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« La santé prime sur le commerce »

Mariângela Simão, directrice du programme brésilien de lutte contre le sida, justifie la décision du président Lula de casser le brevet d’un médicament


Mots-Clés / Brevet

Par Chantal RAYES - lundi 7 mai 2007 - São Paulo

Mariângela Simão dirige le programme brésilien de lutte contre le sida  , qui permet la distribution gratuite d’un traitement à 180 000 malades. Elle revient sur la décision du Brésil, annoncée vendredi par le président Lula, de ne plus respecter le brevet de l’Efavirenz, antirétroviral produit par le laboratoire américain Merck. Le laboratoire public brésilien Farmanguinhos estime être capable d’en fabriquer des copies d’ici un an. D’ici là, le Brésil va l’importer d’Inde.

Le Brésil a longtemps menacé de ne plus respecter les brevets des antirétroviraux, mais c’est la première fois qu’il met cette menace à exécution. Pourquoi maintenant ? En 2001, 2003 et 2005, nous avons négocié et obtenu des rabais conséquents sur le prix des médicaments comme le Ténofovir et le Kaletra [des laboratoires américains Gilead et Abbott, ndlr]. Ensuite, Abbott a spontanément accordé une baisse de prix sur le Kaletra, car la consommation de ce médicament est en hausse dans le monde. Dans le cas de l’Efavirenz, Merck s’est montré intransigeant, n’acceptant qu’une baisse de 2 %. Ils affirment que le gouvernement a prématurément mis fin aux négociations. C’est faux. Nous négocions depuis novembre. Le 24 avril, nous avons donc décrété l’Efavirenz d’intérêt public [première étape de la procédure de licence obligatoire] et donné un délai au laboratoire pour faire une nouvelle offre, que nous n’avions pas l’obligation de faire. Celui-ci a alors consenti un rabais de 30 %, qui porterait le prix du comprimé à 1,10 dollar. Or, nous réclamions 65 cents, prix pratiqué par Merck dans d’autres pays [comme la Thaïlande], et cela alors que des copies à 45 cents l’unité sont disponibles auprès de fournisseurs indiens agréés par l’Organisation mondiale de la santé. Le laboratoire répond qu’il fixe son prix en fonction de l’indice de développement humain et du nombre de malades du sida  ... Ces critères sont injustes et mal appliqués. Le niveau de développement du Brésil est similaire à celui de la Thaïlande. Parmi les pays en développement, le Brésil est le plus grand acheteur d’Efavirenz et a toujours honoré à temps ses engagements avec les labos. Nous méritions d’être traités avec plus de respect. Vous ne semblez pas craindre les représailles de Washington... Le président Lula dit que la santé primait le commerce. Nous n’avons rien fait d’illégal. La licence obligatoire est prévue par les accords internationaux sur la propriété intellectuelle. D’autres pays ont eu recours à ce mécanisme (lire encadré) . Si nous n’avions pas fait cela, la viabilité du programme de distribution des médicaments antisida aurait été mise en péril. L’Efavirenz est pris par un nombre croissant de patients : 75 000 aujourd’hui contre 2 500 en 1999. Faudrait-il généraliser cette politique à d’autres traitements antisida ? Le Brésil a toujours cherché des solutions négociées avec les labos, mais quand cela n’est pas possible, une mesure plus drastique finit par être prise. Nous avons 32 000 nouveaux cas de sida   par an. Grâce à l’accès gratuit au traitement, les malades vivent beaucoup plus longtemps et certains finissent par avoir besoin de médicaments plus avancés et très coûteux. Cela dit, plusieurs de ces médicaments n’ont pas de copies disponibles sur le marché, et le Brésil n’est pas à même d’en produire. L’enjeu pour nous est donc de développer notre capacité de production.


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 8 mai 2007

 

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