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Ouganda : Des craintes pèsent sur le programme national d’accès aux ARV en temps de crise


Ouganda : Pas d’argent, pas d’accès universel

Kampala, 2 décembre 2009 (PLUSNEWS) - Tandis que les bailleurs de fonds se serrent la ceinture à cause de la récession mondiale, les experts de la santé ougandais s’inquiètent. Ils craignent que le programme national de traitement antirétroviral (ARV  ), presqu’entièrement dépendant de l’aide étrangère, ne puisse continuer à offrir aux patients ces médicaments vitaux.

L’Ouganda arrive à peine à fournir des antirétroviraux à 57 pour cent des 240 000 patients qui en ont besoin, et dont le nombre s’accroît. « Nous avons besoin de jusqu’à 70 millions de dollars par année pour atteindre nos objectifs en terme de nombre de patients traités », a indiqué Zainabu Akol, directeur du programme VIH  /SIDA   au ministère de la Santé.

« [En 2008,] nous n’avons pu obtenir que 20 millions du Fonds mondial [de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme] pour traiter près de 90 000 patients, et 20 millions [supplémentaires] du Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida   (PEPFAR  ) pour traiter 100 000 autres patients. Nous sommes toujours en situation de pénurie ».

Recul du financement

Le PEPFAR   a récemment annoncé que les fonds alloués aux programmes ARV   ne seraient pas augmentés. « Comme la première phase du PEPFAR   s’est terminée en 2008, notre budget pour l’Ouganda est maintenant gelé. Au cours de l’année fiscale à venir, nous allons engager 285 millions de dollars dans nos programmes de [pérennisation], de prévention, de soins et de traitement », a dit Lynne McDermott, responsable des communications du PEPFAR   à Kampala, la capitale ougandaise.

Certains partenaires locaux n’augmenteront pas non plus le nombre de patients traités. « Les États-Unis étaient le principal bailleur de fonds de la lutte contre le VIH  /SIDA   en Ouganda. Maintenant, qu’arrivera-t-il aux personnes nouvellement infectées ? », s’est interrogé Chris Baryomunsi, un député qui siège à la Commission parlementaire sur le VIH   et les affaires relatives à l’épidémie.

En 2008, le gouvernement a alloué plus de 30 millions de dollars à l’achat d’ARV  , mais l’argent a été détourné pour payer le personnel du ministère de la Santé. Une usine d’antirétroviraux a ouvert ses portes en Ouganda en 2008 pour réduire les coûts du médicament, mais jusqu’à présent, sa contribution aux stocks d’antirétroviraux n’a pas été significative.

Le ministère ougandais de la Santé a lancé un appel d’urgence au Fonds mondial. Il a demandé 8,9 millions de dollars pour acheter assez d’antirétroviraux pour tenir trois mois. Ce montant se voulait une avance sur les 70 millions de dollars accordés dans le cadre du 7e Appel à propositions, mais l’organisme n’a pu qu’offrir 4,25 millions de dollars en juin, ce que M. Akol a décrit comme « une goutte dans l’océan ».

Le Fonds mondial a été forcé de réduire son budget de 10 pour cent en 2008. Selon un rapport récent de la Banque mondiale, les nations qui dépendent lourdement de l’aide étrangère devraient se préparer à des pénuries imminentes d’argent et de médicaments en mettant en place des système d’alerte précoce, et chercher à éviter autant que possible les interruptions de traitement.

Les programmes ARV   en danger

D’après le ministre de la Santé, Stephen Mallinga, il est pratiquement impossible d’élargir la couverture des programmes ARV  . « Nous préférons apporter notre aide à ceux qui ont déjà commencé le traitement... parce que les répercussions... [des interruptions de traitement] sont graves. [Les patients peuvent notamment développer] une résistance aux médicaments et donc devoir changer de combinaison... Cela entraîne une augmentation des coûts de traitement que nous ne pouvons nous permettre », a-t-il dit à IRIN/PlusNews.

Les militants de la lutte contre le sida   craignent que les pénuries de financement n’empêchent l’Ouganda de garantir l’accès universel aux traitements ou, du moins, d’assurer la fourniture de médicaments à au moins 80 pour cent des patients qui en ont besoin.

« Il faut trouver des moyens et des manières d’y arriver en dépit de la récession. L’alternative à l’accès universel est beaucoup trop coûteuse et dangereuse - nous ne serons plus capables de contrôler l’épidémie », a dit Peter Mugyenyi, militant de la lutte contre le sida   et fondateur du Centre conjoint de recherche clinique en Ouganda.

« Lorsque les médicaments ne sont plus disponibles et que les patients commencent à se les partager, ils se mettent à ressentir des effets secondaires et doivent changer [de combinaison]. Les médicaments de deuxième ligne sont le double du prix des médicaments de première ligne, et ceux de troisième ligne sont des médicaments ultramodernes et inabordables », a dit M. Mugyenyi. « Si nous avons déjà des problèmes avec la première ligne, qu’est-ce que ce sera avec la deuxième et la troisième ? »

Les responsables du ministère ont dit que le gouvernement ne pouvait pas se permettre d’offrir un traitement à tous ceux qui en avaient besoin. De nombreux militants estiment toutefois que l’accès universel aux traitements relève de la responsabilité du gouvernement et non pas de celle des bailleurs de fonds, et que si le gouvernement jouait son rôle de principal fournisseur de soins de santé, les programmes ARV   seraient beaucoup plus viables qu’avec l’argent des bailleurs de fonds.

Le gouvernement doit s’approprier les programmes ARV  

« Il est faux de dire que le gouvernement ne peut se permettre... [d’offrir des ARV  ]. Le principal problème, c’est que nous n’avons pas déterminé nos priorités, et que l’engagement n’est pas là », a estimé Samuel Kibanga, coordonnateur du Forum national des personnes vivant avec le VIH  /SIDA   en Ouganda (NAFOPHANU). Avec l’appui d’autres militants, il suggère la création d’une taxe VIH  /SIDA  . Les recettes seraient accumulées dans un fonds spécial pour l’achat d’antirétroviraux.

« Quatre-vingt quinze pour cent du financement des traitements provient des bailleurs de fonds, ce qui n’est pas viable. Les dépenses de santé devraient au moins représenter 15 pour cent du budget national, mais elles sont aujourd’hui inférieures à 10 pour cent, et la somme allouée aux traitements ARV   est trop misérable », a souligné M. Kibanga.

« Dans l’intérêt de tous, et afin de sauver le plus de vies possible, nous devons offrir un accès universel aux traitements », a dit M. Mugyenyi. « Autrement, le problème risque de devenir beaucoup plus sérieux ».


Publié sur OSI Bouaké le mardi 5 janvier 2010

 

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