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L’immunothérapie, ou comment le VIH peut soigner la leucémie


Le Monde.fr | 12.12.2012 - Par Paul Benkimoun -

Une thérapie cellulaire utilisant une forme inactive du virus du sida   a été utilisée avec succès pour combattre la leucémie. L’équipe de Stephen Grupp (Children’s Hospital of Philadelphia) et ses collègues de l’Université de Pennsylvanie ont présenté lors d’une réunion scientifique, vendredi 7 décembre, les résultats obtenus chez plusieurs adultes et une enfant âgée de 6 ans à l’époque où elle a reçu son traitement.

Comment peut-on soigner la leucémie à l’aide du virus du sida   ? La thérapie cellulaire repose sur le principe d’un prélèvement de cellules immunitaires du malade qui sont ensuite équipées d’un gène leur faisant cibler des lymphocytes B devenus cancéreux. Le gène est inséré dans les cellules en utilisant comme vecteur un VIH   inactivé. Depuis 2006, d’autres formes de thérapie génique ont eu recours à cette forme inoffensive du virus du sida  .

Les leucémies sont des cancers touchant les cellules de la moelle osseuses qui sont à l’origine des cellules sanguines. En l’occurrence, la prolifération maligne touche les précurseurs des globules blancs qui vont se bloquer à une étape de leur différenciation et envahissent la moelle puis le sang.

GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Cette cancérisation peut notamment toucher des globules blancs jouant un rôle essentiel dans les défenses immunitaires, les lymphocytes. Ces derniers peuvent être de deux types : B ou T. Les premiers fabriquent les anticorps (immunoglobulines) et sont impliqués dans l’immunité dite "humorale" ; les seconds regroupent des cellules spécialisées dans la destruction des cellules infectées ou sont des auxiliaires déclenchant l’activation d’autres cellules.

Travaillant depuis plusieurs années sur les leucémies affectant certains globules blancs, les lymphocytes B, l’équipe de l’Université de Pennsylvanie, dirigée par Carl June, avait présenté en août 2011 les résultats préliminaires d’une étude de thérapie cellulaire au cours de laquelle des lymphocytes T avaient été génétiquement modifiés afin de traiter une leucémie lymphoïde chez des patients adultes. Ces lymphocytes T deviennent capables de reconnaître une protéine présente à la surface des lymphocytes B.

Lors de la réunion annuelle de l’American Society of Hematology, qui se tenait du 8 au 11 décembre 2012 à Atlanta, Stéphane Grupp et l’équipe de l’Université de Pennsylvanie ont cette fois fait état des résultats très encourageants puisque neuf des 12 patients présentant une leucémie avancée, dont deux enfants, répondaient favorablement au traitement par des lymphocytes T modifiés.


Une fillette leucémique traitée en faisant appel au virus du sida

Le Monde.fr avec AFP | 12.12.2012 -

"Même dans les examens les plus pointus, son corps n’a plus trace de leucémie", assure le le docteur Grupp qui a traité la jeune fille.

Un traitement expérimental, qui fait appel à une version inoffensive du virus du sida  , pourrait avoir sauvé une petite Américaine de 7 ans condamnée par une leucémie aiguë, qui se trouve aujourd’hui en totale rémission, selon ses médecins.

Emily Whitehead est aujourd’hui "sans trace de cancer", a précisé mardi une porte-parole de l’hôpital pour enfants de Philadelphie (nord-est), où l’enfant a été prise en charge. Le traitement, démarré en avril dernier, n’avait jamais auparavant été tenté sur une enfant. Mais la petite fille souffrait depuis deux ans d’une leucémie lymphoblastique aiguë qui avait résisté à deux chimiothérapies, et selon ses médecins, c’était sa dernière chance.

Le traitement CTL019 a utilisé une forme désactivée du VIH   pour modifier génétiquement en laboratoire les lymphocytes T (ou cellules T) de la petite fille, afin qu’ils tuent les cellules cancéreuses.

LE TRAITEMENT N’A ÉTÉ EXPÉRIMENTÉ QUE SUR DOUZE MALADES

Dans le cadre de ce traitement, des millions de ces lymphocytes T, qui jouent un grand rôle dans la réponse immunitaire, ont ainsi été modifiées, puis réintroduites dans son organisme. "Afin que les lymphocytes T attaquent le cancer, nous devons ajouter un nouveau gène. Ce gène permet aux cellules T de produire une protéine qui les conduit à attaquer le cancer. Pour que ce nouveau gène pénètre les cellules T, nous utilisons un virus, développé à partir du VIH  . Mais tous les éléments du VIH   qui peuvent provoquer une maladie sont retirés", a expliqué mardi dans un courriel à l’AFP Stephan Grupp, pédiatre spécialisé dans le cancer à l’hôpital de Philadelphie, qui a supervisé le traitement.

"Il est impossible d’attraper le VIH   ou une autre infection. Ce qui reste, c’est la capacité du VIH   qui lui permet d’ajouter de nouveaux gènes dans des cellules", a-t-il insisté. "Les cellules ont été extraites du patient et traitées pour y insérer le nouveau gène", a-t-il ajouté. Le traitement, qui à ce jour n’a été expérimenté que sur douze malades, dont deux enfants, a failli être fatal à la petite fille.

Elle est tombée gravement malade en raison de l’augmentation d’une protéine – résultat direct de l’implantation des cellules modifiées – et hospitalisée en soins intensifs. Un médicament a permis de stopper la production de cette protéine, et Emily s’est ensuite rétablie très rapidement.

"SON CORPS N’A PLUS DE TRACE DE LEUCÉMIE"

"Trois semaines après le traitement, elle était en rémission", selon le docteur Grupp. "Nous avons vérifié sa moelle osseuse pour voir si la maladie était revenue, trois mois et six mois après le traitement, et elle n’a aucune trace de maladie. Les cellules T qui luttent contre le cancer sont toujours dans son organisme", ce qui devrait la protéger d’une rechute. Ces cellules ont la capacité de s’y développer en nombre important.

La petite fille est depuis rentrée chez elle et a repris le chemin de l’école. Un autre enfant, qui avait subi le même traitement a cependant rechuté, selon l’hôpital. Et le docteur Grupp reste prudent quand il parle d’Emily. "Même dans les examens les plus pointus, son corps n’a plus trace de leucémie. Mais nous allons attendre que la rémission dure deux ans avant de nous poser la question de savoir si elle est guérie ou non", a-t-il déclaré à la chaîne de télévision ABC."Il est trop tôt pour le dire."

Des douze malades traités, neuf ont bien réagi au traitement. "Bien que les premiers résultats de ce traitement sont encourageants, l’expérience n’en est qu’à ses débuts", a tenu à souligner l’hôpital. Il a également précisé que ce traitement expérimental était à ce stade une option uniquement pour les malades souffrant d’une forme avancée de leucémie, qui ne réagit pas à la chimiothérapie.


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 15 décembre 2012

 

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