉS

Le gouvernement Gbagbo réclame depuis fin 2010 le départ de la mission onusienne et de la force française Licorne qui l’appuie, les accusant de soutenir les "rebelles" alliés à Alassane Ouattara.

Au fil des jours, la plupart des quartiers du nord d’Abidjan ont été touchés par les affrontements. Le massacre de jeudi intervient alors que la communauté internationale s’inquiète de plus en plus des répercussions sur les civils d’une crise qui, avant cette attaque, avait fait, selon l’ONU  , plus de quatre cent dix morts depuis mi-décembre et menace de plonger le pays dans une guerre civile.

Une porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU   (OCHA) a exprimé "sa plus vive inquiétude devant cette escalade sans précédent de la violence et joint sa voix à celle des autres organisations pour la cessation des hostilités et la protection des civils". "Ces violences sont un frein à l’aide humanitaire", a averti Elisabeth Byrs, parlant notamment de "barrages" érigés dans l’ouest du pays.

Environ trois cent mille personnes ont été déplacées par les violences à Abidjan. Plus de quatre-vingt-dix mille Ivoiriens se sont réfugiés au Liberia depuis le début de la crise, dont plus de la moitié depuis fin février, un "énorme défi" pour les infrastructures humanitaires dans le pays, selon l’ONU  .


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 20 mars 2011

 

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