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Paroles d’adoptés / Hélène Jayet


Photographie.com - Janvier 2012 - Interview - Propos recueillis par Roxana Traista

Née en 1977, Hélène Jayet s’est formée aux Beaux-Arts de Montpellier et à la Villa Formose, à l’école de photographie Image ouverte et enfin en photo-journalisme à l’Emi-Cfd. Elle travaille essentiellement en argentique et s’intéresse aux nouveaux modes de diffusion comme les P.O.M. (Petites Oeuvres Multimédia) et le web-documentaire. Ses images traitent de l’intime, de l’histoire, de la mémoire et des questions identitaires. Les travaux d’Hélène Jayet ont été exposés pendant la Biennale de Luang Pra Bang au Laos, aux rencontres photographiques du Xe à Paris et au festival du Scoop et du journalisme d’Angers. Elle a reçu en 2008 le prix du public du Mois OFF de la photographie.

Son projet Paroles d’adoptés a récemment été finaliste du Prix photographique de l’Académie des beaux-arts Marc Ladreit de Lacharrière. Dans cette interview, Hélène Jayet explique son attachement à un sujet que très peu de photographes ont eu le courage d’aborder.

Photographie.com : Parlez-nous de ce projet L’origine de l’histoire - paroles d’adoptés. Comment est-il né et qu’est ce que vous voulez donner à voir ?

Hélène Jayet : L’origine de l’histoire est un projet photographique autour de l’adoption. Pour commencer, je crois qu’il est important de préciser que je suis moi même adoptée, que j’ai grandi dans une fratrie de cinq enfants tous adoptés et d’origine différente.

J’ai toujours voulu traiter le sujet de l’adoption dans mon travail, et c’est au cours de mes recherches que j’ai constaté l’absence récurrente de la voix des adoptés. C’est l’angle que j’ai choisi de traiter en priorité, parmi les autres chapitres que je prépare autour de l’adoption.

Photographie.com : Quelle est votre démarche artistique dans le cadre de ce projet ? Comment s’inscrit-elle dans votre univers artistique ?

Hélène Jayet : Pour ce projet, j’ai cherché la forme la plus adaptée au sujet, loin de mon écriture photographique qui est plus onirique habituellement.

Je réalise des portraits, je photographie les traces de leur parcours d’adoption et j’enregistre leurs témoignages. La forme la plus épurée m’a semblé la meilleure pour photographier ces objets chargés d’histoires et d’émotions.

Photographie.com : Comment avez vous choisi vos sujets ?

Hélène Jayet : Chaque témoignage est une rencontre, un ami d’ami, etc... si on demande autour de soi, tout le monde connait quelqu’un qui a cette histoire particulière.

Je ne peux pas dire que je "les" choisis, c’est plutôt eux qui acceptent de se raconter ou pas.

Chaque histoire, unique de par leurs situations, tranches d’âges, origines et bien sûr les parcours personnels – me permettra de constituer une sorte de « kaléidoscope » symbolique de l’histoire des adoptés.

À ce jour, dix personnes ont déjà témoigné, en m’ouvrant leurs archives, leurs tiroirs, leurs albums photos, et en me racontant leur histoire unique.

Photographie.com : Quelle relation partagez vous avec eux ? Y a-t-il une rencontre spéciale que vous voulez partager avec nous ? Hélène Jayet : Chaque rencontre est très émouvante, pour certaines personnes c’est la première fois qu’ils formulent vraiment ce qu’ils ont traversé et comment ils vivent avec. D’autres témoignent, mais n’ont pas forcément l’approbation de leur entourage.

Mais il y a aussi celles et ceux qui souhaitent que leur expérience permettent aux futurs adoptants, aux adoptés et au public de mieux comprendre ce que cela signifie d’être adopté.

J’aime tous les témoignages, mais il est vrai que l’histoire d’Olivier, originaire de Colombie, m’a bouleversée. Vous pouvez découvrir un extrait dans la vidéo. Il nous y explique que c’est son histoire d’adopté qui l’a conduit à devenir enseignant, sa volonté de transmettre vient de tout ce qu’il n’aurait pas pu avoir s’il était resté à Medellin.

Photographie.com : Est-ce que l’adoption reste un sujet tabou en France ?

Hélène Jayet : Je dirais plutôt que l’adoption est un sujet sensible et universel car on en parle plus qu’il y a 10 ans par exemple. Régulièrement, la question revient sur le tapis, souvent à l’occasion de tragédies comme dernièrement lors du séisme en Haïti ou en 2007 avec l’affaire de l’Arche de Zoé au Tchad.

Alors on légifère, on parlemente, on fait un rapport, on se demande ce qui est le mieux pour les enfants adoptés, on s’écharpe sur la question de l’adoption par des couples homosexuels… Mais on donne rarement la parole aux adoptés. Je voudrais à travers ce projet, lever le voile, faire émerger un nouveau regard sur l’adoption et bousculer les idées reçues, et surtout que cela soit un outil pour celles et ceux directement concernés.

Photographie.com : Vous êtes aujourd’hui à la recherche de fonds pour la finalisation de votre projet. Quels sont vos objectifs ?

Hélène Jayet : Ce projet a été tout récemment finaliste du prix photographique de l’Académie des Beaux-arts - Marc Ladreit de Lacharrière, avec une jolie bourse de création à la clef… malheureusement il est resté finaliste.

Il y a eu aussi des projections, à Phnom Phen dans le Off de PPP, à la cinémathèque de Bamako pour la soirée de clôture des Rencontres de Bamako, et la première partie du projet "L’origine de l’histoire" exposée aux promenades photographiques de Vendôme. Cela représente plus de quatre années de travail en autofinancement.

L’objectif est de produire 10 nouvelles histoires ou plus ! Puis idéalement, une exposition, un webdocumentaire et un livre… Afin de poursuivre ce projet, j’ai lancé une collecte de fonds - Crowdfunding - avec la maison de Créativité Kisskissbankbank.

Je dois dire que cela fait un drôle d’effet de collecter des fonds de cette manière, chaque don, peu importe le montant, me touche beaucoup. Quand on est photographe, on est tellement habitué à travailler seul, là on se sent poussé et soutenu, par nos proches mais aussi par des inconnus qui sont sensibles au projet.

90 jours pour collecter 6000 euros !

Pour soutenir ce projet, rendez-vous sur Kisskissbankbank.


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 28 janvier 2012

 

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