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Sida et économie en Afrique

Modélisation par l’Inserm de l’effet du Sida dans les pays en développement au niveau macro-économique


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Lundi 22 janvier 2007 - Sidanet, 2007, 4(1) : 978 - Par Marine Cygler, A. Marie Drieux - INSERM Atualités N°204, Décembre 2006

L’équipe de Jean-Paul Moatti, unité Inserm 379, modélise l’effet du Sida   dans les pays en développement au niveau macro-économique. D’après leurs travaux, les chercheurs prédisent que l’économie entière de certains pays africains pourrait bénéficier de l’accès généralisé aux traitements antirétroviraux.

Lorsqu’un choc atteint un pays dont le développement n’est pas acquis, il peut affaiblir sinon renverser le processus de croissance. Des calculs macro-économiques ont permis d’évaluer les conséquences du Sida   sur l’économie des pays en développement : un à deux points de croissance du PIB (produit intérieur brut) sont perdus quand 10 % de la population est contaminée. Le coût direct du Sida   pour l’économie d’un pays est la réduction de l’épargne, car l’argent est utilisé pour payer les traitements, entraînant une diminution d’accumulation du capital. A court terme, le Sida   est responsable de la réduction de la masse de travailleurs. A plus long terme, l’impact devient plus global : à la perte de capital humain s’accompagne le risque d’un désinvestissement des entreprises étrangères.

« Généralement, les analyses coûts bénéfices se font au niveau du patient : si ce dernier est traité, il pourra par la suite retravailler et ainsi autofinancer son traitement » rappelle Bruno Ventelou (U379 et CNRS) qui poursuit « Nous avons introduit une autre notion, celle du capital humain ». En finançant l’accès aux soins, la durée de vie des malades est allongée ce qui augmente le capital humain. Le capital humain ? C’est le transfert de connaissances et de savoir faire au sein de la famille ou de l’entreprise. « Dans notre jargon économique, on appelle cela un effet d’externalité positive : l’activité individuelle d’une personne génère un gain de bien-être pour les autres » explique le chercheur. Avec le Sida  , le ménage n’a plus les moyens d’envoyer les enfants à l’école et ceux-ci sont alors obligés de travailler. Or il existe justement un moment où les transferts de connaissances sont plus ou moins cruciaux pour le développement.

Jean-Paul Moatti, Bruno Ventelou et Yann Videau ont identifié quatre pays africains, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et l’Angola, qui sont justement dans cette phase fragile qui peut mener soit à une croissance très forte soit à un maintien dans le sous-développement. Et Bruno Ventelou de prendre un exemple pour préciser cette notion : « Le Brésil a très rapidement fait bénéficier sa population de l’accès aux traitements antiviraux. Cependant, même s’il ne l’avait pas fait, ce pays possédait déjà un bon profil de croissance et un choc tel que le Sida   aurait certes altéré son profil de croissance mais ne l’aurait pas renversé ». Au contraire, pour les quatre pays précédemment cités, le Sida   peut avoir « un effet boule de neige », avec des conséquences durables et extrêmes. C’est pourquoi les chercheurs plaident pour une mise en place au plus vite de traitements à grande échelle, et non pas seulement pour des populations très ciblées. Le rendement économique de ce « scaling up » serait très positif : ces pays seraient en capacité d’autofinancer la lutte contre la maladie en deux ou trois ans.

Pour amorcer le processus vertueux, un choc positif initial doit se produire. « Pour le moment, ces pays n’ont pas les moyens d’initier la dépense. Il faut donc qu’une aide extérieure amorce la pompe. Les mécanismes de développement mis en place, il y aura un autofinancement des traitements antirétroviraux et les pays occidentaux pourront se désengager » conclut Bruno Ventelou.

D’autres économistes défendent un mécanisme déjà formulé par certains historiens au sujet des effets économiques la peste au Moyen-âge. Selon eux, la peste a eu un effet vertueux car le surplus agricole fut distribué à un plus petit nombre de survivants, permettant la transformation de ce surplus en un premier capital productif ... Ainsi pour des économistes de l’Université de Chicago (Alwyn Young), le Sida   cause la mort du chef de famille dont la femme doit alors travailler pour subvenir aux besoins domestiques. Elle aura de ce fait moins d’enfants, ce qui aura, de même qu’en Europe au Moyen-âge, un effet positif sur la croissance des pays touchés à grande échelle par la maladie.

Ces travaux, réalisés au sein de l’unité dirigée par Jean-Paul Moatti, sont financés par un programme « Avenir » de l’Inserm alloué à Bruno Ventelou.

Pour aller plus loin :

  • Couderc N and Ventelou B. "AIDS, economic growth and epidemic trap in Africa", Oxford Development Studies, 2005, vol. 33-3, pp 1-10.
  • Bruno Ventelou, Jean-Paul Moatti, Yann Videau, Michel Kazatchkine, "“Time is costly” : Modelling the macro-economic impact of scaling up access to antiretroviral treatment for HIV/AIDS in sub-Saharan Africa", working paper, Inserm U379.

Source : INSERM Actualités N°204 Décembre 2006

© Copyright 2007 Sidanet www.sidanet.info / Date de publication : Lundi 22 janvier 2007


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 27 février 2007

 

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