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Kenya : la résistance aux médicaments, un risque pour les déplacés séropositifs


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Nairobi, 17 janvier 2008 - Au terme de quinze jours de violences politiques au cours desquelles quelque 250 000 Kényans ont été déplacés, selon les estimations, les travailleurs de la santé luttent pour s’assurer que les personnes séropositives sous traitement anti-rétroviral (ARV  ), une thérapie susceptible de prolonger leur espérance de vie, continuent de recevoir leurs médicaments, ainsi que des vivres en quantité suffisante.

« La semaine dernière, environ cinq pour cent seulement de nos patients sous ARV   étaient venus chercher le traitement qui leur est habituellement prescrit », a indiqué à IRIN/PlusNews Sylvester Kimaiyo, responsable de programmes du Modèle académique pour la prévention et le traitement du VIH  /SIDA   (AMPATH), dans la vallée du Rift. « Nous nous occupons de 58 000 patients séropositifs, dont 24 000 sont sous ARV   ».

Selon M. Kimaiyo, les 19 centres de l’AMPATH, situés dans la vallée du Rift (nord), dans la Province occidentale et dans la province de Nyanza, fournissent généralement à leurs patients assez de médicaments pour un mois ; habituellement, les patients se voient même délivrer quelques doses supplémentaires, pour les dépanner quelques jours au cas où ils ne seraient pas en mesure de se rendre aux dispensaires à temps.

« Malgré tout, selon le personnel de nos centres, bon nombre des patients qui ont recommencé à se présenter cette semaine n’avaient pas pris leurs médicaments pendant quelques jours », a-t-il rapporté, notant que les régions de Burnt Forest et d’Eldoret, dans la vallée du Rift, avaient été les plus touchées.

En interrompant leur thérapie ARV  , les patients risquent de développer une résistance à ces médicaments. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ), « l’échec des traitements, l’augmentation des coûts sanitaires directs et indirects - due à la nécessité, pour les patients, d’entamer des traitements de deuxième ligne, plus coûteux - la propagation de souches de VIH   résistantes et la nécessité de concevoir de nouveaux médicaments contre le VIH   sont autant de conséquences de la résistance aux médicaments ».

À mesure qu’un calme précaire revient dans le pays, les patients ont recommencé à se rendre dans les centres, a expliqué M. Kimaiyo, et au 15 janvier, seuls les patients des camps de PDIP ne s’y étaient pas encore présentés.

« Nous avons envoyé nos employés dans les camps de la vallée du Rift pour qu’ils retrouvent les patients et leur délivrent des médicaments », a-t-il ajouté. « Et nous distribuons des vivres, puisés dans nos réserves, aux patients en mesure de se rendre dans nos cliniques, même à ceux qui n’en recevaient pas avant les élections ».

Dans la province de Nyanza, Lennah Nyabiage, coordinatrice des programmes de thérapie anti-rétrovirale (ART) du ministère de la Santé, a expliqué qu’il était difficile de mesure l’ampleur de la situation, car les populations locales étaient extrêmement hostiles au gouvernement et à ses représentants.

Selon les estimations, Nyanza, qui présente un taux de prévalence du VIH   de 12 pour cent, compte environ 45 000 personnes sous traitement ARV  . Patrie de Raila Odinga, le candidat de l’opposition, qui conteste la victoire remportée par le président Mwai Kibaki aux élections de décembre dernier, la province de Nyanza a été le théâtre des plus sanglantes violences perpétrées dans le pays.

« Nos fonctionnaires ont dit avoir été harcelés alors qu’ils se déplaçaient à bord de véhicules GoK [gouvernement du Kenya] et craignent de se rendre dans de nombreuses zones car les populations savent qu’ils travaillent pour le gouvernement », a-t-elle expliqué à IRIN/PlusNews. « Je suis en contact avec les employés de nos hôpitaux publics, et selon eux, la plupart des patients n’ont pas encore épuisé leurs réserves de médicaments ».

Mme Nyabiage a également indiqué que son bureau s’efforçait, en collaboration avec les forces de police locales, d’assurer que les populations sachent qu’il leur est possible d’obtenir un traitement dans n’importe quel centre de santé, même s’il ne s’agit pas de leur centre habituel, à condition de fournir un dossier médical stipulant qu’ils sont sous ARV  . Le ministère a également publié des avis dans les journaux nationaux pour recommander aux patients qui suivent un traitement ARV   ou contre la tuberculose de se présenter au centre de santé le plus proche pour recevoir un traitement gratuit.

À la recherche des patients perdus

Aux quatre coins du pays, les ONG conçoivent de nouvelles méthodes pour retrouver leurs patients. L’organisation médicale internationale à but non-lucratif Médecins sans frontières (MSF  ) est en train de mettre en place un service d’assistance téléphonique national et gratuit, qui doit ouvrir le 21 janvier.

« L’assistance téléphonique fonctionnera pendant six semaines et sera annoncée dans les journaux nationaux anglais et swahilis », a déclaré Anouk Delafortrie, de MSF  , qui coordonne ce projet. « Nous demandons aux patients d’appeler pour demander des renseignements sur le centre le plus proche s’ils ont dû quitter leur région pour s’installer ailleurs, et nous leur présentons les choix qui s’offrent à eux s’ils ne se trouvent plus près d’un centre de santé MSF   ».

MSF   a ouvert trois centres dans le bidonville de Kibera (Nairobi), théâtre d’un grand nombre de violences, ainsi qu’un centre de traitement contre la tuberculose dans le bidonville de Mathare (toujours à Nairobi) ; l’organisation a également mis sur pied plusieurs projets de lutte contre le VIH   dans les villes de Homa Bay et de Busia, situées dans l’est du pays. En tout, MSF   offre des soins et des traitements contre le VIH   à 12 000 patients.

« Lorsque les troubles ont éclaté, à la suite des élections, bon nombre de nos patients ont été déplacés, alors nous avons ouvert une clinique mobile à Jamhuri Park [à Nairobi, où vivent 2 400 PDIP] pour tenter de les retrouver et de les avertir de notre présence ; depuis que nous sommes ici, environ 50 de nos propres patients sont venus chercher leurs médicaments ARV   », s’est félicité Mohammed Hamid, coordinateur de la clinique mobile. « Nous ne refusons pas les patients des autres prestataires de santé : s’ils ont leur dossier médical sur eux, nous leur délivrons des médicaments ».

Le ministère de la Santé ainsi que plusieurs autres ONG médicales ont également ouvert des centres satellites à Jamhuri Park et dans les camps de PDIP de la vallée du Rift pour retrouver leurs patients, en particulier ceux qui suivent un traitement ARV   ou contre la tuberculose.

Selon le journal ougandais New Vision, les Kényans séropositifs qui fuient de l’autre côté de la frontière pourront obtenir des médicaments ARV   dans les camps, auprès des ONG locales.

Les travailleurs de la santé se sont félicités de la vitesse à laquelle les mécanismes d’urgence se sont mis en marche pour localiser les patients à l’échelle nationale et veiller à ce qu’ils continuent de suivre leurs traitements ; selon eux, néanmoins, seul le temps permettra de découvrir les conséquences qu’aura l’interruption des traitements de milliers de patients dans l’ensemble du pays. Le gouvernement distribue des ARV   gratuits à plus de 160 000 Kényans.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 17 janvier 2008

 

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