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Kenya : Le gouvernement devrait soutenir la divulgation aux enfants séropositifs de leur condition


HRW - New York, le 1er décembre 2010 - Les enfants ont droit à une information adaptée à leur âge au sujet de leur statut sérologique et ne devraient pas être les derniers à découvrir qu’ils sont séropositifs, a déclaré Human Rights Watch au cours de la Journée mondiale du SIDA  , le 1er décembre 2010. Human Rights Watch a évoqué ses recherches au Kenya sur le sujet et a appelé le gouvernement kenyan à fournir des conseils au personnel des services de santé et aux parents sur la divulgation, qui pourrait commencer dès l’âge de 6 ans, en tenant compte de la maturité de l’enfant ainsi que du contexte médical et social spécifique.

Les gouvernements du monde entier doivent élaborer des politiques judicieuses sur les méthodes d’accompagnement permettant de divulguer leur statut sérologique aux enfants et adolescents, au moment où plus d’enfants à travers le monde sont testés pour le VIH   et ont accès à un traitement antirétroviral (TAR), a ajouté Human Rights Watch.

« Les parents, les personnes chargées des enfants et les assistants sanitaires qui omettent de divulguer leur statut sérologique aux enfants peuvent inconsciemment faire beaucoup de mal », a déclaré Juliane Kippenberg, chercheuse senior à la division Droits de l’enfant de Human Rights Watch. « Ils peuvent détruire la santé émotionnelle et physique d’un enfant et transmettre à la génération suivante la stigmatisation liée au VIH  . »

Les recherches de Human Rights Watch au Kenya démontrent les effets désastreux des politiques de divulgation défectueuses. Les enfants qui ne savent pas qu’ils sont séropositifs peuvent être moins enclins à prendre leurs médicaments régulièrement, ce qui peut conduire à la résistance biologique aux médicaments et même à la mort. Les enfants qui apprennent tardivement qu’ils sont séropositifs sont plus enclins à intérioriser la stigmatisation et se sentent trahis par ceux qui leur cachent leur statut sérologique. Si les adultes dissimulent des informations d’une telle importance pendants des années, les enfants peuvent ressentir qu’il y a un problème et vivre dans une grande anxiété. Certains enfants sont confrontés à la découverte de leur maladie par le biais des commentaires faits par les autres en public, et souffrent de traumatismes et de dépression.

Au Kenya, près de 180 000 enfants vivent avec le VIH  , et un peu plus de 40 000 enfants sont sous traitement antirétroviral. La plupart de ces enfants ont été infectés toute leur vie par le biais de la transmission de mère à enfant, et pourtant au Kenya les parents et les personnes responsables ne dévoilent souvent pas à leurs enfants qu’ils sont séropositifs jusqu’à ce qu’ils atteignent l’adolescence. Human Rights Watch a interrogé des enfants âgés de 8 à 14 ans qui n’avaient pas été informés de leur statut sérologique, ainsi que des parents et autres personnes responsables des enfants, des prestataires de soins et des conseillers.

En vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, les enfants de moins de 18 ans ont droit à l’information sur leur propre santé. Mais les lignes directrices nationales du Kenya pour le dépistage et les conseils sur le VIH   placent la responsabilité de la divulgation entre les mains de la personne qui s’occupe de l’enfant et ne permettent pas au personnel soignant de divulguer le statut sérologique à un enfant, sauf si un parent ou tuteur a donné son autorisation. Les lignes directrices permettent au personnel soignant d’informer les enfants qui sont enceintes, mariés ou sexuellement actifs. En pratique, cependant, les enfants sexuellement actifs ne divulguent pas toujours cette information aux prestataires de soins, et ne sont donc pas informés de leur séropositivité.

Le refus d’informer les enfants plus âgés sur leur statut sérologique viole le droit de l’enfant à l’information et à la vie privée, ainsi que le droit de l’enfant aux conseils et à un dépistage volontaire et confidentiel, a déclaré Human Rights Watch. Il compromet également la capacité de l’enfant à participer à ses propres soins médicaux, aspect important du droit à la santé.

« Beaucoup de parents sont réticents à divulguer à leurs enfants qu’ils sont infectés par le VIH   », a expliqué Juliane Kippenberg. « Ils veulent protéger l’enfant contre la stigmatisation dont ils font eux-mêmes l’objet, et les mères en particulier peuvent se sentir coupables d’avoir infecté leurs enfants ou craignent que leur propre état de santé puisse être connu. »

Le Kenya devrait fournir davantage de soutien et d’informations aux parents sur la façon d’apprendre à leurs enfants qu’ils sont séropositifs, a indiqué Human Rights Watch.

Les lignes directrices du Kenya encouragent de manière prudente les prestataires de santé à « tenter de présenter une information au sujet du VIH   appropriée à l’âge le plus tôt possible » et à « offrir une aide pour la divulgation dans le cas où des questions difficiles se présentent. » Le Programme national de contrôle du SIDA  /MST (National AIDS/STD Control Programme, NASCOP) du Kenya a mis au point un bon plan de formation sur la divulgation aux enfants, mais peu de travailleurs de la santé ont été formés. Le NASCOP met en place un comité chargé de traiter les questions des tests d’enfants, de conseils et de divulgation, ce qui est salué par Human Rights Watch comme une évolution positive.

« Accepter le VIH   est plus douloureux quand les enfants le découvrent tardivement, en particulier pendant l’adolescence », a déclaré Juliane Kippenberg. « Les enfants devraient être informés de bonne heure de leur séropositivité en bénéficiant d’un soutien, et conseillés sur la prévention quand ils grandissent. »

La divulgation précoce est également nécessaire à la prévention, a rappelé Human Rights Watch. Un grand nombre d’adolescents commencent à avoir des relations sexuelles avant de connaître leur statut sérologique, et risquent de propager le virus chez les autres.

L’Organisation mondiale de la santé a déclaré qu’« informer les enfants plus âgés de leur statut séropositif améliore l’adhésion » à la prise des médicaments antirétroviraux et a recommandé que les enfants âgés de plus de 10 ans soient associés dans les décisions de dépistage du VIH  . Elle a également exhorté les gouvernements à fournir des conseils au personnel soignant sur le processus d’information d’un enfant de sa séropositivité, parce qu’« informer les enfants et leur divulguer leur statut sérologique est un processus mieux exécuté avec l’appui de professionnels de santé qualifiés. » L’Académie américaine de pédiatrie encourage la divulgation du statut sérologique aux enfants d’âge scolaire.

Human Rights Watch a appelé le gouvernement du Kenya à :

* Fournir des lignes directrices claires et accessibles pour la divulgation du statut VIH   qui recommandent d’envisager la divulgation aux enfants dès l’âge de 6 ans, en tenant compte de la maturité cognitive et émotionnelle de chaque enfant, de la dynamique familiale et du contexte médical ;

* Permettre aux prestataires de soins de divulguer sa séropositivité à un enfant dans le cadre de ces directives s’ils jugent l’enfant prêt, et si l’enfant désire connaître son statut sérologique et a été conseillé de façon appropriée ;

* Fournir des conseils aux parents et aux personnes qui ont la charge de l’enfant dans des centres de conseil et de dépistage du VIH   pour surmonter leurs préoccupations concernant la divulgation et guider le processus de divulgation ;

* Avec le soutien des bailleurs de fonds, former les prestataires de soins dans des centres de conseil et de dépistage du VIH   sur la divulgation aux enfants ; et

* Veiller à ce que les programmes de sensibilisation sur le VIH  /SIDA   et les compétences vitales prennent en compte la situation des enfants vivant avec le VIH   en plus des méthodes de prévention, et à ce que ces programmes soient réalisés d’une manière sensible.

Près de 90 pour cent des enfants séropositifs du monde entier vivent en Afrique sub-saharienne. Les obstacles auxquels le gouvernement est confronté pour répondre aux besoins des enfants vivant avec le VIH   et le SIDA   sont similaires à ceux auxquels les pays de l’est et du sud de l’Afrique sont confrontés. Ces dernières années, d’importants progrès ont été accomplis dans la fourniture de TAR aux enfants en Afrique, avec près de 300 000 enfants y recevant désormais les médicaments. Cependant, près d’un million d’enfants sur le continent africain ne reçoivent toujours pas les médicaments susceptibles de leur sauver la vie parce qu’ils n’ont pas été testés pour le VIH  , manquent de moyens de transport ou d’une alimentation convenable, ou ont un soutien familial médiocre.

Témoignages de personnes affectées par le problème du VIH  /SIDA   au Kenya :

(Les noms des enfants, des personnes qui ont la charge des enfants, et des conseillers sont des pseudonymes)

« Nous avions un garçon de 13 ans dont le père était en vie et séropositif, mais sa mère est morte du VIH  . Le père stigmatisait le VIH  . Le garçon était séropositif mais ne le savait pas, et le père ne voulait pas le lui révéler. Le garçon nous est arrivé avec un kyste de tuberculose et des éruptions cutanées.... Les ARV   [antirétroviraux] sont enfin devenus disponibles, mais le garçon n’a jamais découvert [son statut sérologique], parce que son père et sa tante ne le lui ont jamais dit. Le garçon a refusé de prendre ses médicaments. Il est mort en 2009. »

  • Conseiller communautaire, Kayole, Nairobi, le 5 novembre 2010

« Ma fille de 5 ans, Martha, est séropositive. Elle prend des ARV  , mais je dis à Martha qu’elle a besoin de prendre les médicaments pour une infection pulmonaire et je lui montre aussi que je prends les mêmes médicaments. Parfois, elle ne veut pas les prendre et dit qu’elle est guérie, ou bien elle dit : « Médicaments, médicaments, médicaments », ou « Pourquoi moi et pas les autres ? » Je n’ai reçu aucune formation sur la divulgation et je ne connais pas d’endroit où obtenir cette formation. Les assistants sanitaires communautaires m’ont dit que je dois annoncer à l’enfant qu’elle est séropositive mais ils ne m’ont montré aucune façon de le faire ».

  • Mère de Martha A., Kayole, Nairobi, le 5 novembre 2010

« Mon fils a 10 ans et a été informé par ses professeurs à l’école que le VIH   arrivait aux gens qui avaient de « mauvaises manières »... Il est séropositif et j’ai essayé de le lui révéler peu à peu, mais c’est difficile en raison des mauvaises informations qu’il a reçues à l’école. Il regardait la télévision et a vu quelqu’un boire de l’alcool et a dit : ‘Cet homme a de mauvaises manières, il va attraper le VIH  .’ Puis je lui ai demandé s’il pensait que lui-même pourrait un jour attraper le VIH  , et il a dit : ‘Non maman, je suis un bon garçon, je n’ai pas de mauvaises manières’. »

  • Hannah K., travailleuse de la santé communautaire et parent, Nairobi, le 3 novembre 2010

« Mon fils David a 12 ans, il ne sait pas qu’il est séropositif. Il prend les TAR... Il [pense] que c’ [est] parce qu’il a eu des problèmes pulmonaires. Parfois, il jette ses médicaments. Il est fatigué de prendre des médicaments.... J’ai pensé lui dire qu’il est séropositif mais j’ai peur qu’il se pende ou qu’il se suicide... David pense que seuls les adultes ont le VIH   et que les enfants ne sont pas censés [l’avoir].... Je lui ai demandé ce qu’il ferait s’il était séropositif et il a dit : ‘Je me pendrai, je prendrai du poison.’ Si vous pouvez créer un programme pour sensibiliser les enfants au sujet du VIH  , cela vaudra mieux pour moi. »

  • Mère de David B., Kayole, Nairobi, le 5 novembre 2010

« Il y a deux ou trois jours, Elaine a découvert qu’elle était séropositive. Elle a entendu des gens... qui en parlaient ici... Elle a entendu que les médicaments qu’elle prend sont pour les personnes qui ont le VIH  /SIDA  .... Pendant les deux premiers jours [suivants] elle a refusé de les prendre [les médicaments]. »

  • Mère d’Elaine, 12 ans, Eldoret, le 19 août 2008

« J’ai été surpris [par ma séropositivité] mais pas fâché, je prends mes médicaments et je suis en bonne santé. Il vaut mieux connaître son statut sérologique pour éviter d’être encore plus malade et de mourir. »

  • James W., 12ans, qui a été informé de sa maladie par sa mère, Kayole, Nairobi, le 5 novembre 2010

« Je me suis sentie très mal. Je n’avais aucune idée que j’avais le VIH  . Je n’ai pas compris au début. Je voulais savoir que je ne vais pas mourir, que je peux avoir une famille et être aimée. Je ne l’ai dit à personne à l’école, même pas aux enseignants. Mais il vaut mieux que je le sache, parce que je pourrais être morte ou très malade. J’ai maintenant des amis [séro-] positifs, et je peux parler et m’asseoir avec les autres enfants à l’école car je me sens mieux. Avant, je souffrais seule, j’avais honte de ma maladie et je mangeais seule à l’école [en raison de la chute des ongles et autres infections opportunistes]. »

  • Rose W., 11 ans, qui a été informée de son statut sérologique à l’âge de 9 ans, et a récemment rejoint un groupe de soutien pour enfants, Kayole, Nairobi, le 5 novembre 2010

« Je dirais que dès que l’enfant commence à poser des questions du genre pourquoi suis-je ici, pourquoi dois-je prendre ces médicaments, le moment est venu de le lui dire. [La divulgation] peut être un processus graduel.... Je dirais que cela peut être de l’âge de 7 à 10 ans. À tout le moins, un enfant de plus de 10 ans devrait connaître son statut sérologique. Il y a une lacune dans le pays en matière de formation sur la façon de divulguer aux enfants. »

  • Pédiatre kenyan, Eldoret, le 19 août 2008

« Il y a un conflit d’intérêt entre les besoins des parents et les besoins de l’enfant, mais nous devons divulguer avant que l’enfant atteigne l’adolescence car ils sont confrontés à de graves problèmes quant à l’adhésion [aux TAR]... Le problème une fois arrivés à l’adolescence, c’est qu’ils se sentent floués s’ils ne sont pas informés. Il ya une perte de confiance envers les adultes dans leur vie, ils ne sont pas sûrs de ce qu’ils peuvent croire ».

  • Professeur Ruth Nduati, professeur agrégée de pédiatrie à la Faculté de Médecine, Collège des Sciences de la santé, Université de Nairobi, le 12 novembre 2010

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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 3 décembre 2010

 

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