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Le procès du Mediator démarre sur terrain lourd

En l’absence de Jacques Servier, le principal prévenu, le tribunal de Nanterre a entendu hier les premières victimes du médicament.


Libération - 22 mai 2013 - Par Yann Philippin -

Le procès du Mediator aura bien lieu. La 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre a rejeté, hier, le principal recours de procédure de Servier. Le laboratoire estimait que l’existence de deux procédures différentes (celle de Nanterre et l’instruction menée à Paris) violait ses droits fondamentaux. En mai 2012, il avait réussi à repousser le procès d’un an en demandant, sans succès, que le problème soit tranché par le Conseil constitutionnel.

« Satisfaction ». Mardi, à la reprise des débats, les avocats de Servier ont cette fois tenté de porter l’affaire devant la justice européenne. C’est ce recours qui a échoué hier. Les débats de fond ont donc pu commencer, avec l’audition de trois des près de 600 victimes qui se sont portées parties civiles, et de leurs avocats. Mais sans Jacques Servier, 91 ans, absent pour raisons de santé. « C’est une satisfaction profonde pour les victimes que nous représentons », a réagi François Honnorat, l’un des deux avocats (avec Charles Joseph-Oudin) à l’initiative de la procédure de Nanterre. En décidant de court-circuiter l’enquête des juges d’instruction, ils ont créé un imbroglio judiciaire sans précédent. C’était le prix à payer pour un procès rapide, même s’il ne porte que sur la « tromperie aggravée » et laisse de côté les responsabilités de l’Agence du médicament.

« C’est un choix de fond que nous assumons », explique Me Honnorat. Il estime, à la lumière des scandales précédents (hormone de croissance, sang contaminé, etc.), que « les choses deviennent excessivement difficiles » dès que les acteurs publics sont mis en cause.

Cette stratégie se révèle payante… pour l’instant. Hervé Témime, l’un des avocats de Servier, a pris acte de sa défaite, en refusant de « commenter la décision du tribunal ». Mais s’est dit convaincu que « sur un plan procédural, cette situation n’est pas acceptable », et que « le tribunal ne pourra pas juger sur le fond cette affaire ». Car une épée de Damoclès plane toujours sur le procès. Plusieurs autres recours de procédure de Servier ont en effet été « mis au frigo », comme l’explique Me Honnorat. La plupart seront tranchés à l’issue des débats. Il est donc possible que le tribunal se juge, au final… incapable de juger.

Les magistrats peuvent aussi interrompre le procès à tout moment pour exiger un « supplément d’information », s’ils estiment que les pièces versées par les avocats ne suffisent pas à établir la vérité sur un point important. C’est justement le principal grief de Servier. Hervé Témime martèle qu’il est indispensable de disposer des « éléments d’information qui figurent dans le dossier de l’instruction, et au moins [d’]une expertise judiciaire ». Un procès aussi technique peut-il se passer du rapport d’expertise, accablant pour Servier mais encore provisoire, rendu le mois dernier aux juges parisiens ? Me Honnorat et ses confrères répliquent qu’ils ont tous les éléments nécessaires pour faire « émerger une conviction forte sur la culpabilité » de Servier. Ils ont tenté de le démontrer hier à l’audience, en expliquant, études à l’appui, que le labo connaissait avec certitude les dangers du Mediator depuis 2000.

Crainte. Les avocats des parties civiles sont sous pression. Car une relaxe à Nanterre sur la tromperie fragiliserait l’instruction parisienne (7 000 parties civiles), en particulier les poursuites pour « homicides involontaires ». Me Jean-Christophe Coubris, qui représente 2 000 victimes, a redouté mardi soir que Servier n’ait « la partie facile à Nanterre », en l’absence des éléments de l’instruction. « Je crains une catastrophe judiciaire. » Réponse à l’issue des débats, qui reprennent aujourd’hui avec les premières auditions des témoins.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 23 mai 2013

 

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