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Prise en charge de l’infection chez l’enfant au Sud


par Christian Mouala, Inserm - 06/07/09 , cet article a été publié dans Transcriptases n°140.

Une étude menée à Lusaka, en Zambie, met en évidence la faisabilité d’une prise en charge pédiatrique de l’infection VIH   dans les structures de soins de santé primaire. De quoi combler partiellement le retard des enfants dans l’accès aux antirétroviraux.

La prise en charge de l’infection à VIH   chez l’enfant1,2,3 accuse un net retard de façon générale, et cela est encore plus accentué dans les pays du Sud où, en plus des problèmes d’accès et de faiblesse des ressources humaines, on se heurte au faible nombre de ces services spécialisés. Plusieurs stratégies ont été proposées pour améliorer l’offre de soins en direction des enfants infectés par le VIH  , parmi lesquelles la stratégie intégrée aux systèmes de santé.

Les résultats d’une étude zambienne publiée récemment sont en faveur de l’efficacité de cette stratégie. L’objectif principal de cette étude était de démontrer l’efficacité sur les plans clinique et immunologique d’un programme pédiatrique de mise sous Haart en continu (C-ART) chez des enfants infectés par le VIH  . Les objectifs secondaires étaient de mesurer la survie, la prise de poids, le nombre de cellules CD4, le taux d’hémoglobine et l’évolution clinique. Un programme de traitement pédiatrique

A partir d’une cohorte d’enfants inscrits dans un programme de traitement pédiatrique, toutes les données cliniques et thérapeutiques étaient recueillies à l’aide d’un système de dossiers médicaux électroniques dans 18 centres de santé primaire du secteur public de Lusaka, la capitale de la Zambie. Les soins étaient assurés principalement par des personnels paramédicaux (infirmières et techniciens supérieurs de santé).

Les patients étaient des enfants (<16 ans) se présentant après un diagnostic d’infection par le VIH  . L’étude s’est déroulée du début mai 2004 à la fin juin 2007. La C-ART était constituée d’une trithérapie (zidovudine ou stavudine et lamivudine, plus névirapine ou éfavirenz) pour les enfants ayant une indication de mise sous traitement selon les critères de mise sous traitement national en Zambie.

Au total, 4975 enfants infectés par le VIH   ont été inscrits dans l’étude, parmi lesquels 2938 (59,1%) ont débuté une C-ART. Pour les patients ayant une C-ART, l’âge médian était de 81 mois, 1531 (52,1%) étaient de sexe féminin, et 2087 (72,4%) étaient en stade III ou IV de la classification de l’Organisation mondiale de la santé. Analyse

Au moment de l’analyse, 158 enfants (5,4%) étaient perdus de vue et 382 (13,0%) avaient au moins 30 jours de retard pour le suivi. Sur les 2398 enfants restants ayant bénéficié d’une C-ART, 198 (8,3%) sont décédés. De ces décès, 112 (56,6%) sont survenus dans les 90 jours suivant l’initiation de la C-ART. Dans l’analyse multivariée, la mortalité était associée à la déplétion des CD4, au jeune âge et à l’anémie.

Le pourcentage moyen des CD4 parmi les 1561 enfants a évolué de 12,9% lors de l’initiation de la C-ART à 23,7%, 27,0%, 28,0% et 28,4% respectivement à 6 mois, 12, 18, et 24 mois de traitement. Bons résultats

Ces données suggèrent que la prise en charge pédiatrique de l’infection à VIH   donne de bons résultats dans le cadre des structures des soins de santé primaire en Afrique sub-saharienne. Cependant, la mortalité durant les 90 premiers jours du traitement est élevée, soulignant la nécessité d’un diagnostic précoce de l’infection à VIH   chez l’enfant, ce qui nécessite de renforcer les structures de soins pédiatriques nationales existantes afin de renforcer leurs compétences en matière de diagnostic (clinique et biologique) et de prise en charge de l’infection à VIH  .

Plusieurs cohortes pédiatriques en Afrique subsaharienne (Botswana, Afrique du Sud, Ouganda) ont-elles aussi apporté des résultats encourageants (voir Transcriptases n°129). Leurs données sur l’efficacité des ARV   chez l’enfant ont toutes montré des résultats très bons, comparables à ceux obtenus chez l’adulte. La mise sous ARV   a entraîné une amélioration du taux moyen des CD4 et une régression significative de la charge virale.

L’importance d’une prise en charge globale

D’autres travaux ont montré l’importance d’une prise en charge globale pour améliorer le statut clinique des enfants qui ne peuvent pas bénéficier du traitement ARV  , et les bons résultats de cette prise en charge. Ainsi, dans son programme de prise en charge pédiatrique comportant la prise en charge nutritionnelle associée à une prise en charge psychologique et sociale, l’équipe de Banura, en Ouganda, avait amélioré le statut clinique des enfants avant même la mise sous ARV  . L’équipe de Tindyebwa au Kenya a souligné que la qualité de vie des enfants infectés peut déjà être améliorée avec un accès aux soins, la mise sous prophylaxie au cotrimoxazole et une utilisation adéquate des ressources localement disponibles.

Concernant la pénurie de ressources humaines et notamment de médecins, l’efficacité de l’utilisation des personnels paramédicaux avait déjà été démontrée par d’autres travaux comme ceux de MSF   au Malawi, dans lesquels a été étudiée la faisabilité d’une prise en charge simplifiée et décentralisée. Face au nombre de médecins disponibles très inférieur aux besoins, une organisation des soins compatible avec ces effectifs limités a été proposée, telle que la décentralisation des consultations avec des équipes cliniques mobiles vers les centres de santé ruraux, des consultations mensuelles par un médecin jusqu’à stabilisation des patients sous antirétroviraux et un relais des visites bimensuelles par des infirmiers une fois les patients stabilisés.

Un encouragement

Pour conclure, ce travail qui démontre que les enfants commencent à être pris en compte dans le traitement est un encouragement, bien que les objectifs de l’OMS   sont encore loin d’être atteints. Cette étude est un modèle pour le désengorgement des structures spécialisées et pour accompagner la décentralisation de la prise en charge pédiatrique dans un contexte de nombre élevé de patients avec des moyens extrêmement limités. Le nombre de médecins disponibles étant très inférieur aux besoins, les paramédicaux (infirmiers formés) pourraient constituer un appui efficace pour le passage à l’échelle. Il s’agit donc de trouver une organisation des soins compatible avec ces effectifs et ces moyens restreints.

Les points clés

La prise en charge pédiatrique de l’infection à VIH   est réalisable dans les structures de soins de santé primaires.

Le pourcentage moyen de CD4 est passé de 12,9% lors de la mise sous traitement à 23,7%, 27,0%, 28,0% et 28,4% respectivement à 6, 12, 18 et 24 mois de traitement.

En absence de diagnostic précoce et de mise sous traitement, la mortalité reste élevée.

Les facteurs de risque associés à la mortalité étaient la déplétion des CD4, le jeune âge et l’anémie.

1. Harries AD, Schouten EJ, Libamba E. « Scaling up antiretroviral treatment in resource-poor settings ». Lancet, 2006, 367, 1870-2 2. The Antiretroviral Therapy in Lower Income Countries (ART-LINC) Collaboration and ART Cohort Collaboration (ART-CC) groups. « Mortality of HIV-1-infected patients in the first year of antiretroviral therapy : comparison between low-income and high-income countries ». Lancet 2006, 367, 817-24 Sur ART-LINC, voir Transcriptases n° 123 3. Egger M, May M, Chêne G, et al. « Prognosis of HIV-1 infected patients starting highly active antiretroviral therapy : a collaborative analysis of prospective studies ». Lancet, 2002, 360, 119-29


VOIR EN LIGNE : vih.org
Publié sur OSI Bouaké le mardi 7 juillet 2009

 

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