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Afrique du Sud : le traumatisme des enfants s’occupant des parents séropositifs


Johannesburg, Laure Pichegru - IPS - 26 juillet - Nomasonto*, neuf ans, était contrainte d’inverser les rôles avec sa mère et de prendre soins de cette femme séropositive qui l’a mise au monde.

Au lieu de se soucier des devoirs de maison et d’aller jouer avec ses amis, Nomasonto a des préoccupations quotidiennes qui sont désormais une question de vie ou de mort.

Du jour au lendemain, cette enfant s’est trouvée dans l’obligation de laver sa mère, de lui changer les vêtements et de la nourrir. Elle était même obligée d’amener sa mère malade à l’hôpital pour des contrôles et de lui prendre ses médicaments.

Nomasonto prenait soin de sa mère jusqu’à l’âge de 10 ans. Cette année même où il a eu 10 ans, sa mère est morte d’une maladie liée au SIDA  . Cela fait maintenant quatre ans, mais quand Nomasonto raconte à IPS son histoire, elle le fait à voix très faible, ce qui semble contenir une certaine colère. Il lui est difficile de parler. Elle reste encore traumatisée par le fait qu’elle était obligée de s’occuper de sa parente de façon soudaine.

Mais malheureusement, Nomasonto n’est pas le seul enfant en Afrique du Sud à être traumatisé après avoir été forcé de jouer le rôle d’une aide à domicile pour des parents séropositifs. Selon les résultats préliminaires d’une étude novatrice menée par des chercheurs de l’Université d’Oxford en Afrique du Sud, les enfants qui s’occupent des parents malades du VIH  /SIDA   présentent les mêmes niveaux de détresse psychologique que ceux rendus orphelins par le SIDA  .

Cette étude est en cours à travers le pays en collaboration avec trois universités sud-africaines, quelques organisations non gouvernementales (ONG), et avec le soutien du gouvernement sud-africain.

En interrogeant 6.000 enfants et adolescents, ainsi que 1.500 adultes, parents ou tuteurs qui vivent avec eux, les chercheurs enquêtent sur le niveau d’instruction et la santé mentale et physique des enfants qui s’occupent de parents séropositifs.

Le Projet des jeunes aides à domicile en Afrique du Sud vise à élaborer une base de données pour informer les gouvernements, les ONG, le personnel hospitalier et les travailleurs sociaux des besoins de ces enfants et à identifier les domaines potentiels d’intervention.

"Il y a eu beaucoup de travail sur les enfants rendus orphelins par le SIDA   au cours de la dernière décennie, mais ces groupes particuliers d’enfants, dont les parents sont encore en vie mais malades, sont très peu compris", a déclaré Dr Lucie Cluver, chef de projet, dont les travaux de recherche pour sa thèse de doctorat au Département de la politique sociale et du travail social ont conduit à cette étude nationale.

Cluver a indiqué qu’il était vraiment important que les politiques et programmes reposent sur des informations précises, afin que les questions puissent être réellement réglées. "Nous ne savions même pas si ces enfants étaient plus en danger, ou le genre de risque qu’ils couraient, ou ce que nous pouvions faire pour les aider".

Selon l’étude, ces enfants sont confrontés à d’énormes difficultés. Pendant que Nomasonto s’occupait de sa mère, elle devrait encore aller à l’école tous les jours.

"A l’école, quand je faisais une faute ou quand j’étais en retard, parce que je devrais prendre soin de ma mère, les maîtres me frappaient", a confié Nomasonto. "J’ai essayé d’expliquer à mes maîtres que ma mère était malade mais ils ne voulaient pas m’écouter".

Finalement, elle a dû abandonner l’école du fait qu’elle avait la lourde charge de s’occuper de sa mère. Nomasonto est maintenant séropositive après avoir été violée par ses oncles et deux des petits amis de sa sœur aînée. Depuis, elle a été officieusement adoptée par un travailleur social.

Des recherches antérieures révèlent qu’un quart des enfants qui s’occupent des adultes atteints du SIDA   fournissaient plus de trois heures de soins par jour. Près d’un tiers des enfants ont déclaré qu’ils aident les adultes à aller aux toilettes, qu’ils nettoient les plaies ou lavent les couvertures et draps souillés.

"En dehors de ces exigences physiques, nous avons des indications que les exigences affectives sont plus durables. En particulier, au cas où un parent décède, ceci peut amener ces enfants à croire qu’ils ont contribué à cela, leur donnant un sentiment de culpabilité qui est injustifié", a expliqué Johriaan de Beer, directeur général de ’Tholulwazi Uzivikele’, une ONG qui travaille avec les orphelins et enfants vulnérables.

Une partie importante de l’Etude sur les jeunes aides à domicile est de déterminer si le fait qu’un parent devienne plus malade du SIDA   peut être directement lié à l’état de dépression ou de traumatisme avancé de ces enfants. Selon Cluver, la stigmatisation associée au SIDA   est l’une des principales causes de la détresse des enfants.

"La stigmatisation est une question terrible, et ça fait tellement mal à ces enfants lorsque les gens font des commérages sur eux, derrière leur dos, les taquinent et les traitent différemment. Une enfant m’a dit que les gens criaient sur elle dans la rue et qualifiaient sa mère de prostituée parce qu’elle était séropositive", a déclaré Cluver. Elle a ajouté qu’elle pensait qu’à l’origine de cette stigmatisation se trouvaient la peur, l’inquiétude et l’incompréhension.

Par ailleurs, quand un parent tombe malade, les enfants doivent souvent faire face à des difficultés financières.

La mère séropositive de Selestina* était la seule personne dans leur ménage qui avait un emploi jusqu’à ce qu’elle tombe malade il y a trois ans. "Puisqu’elle ne peut plus travailler, nous n’avons aucun revenu".

La famille reçoit, pour chaque enfant vivant dans le ménage, une allocation qui s’élève à environ 100 dollars par mois. Mais cet argent ne suffit pas pour nourrir et subvenir aux besoins d’une famille de six personnes.

"Parfois, nous n’avons pas d’argent pour acheter des livres pour l’école et des fois les enfants vont à l’école le ventre vide. Ils prennent la soupe à l’école, et c’est le seul repas qu’ils mangent au cours de la journée", a expliqué cette fille de 23 ans, qui a elle-même un bébé.

Selon De Beer, quand bien même les subventions sociales peuvent être disponibles pour les enfants qui sont dans le besoin, cela ne garantit pas qu’ils obtiennent cet argent puisque les mineurs ne sont pas autorisés à recevoir directement des subventions.

Le gouvernement cherche à utiliser des preuves scientifiques de haute qualité pour prendre des décisions bien fondées par rapport à la politique à mettre en place pour les enfants touchés par le SIDA  , a déclaré Jaconia Kobue, porte-parole du ministère du Développement social.

L’étude sera achevée en 2011.

*Les noms ont été modifies.


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 30 juillet 2010

 

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