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Bénin : Des méthodes agricoles adaptées aux contraintes du VIH/SIDA

Développer des cultures à haute valeur nutritive et qui nécessitent un travail moins pénible constitue un espoir pour les agriculteurs vivant avec le VIH


Cotonou, 18 octobre 2007 (PlusNews)

En découvrant l’expérience d’un centre qui développe un système de production agricole viable et peu coûteux basé sur l’agrobiologie à Porto Novo, la capitale béninoise, Comlan Houessou, président du Réseau béninois des associations de personnes vivants avec le VIH  /SIDA  , est émerveillé.

« Nous voyons que nous n’avons pas besoin d’une grande superficie pour faire de l’agriculture. Ici, les gens font vraiment de l’extraordinaire », s’est enthousiasmé cet homme de 42 ans, lui-même agriculteur, alors qu’il visitait le centre Songhaï en marge de la conférence « De la recherche à l’action : réduire l’impact du VIH  /SIDA   sur l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest », organisée début octobre à Cotonou, au Bénin.

Créée en 1985, l’organisation non gouvernementale (ONG) Songhaï est un centre de « formation, de production, de recherche et de développement en agriculture durable », dont l’objectif est de permettre aux populations rurales africaines d’améliorer leurs conditions de vie en utilisant et rationalisant les méthodes traditionnelles et modernes d’agriculture et d’élevage, en gérant au mieux les ressources locales et en créant des entreprises agricoles viables.

Les activités de l’ONG vont du petit élevage -lapins, porcs ou volailles- au maraîchage en passant par la culture de céréales et la transformation des produits agricoles. Le moindre « sous-produit », tel que les excréments animaux, est exploité, dans un souci d’optimisation des ressources et de respect de l’environnement.

« Nous faisons tout pour faire évoluer les cultures dans leur environnement réel », a expliqué le Frère Ubeti Godfrey Nzamujo, fondateur de Songhaï, lors de la visite. « Rien n’est négligé ici, tout est utile pour nous ».

Des méthodes qui ont séduit M. Houessou. « La réduction de l’impact du VIH  /SIDA   sur l’agriculture et la sécuritaire alimentaire passe par la modernisation de l’agriculture. Nous voulons nous consacrer à des activités susceptibles de réduire la pénibilité et le temps du travail », a-t-il dit.

Les activités du centre Songhaï sont destinées à tous les agriculteurs et éleveurs, et ne sont pas spécifiquement dédiées aux personnes vivant avec le VIH  , mais M. Houessou a tout de suite vu l’intérêt que les méthodes de culture employées pourraient constituer pour des agriculteurs affaiblis par le virus.

Certaines techniques permettent en effet d’économiser de l’énergie en favorisant des cultures à cycle court et des variétés de semences résistantes aux conditions climatiques difficiles, qui nécessitent moins de pesticides ou autres produits chimiques -particulièrement nocifs pour les personnes séropositives.

« Même les personnes vivant avec le VIH   peuvent [suivre] un tel rythme [de travail] sans être obligé de déployer une très grande énergie », a constaté M. Houessou. « Ceci est pour nous une bonne nouvelle. Des cultures extra précoces, comme le niébé [une légumineuse] et le maïs, peuvent beaucoup nous aider ».

La nutrition est primordiale en cas d’infection au VIH  , a-t-il rappelé. « il faut beaucoup manger dans la mesure où le système immunitaire est défaillant. Je mange surtout la pâte [de maïs], et ici, on rencontre diverses variétés de maïs ».

Une alimentation équilibrée et riche est indispensable pour les personnes infectées par le virus et constitue un élément essentiel dans les soins, en aidant à retarder la progression de la maladie et en permettant au patient de ne pas prendre des médicaments « le ventre vide ».

« Tous les micronutriments sont importants pour les personnes malades [infectées au VIH  /SIDA  ], notamment tous les aliments comportant du calcium, de la vitamine A », a expliqué à IRIN/PlusNews Régine Goma, nutritionniste et présidente de l’Agence régionale d’information et de prévention du VIH  /SIDA   à Pointe-Noire, la deuxième ville du Congo, qui participait à la visite du centre Songhaï. « Ceci est pour nous une bonne nouvelle. Des cultures extra précoces, comme le niébé [une légumineuse] et le maïs, peuvent beaucoup nous aider »

Aujourd’hui, a estimé le docteur Doumbia Brahima, président de l’Association malienne pour le développement de la santé communautaire, on sait qu’« on ne peut pas réduire le traitement aux [médicaments]. Il y a ici [à Songhaï] des aliments qui contiennent des protéines qu’on doit amener les malades à consommer. Dans les oeufs on les retrouve, dans les céréales aussi ».

En effet, la question de « l’approvisionnement énergétique des [personnes infectées au VIH  ] est essentielle. L’agriculture aujourd’hui est au centre de la prise en charge nutritionnelle des malades », a estimé Mme Goma.

L’intérêt des expériences présentées au centre, pour Abdou Ibrahima, conseiller VIH  /SIDA   de la GTZ, la coopération allemande, est qu’« il vaut mieux que les malades composent leur plat localement pour équilibrer leur alimentation, car l’alimentation doit respecter les habitudes des malades. Les vivres importés peuvent ne pas être adaptés : on risque de manger les mêmes choses, car on importe souvent les mêmes aliments ».

Le centre Songhaï est désigné par le Frère Nzamujo comme « un système de développement intégré », car mêlant secteur primaire, secondaire et tertiaire : la force du centre est en effet sa capacité à transformer sur place les produits agricoles, qui viennent alors soutenir la commercialisation, pilier important du fonctionnement des activités.

En un peu plus de deux décennies, l’ONG a soutenu le lancement de 500 fermes dans tout le pays et formé des milliers de jeunes agriculteurs sur ses quatre sites, grâce aux revenus dégagés par son activité de production et au soutien d’organisations internationales.

Mais pour que les personnes vivant avec le VIH   puissent concrétiser ces expériences, il faut avoir des terres, a noté M. Houessou.

« Certains d’entre nous qui faisaient de l’exploitation agricole ont dû vendre leurs biens pour faire face à la maladie », a-t-il expliqué. « Avec l’avènement des ARV   [antirétroviraux], les personnes infectées ont retrouvé en majorité leur santé. Maintenant, nous avons envie de retrouver nos activités, mais nous n’avons plus de terres ».

« Les gens doivent nous aider dans notre volonté de retrouver des terres. On doit nous appuyer dans le cadre de notre réinsertion professionnelle », a-t-il plaidé. « Nous ne resterons pas oisifs. En même temps, cela assure notre sécurité alimentaire et celle de la communauté ».

L’initiative SWIHA (Systemwide initiative on HIV/AIDS and agriculture) et de l’ADRAO (Centre du riz pour l’Afrique), co-organisateurs de la conférence, ne disent pas autre chose.

« Pas de pays sans paysans. Utilisons l’agriculture pour lutter contre le VIH  /SIDA   en milieu rural », plaide une de leurs affiches, tandis que pour le centre Songhaï, « la seule façon de vaincre la pauvreté est de faire du pauvre un producteur ».


Publié sur OSI Bouaké le samedi 20 octobre 2007

 

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