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L’accès aux soins de plus en plus fermé pour les sans-papiers


Marie Barbier, 10 juin 2011 - Depuis trois mois, les sans-papiers pauvres doivent payer pour obtenir l’aide médicale d’Etat (AME  ). Mais avant même de passer à la caisse, obtenir l’AME   est aujourd’hui devenu une gageure. Reportage dans un centre parisien de Médecins du monde.

« Ils me demandent des papiers qui sont introuvables ». Assise au milieu de la salle d’attente du Centre d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) de l’avenue Parmentier à Paris, Sylvie, 47 ans, désespère de pouvoir un jour bénéficier de l’Aide médicale d’état (AME  ), la couverture maladie réservée aux personnes en situation irrégulière sans ressources. Cette Camerounaise habite en France depuis douze ans, mais n’a jamais pu obtenir de cartes de séjour. Malgré son diplôme de préparatrice en pharmacie, elle en est donc réduite aux petits boulots de gardes d’enfants et de ménages. Et ne bénéficie d’aucune couverture médicale.

C’est la particularité de ces centres mis en place par Médecins du monde : offrir des soins gratuits aux personnes en situation d’exclusion ou de vulnérabilité sans protection sociale. Des sans-papiers pour la plupart, dont beaucoup viennent d’arriver en France. Chaque jour, 150 patients sont reçus par des médecins et infirmières bénévoles. Outre cette aide médicale, le centre apporte une assistance sociale et administrative pour que les patients puissent bénéficier d’une couverture santé. « Ils sont confrontés à des problèmes d’hébergement, de nourriture et ont souvent besoin d’un soutien psychologique, explique Barbara Ndadoma, l’assistante sociale du centre. Sur tout cela, se greffe le problème d’accès aux soins. »

Droit de timbre de 30 euros

Un problème qui s’est fortement compliqué depuis le 1er mars, les bénéficiaires de l’AME   devant désormais acquitter un droit de timbre de 30 euros, comme le prévoit la loi de finances 2011. Cette mesure, contestée par des nombreuses associations d’aide aux étrangers, mais aussi de médecins et de malades, avait reçu un avis défavorable d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociale et de l’inspection générale des finances qui jugeaient ce ticket modérateur « inadapté » et « porteur de risques sanitaires ».

Il est encore trop tôt pour percevoir les effets de l’installation de ce droit de timbre. Les premiers courriers de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) demandant aux bénéficiaires de venir chercher leur carte avec un timbre fiscal de 30 € ont été envoyés à la mi-avril. Au Caso, on redoute d’abord les conséquences sanitaires de ce nouvel obstacle à l’accès aux soins. « Ce qui va sûrement se passer, explique Barbara Ndadoma, c’est que les malades qui ne pourront pas payer vont reporter leur demande d’AME   et continuer à venir ici. Les files actives dans les structures médicales qui accueillent sans couverture maladie vont augmenter. »

Risques de contaminations

Dans de telles conditions, les médecins redoutent les retards de soins. On imagine les conséquences d’une prise en charge tardive pour des maladies silencieuses comme le diabète et l’hypertension, en forte prévalence chez les patients du Caso. « Cela pose aussi un problème pour les maladies contagieuses, ajoute Jean Nau, médecin généraliste au centre. Par exemple pour les porteurs d’hépatite B qui ne se savent pas porteurs et risquent de contaminer d’autres personnes. »

Si les conséquences de la mise en place du ticket d’entrée ne se font pas encore sentir, d’autres sont déjà bien réelles. « La sécurité sociale a profité de cette réforme pour durcir l’accès à l’AME  , regrette Barbara Ndadoma. Ce n’est pas indiqué dans la circulaire, mais ils ont instauré des règles non-officielles. L’accès à L’AME   devient de plus en plus difficile, il faut s’armer de courage et être patient. »

Pour obtenir l’Aide médicale d’État, il faut prouver une présence ininterrompue sur le territoire français depuis plus de trois mois et moins d’un an. Pas toujours évident quand on est sans papiers… Or depuis le 1er mars, de nombreuses pièces autrefois acceptées ne le sont plus, comme les ordonnances. Résultat, les dossiers reviennent au Caso avec des demandes de pièces supplémentaires. Des va-et-vient qui retardent l’entrée dans le système de soins de patients marginalisés et découragés. « Si on fait bien notre travail, ils partent après deux ou trois consultations, calcule Emmanuelle Corp, la coordinatrice du centre. Mais c’est de plus en plus compliqué, on voit revenir une population qu’on pensait partie. »

Depuis plusieurs mois, le Caso a noté une augmentation significative de sa fréquentation. Une explosion qui pourrait s’expliquer par les difficultés rencontrés par les bénéficiaires pour simplement obtenir l’Aide médicale d’état.

Article paru dans l’Humanité du 10 juin 2010


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 10 juin 2011

 

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