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Mothers2mothers : Des mères séropositives se mobilisent pour la santé des enfants

Au Kenya, l’ONG Mothers2mothers aide les femmes séropositives et leur famille à vivre pleinement leur vie en dépit de la maladie


Département d’Etat des Etats-Unis - Par Maya Kulycky [1]| 17 juillet 2012

Teresa Njeri, mère célibataire kenyane, rêve d’une maison pour elle et son fils. Elle a acheté un terrain à Kiambu, à la périphérie nord de Nairobi, la capitale, et y voit déjà la bâtisse qu’elle prévoit de faire construire, avec trois chambres à coucher, une « grande cuisine » et un jardin où son fils pourra jouer. Imaginer un avenir heureux et avoir les moyens de le réaliser est une grande nouveauté pour elle. Il y a dix ans, Teresa était persuadée qu’elle et son fils allaient mourir.

En 2001, Teresa a appris qu’elle était séropositive au cinquième mois de sa grossesse. « J’ai tout de suite pensé à la mort, se souvient-elle. Tous mes espoirs ont volé en éclats. » L’infirmière au dispensaire lui a dit qu’elle pouvait protéger son bébé du VIH  , mais l’infirmière « n’était pas convaincante, n’était pas très sûre d’elle-même ». Quoi qu’il en soit, Teresa rejoignit un programme de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME  ). Entre-temps, elle révéla son statut séropositif à son mari qui avait reçu le même diagnostic. Comme tous ceux qui redoutent la stigmatisation associée au VIH  , le couple dissimula son statut. Le couple se sépara peu après la naissance de l’enfant qui n’est pas infecté du virus.

Quelques mois plus tard, Teresa a été hospitalisée et a appris qu’elle avait le sida  . Quand son père en a été informé par le personnel hospitalier, il l’a dit au reste de la famille et a emmené le fils de Teresa vivre dans le village de la famille. « Je me suis donc retrouvée seule, toute seule au monde », raconte Teresa.

Elle a pris la fuite, a cherché à se faire soigner et à commencer à faire du bénévolat, auprès d’autres personnes atteintes du sida  . Mais, se souvient-elle, elle n’avait « toujours aucun but dans la vie. Et aucun espoir. » C’est à ce moment qu’elle a trouvé l’organisation mothers2mothers, grâce aux infirmières qui travaillaient à l’hôpital où elle faisait du bénévolat. Elles lui ont expliqué ce que l’organisation mothers2mothers cherchait à accomplir et qu’elle recrutait des femmes formées à la prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant. Teresa déposa une demande et fut recrutée comme mère mentor par mothers2mothers.

Les partenariats internationaux

Mothers2mothers – financée par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID  ), le Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida   (PEPFAR  ), le Centre d’épidémiologie des États-Unis (U.S. Centers for Disease Control - CDC), la fondation Elton John contre le sida  , Johnson & Johnson, et d’autres entreprises et fondations partenaires – forme et emploie des mères séropositives comme « mères mentors » en Afrique subsaharienne. Elles ont pour mission de dispenser des conseils, des informations et un soutien aux femmes enceintes et nouvelles mères ayant récemment appris leur séropositivité. C’est une méthode novatrice et durable de soins qui est à l’avant-garde de la prévention de la transmission du VIH   de la mère à l’enfant. L’organisation mothers2mothers gère 680 sites dans neuf pays subsahariens et vient en aide à environ 85.000 femmes enceintes et nouvelles mères par mois.

Le continent africain ploie sous le fardeau du VIH  /sida  . Sur les 33 millions de personnes touchées par le VIH   dans le monde, 22 millions se trouvent en Afrique subsaharienne ; 90 % des nouveau-nés infectés par le VIH   voient le jour dans la région et 75 % des femmes enceintes qui sont séropositives vivent dans 12 pays d’Afrique, selon des études effectuées par AVERT (www.avert.org), l’équipe d’appui aux régions de l’ONUSIDA   pour l’Afrique orientale et australe (http://www.unaidsrstesa.org/unaids-...) et le Rapport 2010 de l’Organisation mondiale de la santé « Vers un accès universel ». Or la région manque cruellement de médecins et d’infirmières.

Pour atténuer le problème, mothers2mothers fait appel à des mères séropositives qui sont chargées de conseiller les femmes enceintes en matière de dépistage et de traitement pour que leurs enfants naissent en bonne santé et puissent, le cas échéant, obtenir des médicaments. Les mères mentors œuvrent aux côtés de médecins et de personnel infirmier dans les centres de santé et veillent à ce que les patientes comprennent, acceptent et suivent les traitements qui leur sont prescrits. Elles sont membres rémunérées des équipes médicales.

Autonomiser les femmes, protéger les enfants

Les résultats parlent d’eux-mêmes. Au Lesotho, 92 % des femmes enceintes qui ont bénéficié des services de mothers2mothers trois fois par semaine ou plus ont pris des médicaments antirétroviraux pendant leur grossesse, contre 71 % pour celles qui en ont bénéficié une fois par semaine. Or la prise d’antirétroviraux est une condition essentielle pour réduire la transmission du VIH   de la mère à l’enfant. En outre, 97 % des clientes fidélisées passent des tests de numération des CD4 qui déterminent la quantité des cellules T auxiliaires que le corps emploie pour lutter contre les infections. Un test CD4 indique le degré de progression de l’infection au VIH   et c’est la première étape pour recevoir le traitement antirétroviral hautement actif (HAART) qui permet de sauver des vies.

Les femmes se sentent plus fortes du fait du soutien que les programmes de mothers2mothers leur apportent et les éducatrices font figure de modèle dans leur communauté, tout en étant rémunérées et en acquérant une expérience professionnelle appréciable.

Teresa estime que mothers2mothers lui a redonné un but dans la vie et que ses collègues l’ont encouragée à suivre des études. Elle a choisi d’obtenir un diplôme dans le domaine de la santé et du développement communautaires. « Je crois que Dieu m’a créée ... pour parler à ces femmes, et les aider, les rendre plus fortes et les encourager », explique-t-elle.

Teresa évoque par exemple l’aide qu’elle a apportée à une femme enceinte séropositive adepte du wakorino, une religion africaine dont les membres ne consultent pas de médecins. « Je l’ai vue en arrivant au travail », a expliqué Teresa, qui lui a donné son numéro de téléphone. « Le lendemain, ajoute Teresa, elle m’appelle et me dit ‘je suis ici, à la porte de l’hôpital’. » La femme a passé un test de dépistage du VIH   : elle était séropositive. « Je lui dis, ‘ne t’en fais pas, tu vas vivre très longtemps’. Je lui ai dit que j’étais séropositive moi aussi », raconte Teresa. Cette dernière l’a convaincue de suivre un traitement PTME   et d’accoucher à l’hôpital. Cette femme a accouché d’un enfant séronégatif. « J’ai eu l’impression d’avoir remporté une grande victoire », s’exclame Teresa en riant.

Mothers2mothers cherche à atteindre encore plus de femmes dans un plus grand nombre de pays et dans ceux où elle est travaille déjà. L’impact de l’organisation est évident et la méthode est simple – une femme qui parle à une autre peut aider à prévenir la transmission du VIH   de la mère à l’enfant.


[1] Maya Kulycky est directrice de la communication mondiale à mothers2mothers. Elle est aussi conférencière en journalisme politique à l’Université du Cap, en Afrique du Sud. Elle était précédemment reporter pour les chaînes ABC News et CNBC. Diplômée de l’université Johns Hopkins, elle est titulaire d’un master du Goldsmith’s College, Université de Londres, et d’un diplôme de droit de la Yale Law School.


Publié sur OSI Bouaké le samedi 15 septembre 2012

 

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