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RDC : La solidarité pour faire face au sida

Après la mort de sa sœur des suites du sida, il y a deux ans, Kimya s’est dit qu’elle n’avait pas le choix : cette veuve séropositive, mère de quatre enfants, a accueilli ses deux nièces chez elle, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC).


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LUBUMBASHI, 7 septembre 2006

« D’abord les enfants ont été mis quelque part [chez des membres de la famille], mais ça n’allait pas », a expliqué Kimya (un nom d’emprunt), recroquevillée sur un tabouret dans la minuscule et unique pièce du logement qu’elle occupe au fond d’une ruelle sombre du quartier populaire de Kenya, à Lubumbashi, la capitale de la province du Katanga.

En dépit de sa santé fragile et de sa situation financière catastrophique, cette femme de 55 ans a donc estimé que la meilleure place pour ses nièces était avec elle.

« J’étais bien obligée, ma famille nous a abandonnée, elle ne nous rend même pas visite », a-t-elle dit, en berçant son petit garçon de trois ans qui pleure sur ses genoux. « Et puis c’est normal, c’est la solidarité, je sais ce que c’est le sida  . »

Kimya a découvert qu’elle était infectée au VIH   en 2002, juste après que son mari soit mort, pour des raisons qu’elle a dit ne pas connaître.

« La famille de mon mari est venue me voir pour me suggérer de faire le test de dépistage du VIH  , je l’ai fait et le résultat était positif », a-t-elle raconté. « J’étais très mécontente, j’avais déjà entendu parler du sida   à l’église et j’ai vu tout de suite la mort. »

C’est au centre de dépistage volontaire (CDV) de l’antenne provinciale de l’association Action communautaire sida  /Avenir meilleur pour les orphelins (ACS/Amocongo), situé non loin de chez elle, que Kimya a fait son test de confirmation.

Privilégier la solidarité africaine

Fondée en 1993, cette ONG congolaise est aujourd’hui présente dans neuf des 11 provinces du pays et soutient quelque 8 000 orphelins du sida   à l’échelle nationale, sur le plan scolaire, nutritionnel et psychologique.

En 1997, l’ONG, dont la vocation était jusque là de s’occuper des orphelins, a décidé d’étendre son assistance aux familles ou personnes en charge de ces orphelins, à condition que ces derniers ne soient pas rejetés.

« Nous voulons privilégier la solidarité africaine en disant aux familles élargies : ‘donnez à ces enfants de l’affection et un toit, et nous faisons le reste’ », a expliqué le docteur Jo Bakualufu Ntumba, chargé du suivi et évaluation des programmes d’ACS/Amocongo à Kinshasa, la capitale congolaise.

En raison de la pauvreté généralisée, « on ne peut pas aider seulement l’orphelin, on ne peut pas lui donner de la nourriture sans en donner aux autres enfants de la famille, parce que cela crée des jalousies », a-t-il ajouté. « Or si l’enfant devient un ‘enfant de valeur’ parce qu’il apporte quelque chose à la famille d’accueil, c’est un soulagement. »

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance, Unicef, estime que 120 000 enfants vivent avec le VIH   tandis que 800 000 enfants ont perdu un ou leur deux parents de l’épidémie en RDC, un pays déchiré par près de 10 ans de conflits qui ont fait, directement ou indirectement, entre trois et quatre millions de victimes.

Malgré la paupérisation des populations suite à la guerre, ACS/Amocongo rencontre des exemples de solidarité tel que Kimya, a dit le docteur Lucien Kalenga, responsable de l’antenne de l’ONG au Katanga.

« Certaines familles victimes du sida   ou touchées par cette souffrance d’une manière ou d’une autre développent une générosité envers les autres victimes et prennent en charge les enfants », a-t-il constaté. « C’est souvent la famille élargie, mais ça peut être des ‘familles amies’, des voisins ou des proches, par exemple. »

Les ARV   pédiatriques pas encore à Lubumbashi

Grâce à un financement du Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme, accordé en 2005, ACS/Amocongo fournit gratuitement des traitements antirétroviraux (ARV  ) à 2 100 personnes vivant avec le VIH  , sur les 6 600 qui fréquentent ses 20 centres de prise en charge répartis sur le territoire national.

Kimya fait partie de ces patients. Sa santé s’est améliorée depuis qu’elle a commencé son traitement, dit-elle, même si elle reste très maigre. Bien que toujours fragile, ce qui l’inquiète surtout aujourd’hui, c’est l’état de santé de son petit dernier, le seul des six enfants à sa charge à être infecté au VIH  .

« Il a trois ans et il ne marche toujours pas, il ne peut même pas s’asseoir, il pleure beaucoup et je ne peux pas travailler parce que je dois m’en occuper tout le temps », a raconté cette ancienne couturière.

Pour limiter l’apparition d’infections opportunistes, le centre ACS/Amocongo fournit au petit garçon de Kimya un traitement de cotrimoxazole, un antibiotique peu coûteux.

Car les ARV   pédiatriques ne sont pas encore arrivés à Lubumbashi. ACS/Amocongo espère recevoir les premiers d’ici la fin de cette année, financés par le Fonds mondial.

Selon le docteur Kalenga, sur les 1 500 orphelins que suit l’ONG au Katanga, environ 300 enfants seraient éligibles à ce traitement qui prolonge et améliore la vie des personnes vivant avec le virus, et l’arrivée de ces ARV   est attendue avec impatience.

« C’est difficile de donner des ARV   à la mère, et pas à l’enfant », a dit le docteur Kalenga.

En attendant, l’une des priorités de Kimya est de trouver une activité qui lui permette de nourrir sa famille, tout en restant près de son petit garçon. En dehors d’ACS/Amocongo, la seule aide qu’elle reçoit provient d’une église pentecôtiste du quartier, mais elle n’est pas régulière.

« Le mois où j’ai un peu d’argent, j’envoie les enfants à l’école, le reste du temps, ils n’y vont pas », a dit Kimya. « Je voudrais avoir de quoi faire des beignets pour les vendre dans le quartier, ça je peux le faire en gardant le petit. »

A ces mots, le regard de deux de ses filles, assises sur un vieux lit en fer défoncé dans un coin de la pièce, s’éclaire. Puis les fillettes, âgées d’une dizaine d’année, baissent les yeux. Kimya les regarde en souriant d’un air las.

« Elles sont tristes parce qu’elles ont faim, elles n’ont pas encore mangé aujourd’hui. »


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 7 septembre 2006

 

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