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Virus du sida : les nouveaux défis

30 ans après l’identification du VIH


Le Monde - 27/05/13 - Par Paul Benkimoun -

Beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire." C’est le diagnostic porté sur l’état de la recherche au sujet de l’infection par le VIH   selon Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (Institut national des allergies et des maladies infectieuses, le NIAID). Ce scientifique de premier plan s’exprimait, mardi 21 mai, à l’Institut Pasteur de Paris, lors du colloque célébrant le 30e anniversaire de l’identification du virus responsable du sida  , là même où la découverte a eu lieu.

Cette conviction de vivre un moment charnière est fondée sur une double certitude, largement partagée dans la communauté des chercheurs sur l’infection par le VIH  . D’une part, la recherche sur le virus a progressé à grands pas et s’est traduite par des progrès significatifs capables de changer radicalement le sort des personnes atteintes et, d’autre part, sans nouvelles percées scientifiques, il ne sera pas possible d’empêcher durablement l’infection virale de progresser chez un individu.

34 MILLIONS DE PERSONNES VIVAIENT AVEC LE VIH   FIN 2011

Les dernières données chiffrées sur la pandémie sont éloquentes : à la fin 2011, le monde comptait 34 millions de personnes vivant avec le VIH  . Décès comme nouvelles infections continuent de diminuer ; ces progrès résultent de la combinaison d’outils développés au cours des trente dernières années et associant prévention et traitement.

L’une des tâches immenses qui restent à mener à bien consiste à étendre l’accès aux différentes interventions. Là encore, les chiffres cités par Anthony Fauci parlent d’eux-mêmes : 46 % des personnes remplissant les critères de mise sous traitement antirétroviral n’en bénéficient pas et ce pourcentage culmine à 72 % dans le cas des enfants. De plus, le niveau de dépistage d’entrée et de maintien dans la prise en charge sanitaire est encore loin du compte dans beaucoup d’endroits, a rappelé le directeur du NIAID, avant de citer la manière dont le nombre de patients décroît au fil du "continuum des soins" aux Etats-Unis.

TRAITER PLUS PRÉCOCEMENT

En 2012, un suivi est proposé aux deux tiers des 1 148 200 personnes vivant avec le VIH   aux Etats-Unis, mais se poursuit pour seulement 37 % d’entre elles. Des antirétroviraux sont proposés à un tiers des séropositifs, mais seulement un quart atteint l’objectif d’une charge virale indétectable.

Sur le plan du traitement, une évolution est en train de se produire pour traiter plus précocement les personnes vivant avec le VIH  . La recommandation internationale est de démarrer le traitement antirétroviral lorsque le nombre de lymphocytes T CD4 + (les principales cibles du VIH  ) descend au-dessous du taux de 350 par ml. La tendance serait à présent de traiter avant que le taux soit descendu au-dessous de 500 lymphocytes T CD4 par ml.

AMÉLIORER DE NOUVEAUX OUTILS

En matière de précautions également, des perfectionnements des outils existants sont en train d’être mis en oeuvre : valider la notion du traitement comme moyen de prévention, optimiser l’adhésion aux traitements de prophylaxie pré-exposition, étendre la circoncision des hommes dans les pays de forte prévalence et éliminer la transmission de la mère à l’enfant, comme cela a été réalisé dans les pays développés. Reste à améliorer de nouveaux outils pour atteindre l’objectif d’un traitement fonctionnel ("cure") avec une rémission complète qu’a fixé la Société internationale du sida   (IAS), que préside le professeur Françoise Barré-Sinoussi. Cela va du développement d’antirétroviraux à action prolongée, permettant des prises plus espacées, aux thérapies cellulaire et génique.

L’objectif réalisable n’est pas l’éradication du VIH   chez les personnes séropositives, mais bien un contrôle à long terme après l’arrêt du traitement. Diverses tentatives d’interruption ou de pause thérapeutiques ont donné des résultats décevants, vraisemblablement en raison de l’existence dans différents compartiments de l’organisme de réservoirs où le VIH   peut demeurer à l’état latent avant d’être réactivé et de se répliquer de nouveau. "Il y a des lueurs encourageantes au bout du tunnel", a cependant affirmé avec prudence Anthony Fauci.

CONTRÔLE IMMUNOLOGIQUE

Cet optimisme mesuré s’appuie sur plusieurs faits scientifiques. Tout d’abord, les elite viral controllers. Ces "contrôleurs d’élite" (moins de 1 % des séropositifs) ont des caractéristiques génétiques permettant un contrôle immunologique du virus, sans que les malades aient jamais été traités par des antirétroviraux. Plusieurs arguments scientifiques laissent espérer qu’un tel contrôle immunologique puisse être induit après traitement.

C’est le cas du "patient de Berlin", chez qui une greffe de moelle osseuse avec un donneur lui-même contrôleur d’élite a permis un arrêt du traitement depuis plusieurs années sans rebond de l’activité du VIH  . En France, l’Agence nationale de recherche sur le sida   et les hépatites virales (ANRS) suit un groupe de 14 individus, la "cohorte Visconti", mis sous antirétroviraux sitôt leur séropositivité découverte et qui contrôlent le virus jusqu’à près de dix ans après arrêt de leur traitement, pour le patient le plus ancien. En mars, un phénomène similaire chez un bébé né au Mississippi et aussitôt traité a été médiatisé.

LYMPHOCYTES T CD4 MÉMOIRES

Un traitement précoce diminuerait la taille des réservoirs du VIH   dans l’organisme et en particulier du principal, représenté par les lymphocytes T CD4 mémoires, qui sont spécifiques d’un antigène donné et possèdent une longue durée de vie.

Des stratégies dirigées contre ces réservoirs, qui constituent une épée de Damoclès pour les personnes infectées, sont en cours d’élaboration. Elles testent des interventions qui pourraient plus ou moins être combinées : intensification du traitement antirétroviral, purge des réservoirs en activant les cellules infectées par un virus en latence, traitement immunotoxique dirigé contre ces réservoirs, utilisation de cellules souches, thérapie génique...

IMMUNOTHÉRAPIE

Reste la question des vaccins, à visée aussi bien préventive de l’infection que thérapeutique, ce qui revient à une immunothérapie, chez des personnes déjà infectées, un domaine dans lequel l’ANRS a toujours été très active. "Contrairement à la vaccinologie classique pour laquelle la preuve du principe du déclenchement d’une réponse immunitaire efficace est faite, ce n’est pas le cas de la vaccinologie appliquée à l’infection par le VIH  ", a constaté Anthony Fauci. En effet, les anticorps neutralisants autologues n’apparaissent que plusieurs mois après l’infection et ne contrôlent pas la concentration sanguine du virus. De plus, les anticorps neutralisants réactifs ne sont retrouvés que chez environ 20 % des séropositifs et un à deux ans après l’infection.

Le vaccin préventif serait-il une chimère ? "La route vers un vaccin préventif est difficile mais faisable", maintient Anthony Fauci. Les défis sont donc encore considérables, mais la recherche sur le VIH   est extrêmement active, notamment en France, et une nouvelle génération de scientifiques s’est engagée dans cette voie, assurant la future relève des pionniers.


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 9 juin 2013

 

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