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En Ouganda, les homosexuels menacés de peine de mort


Par Camille | Mauvais genre | 18/11/2009 | 15H44

Des membres de groupes religieux ougandais en campagne contre l’homosexualité à Kampala en août 2007 (James Akena/Reuters).

Une loi antihomosexuels est en préparation en Ouganda. L’enjeu est de taille : l’interdiction de « présenter sous un jour favorable » l’homosexualité, l’obligation de dénoncer les faits homosexuels, voire la peine de mort dans certains cas. Dans cette dictature militaire d’Afrique noire, les homosexuels peuvent trembler, car même si la loi a peu de chances de voir le jour, elle favorise un climat anti-homosexuels.

La loi ougandaise condamne déjà l’homosexualité, mais en des termes flous hérités de la période coloniale : la « connaissance charnelle contre-nature » (ou « carnal knowledge against the order of nature ») y est criminalisée, condamnant par extension toute pratique non-reproductive (sexe oral, anal, auriculaire ou autres). David Bahati, le député responsable de cette proposition de loi, surfe sur la haine latente des Ougandais pour l’homosexualité et propose une série de mesures pour contrôler et punir explicitement les activités LGBT :

  • l’obligation de dénoncer des faits homosexuels dans les 24 heures suivant leur constatation, sous peine d’une amende de 500 000 shillings ougandais (200 euros) et/ou trois ans d’emprisonnement ;
  • les faits d’homosexualité, voire même l’idée d’homosexualité (« tentative d’homosexualité ») seront punis de sept ans d’emprisonnement ;
  • il sera même interdit de « présenter l’homosexualité sous un jour favorable » ;
  • un « crime d’homosexualité aggravée », créé pour les actes homosexuels avec une personne de moins de 18 ans, une personne handicapée, ou si la personne responsable des faits fait figure d’autorité ou est porteur du HIV, pourra entraîner la peine de mort. Si ces faits sont aussi interdits par la loi française, on peut s’interroger sur le fait qu’ils ne concernent que les homosexuels en Ouganda.
  • La peine de mort concerne aussi les « contrevenant récidivistes » (« serial offenders »).

Une clause stipule que même si les faits étaient commis à l’étranger, leurs auteurs pourraient être poursuivis dès leur arrivée en Ouganda. Dans presque tous les pays d’Afrique, des lois punissent l’homosexualité, dans beaucoup de pays des homosexuels ou des responsables d’associations d’aide aux malades du VIH   sont emprisonnés ou harcelés par la police, comme c’est arrivé récemment au Sénégal.

Des passages à tabac aux meurtres, les homosexuels africains connaissent un véritable martyre. L’inégalité sociale s’ajoute à la discrimination, les homosexuels riches et proches des cercles de pouvoir ne sont nullement inquiétés, c’est aux homosexuels pauvres qu’on s’attaque -mais ce n’est pas ici l’apanage de l’Afrique.

Cette loi ougandaise a peu de chances de voir le jour car elle viole plusieurs principes constitutionnels de l’Ouganda. En effet, l’un des promoteurs principaux de cette loi est tout sauf un avocat : Martin Ssempa, pasteur évangéliste et promoteur de l’abstinence et de la fidélité comme moyen de lutte contre le Sida  .

Pour Assan, installé en France mais dont le petit ami est en Ouganda, les religieux proches du pouvoir sont derrière cette loi :

« En Ouganda, la séparation des églises et de l’Etat date de plusieurs décennies, les églises n’ont a priori pas de rôle à jouer dans la législation. Pour cette proposition de loi de Bahati, on raconte que des évangéliques venus des Etats-unis sont à l’origine de cette manœuvre. Des mouvements d’extrême droite nord-américains seraient les inspirateurs de David Bahati qui aurait en quelque sorte voulu dépasser ses maîtres, aller au delà de ce qui lui était demandé. »

Si Assan est musulman, son petit ami est chrétien. Dans tous les cas, ces deux communautés se sont unies contre l’homosexualité dans une campagne intitulée « Kick sodomy out of Uganda ». Assan estime que cette loi va agraver le climat de haine contre les homosexuels :

« L’interdiction de présenter l’homosexualité sous un jour favorable est un concept très dangereux, pour reprendre les termes des lois antidrogue en France, ce point de la future loi sera une condamnation à mort pour les associations lesbiennes, gay et trans et pour les associations d’aide aux malades du VIH  , toute la prévention s’en trouverait amputée, on n’aurait plus le droit de parler d’homosexualité.

Les homosexuels ougandais et africains, comme la totalité des populations du continent et du monde, souhaiteraient qu’on leur foute la paix. Nous souhaitons nous aimer en paix, sans flics qui viennent cogner à nos portes la nuit. Je me sens menacé dans ma relation avec l’être que j’aime, notre amour est mis en danger par des ennemis invisibles et abstraits, nous devons vivre notre amour clandestinement et être très rusés pour nous cacher alors que nous ne commettons rien qui mette la société en danger. »

Cette haine de l’homosexualité a plusieurs causes, notamment cette idée qu’elle est un vice, et que le vice vient forcément de l’extérieur. En France, le suicide serait la Maladie Anglaise, et la Syphilis le « mal de Naples » (qui est quant à elle le « mal français » pour les italiens). Une des causes de la haine des homosexuels en Afrique, c’est donc le mythe de l’origine occidentale de l’homosexualité : l’homosexualité aurait été importée par les Blancs. Assan le confirme :

« Dans le contexte difficile de la mondialisation, quoi qu’on en pense, les cultures traditionnelles sont moribondes et par un raccourci bien pratique, il est facile d’accuser l’homosexualité d’avoir mis le coup de grâce aux cultures ancestrales. L’identité de l’homme africain a été mise à rude épreuve au cours des derniers siècles et l’homosexualité est la victime expiatoire idéale des bouleversements traversés par les sociétés africaines. »

Au final, si on ne sait pas jusqu’où l’application de ce texte pourrait aller, le débat actuel plonge les homosexuels ougandais dans la terreur, et fait craindre le pire à Assan :

« On pourrait exterminer avec une interprétation mal-intentionnée de la loi pour un simple frolement dans un bus. Et le mec de 19 ans qui a un petit copain de 17 ans risque la peine de mort dans les textes. C’est inadmissible. »


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 19 novembre 2009

 

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