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L’Afrique rompt avec la justice internationale, pas le Botswana


Mots-Clés / CPI

Rue89 - Par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana - L’observateur paalga [1] | 08/07/2009 | 14H34

Le président du Botswana Ian Khama en janvier 2009

Le 2 juillet, à la faveur du treizième sommet de l’Union africaine (UA), une quinzaine de chefs d’Etat ont décidé à Syrte de ne pas « coopérer avec la CPI   dans le dossier Omar El Béchir » [2]. Autrement dit, que la Cour pénale internationale ne compte pas sur eux pour arrêter le président soudanais, qui est accusé de « crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».

Curieuse et étonnante décision de leur part, puisque « ce sont surtout les pays africains qui ont demandé avec insistance cette cour », affirme Louis-Moreno Ocampo, président de ladite cour, sur France 24 dès le lendemain.

Alors, pourquoi réclamer une chose et ne pas vouloir qu’elle se déploie sur le terrain ? A-t-on pensé que la CPI   serait une coquille vide qu’on invoquerait lors des grands rassemblements mondiaux, question de se donner bonne conscience ?

« Les Africains auraient dû se taire » ; tel était le titre de l’éditorial du quotidien burkinabè L’Observateur Paalga du 6 juillet 2009 sur cette reculade des dirigeants africains. D’abord, parce que nombre de pays qui ont pris cette option moutonnière ont signé le statut de Rome, qui les oblige donc à en respecter les clauses, dont l’une a trait, justement, à la coopération en matière de poursuite de criminels de guerre.

Ensuite, la rengaine longtemps serinée, qui consiste à dire que les pensionnaires de la prison de Scheveningen [3] à La Haye sont pour la plupart des Africains, ne fait plus recette. Il faut trouver d’autres arguments. En fait, plutôt que d’adopter la posture de la victime du délit de faciès, il importe de se poser la question suivante :

Omar El Béchir a-t-il oui ou non, par cavaliers Djandjawids interposés, massacré des Darfouri ? Les preuves à charge et à décharge rassemblées depuis 2005 accablent bien le maître de Karthoum. Traînant ce boulet de mandat d’arrêt de la CPI  , qu’il a au pied depuis le 4 mars 2009, el Béchir ne peut compter que sur la bienveillante solidarité de ses pairs qui la lui ont effectivement témoignée officiellement en ce début juillet 2009.

Mais voilà qu’une voix discordante est venue signifier que le panurgisme africain sur le cas Béchir n’est pas total : le Botswana [5] a, en effet, soutenu au lendemain du Vaudeville de Syrte qu’il mettrait la main sur El Béchir s’il s’aventurait à fouler son sol et le remettrait à la CPI  .

C’était connu, le Botswana, ce petit pays de 581 730 km2 qu’occupent 1,9 million d’habitants, fait figure « d’exception politique » depuis des années dans une Afrique australe où les troubles politiques étaient la chose la plus répandue.

Indépendant depuis le 30 septembre 1966, ses hommes politiques ont joué l’alternance à fond : en juillet 1980, Ketumile Massire est élu par le Parlement président, puis réélu en 1989 et 1994. En octobre 1999, il cède la place à Festus Mogae, qui a été paisiblement réélu le 30 octobre 2004 sous la bannière du parti présidentiel, le Parti démocratique du Botswana (BDP).

Ce dernier, soucieux, comme son prédécesseur, de respecter la Constitution, qui circonscrit toute destinée présidentielle à deux mandats, avait annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2009. Serment tenu, puisqu’il a cédé avant terme son fauteuil au vice-président, Ian Khama, le 1er avril 2008.

Ce qui signifie que la présidentielle d’octobre prochain sera pratiquement une formalité pour Khama. On ne saurait omettre le fait que les ressources du sous-sol, notamment le diamant, sont bien gérées aussi dans ce pays. Il y a donc bel et bien un modèle politique botswanais.

A cette exception il faudrait en ajouter une autre : celle du respect des valeurs universelles et de la parole donnée. En ne faisant pas chorus derrière ses pairs réunis début juillet à Syrte, Ian Khama montre la voie qu’essaient d’emprunter tous ceux qui veulent une évolution du continent : une Afrique décomplexée qui épouse des positions lorsqu’elles sont justes et s’en départit quand elles jurent avec les droits humains. Le Botswana fera-t-il des émules dans ce dossier El Béchir ? Pourquoi pas.

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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 8 juillet 2009

 

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