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Guinée : Des enfants guinéens exploités, abandonnés et vendus comme esclaves

Quand les articles d’Irin martèlent les dénonciations de maltraitances aux enfants par leurs communautés


Depuis quelques temps, nous assistons à la multiplication d’articles publiés sur Irin (Nations Unies) concernant les violences faites aux enfants en Afrique : sont dénoncés en vrac le poids des traditions, le cynisme individuel, la déserrance des familles, etc. Les titres des articles sont sensationnalistes, au point qu’il m’est arrivé d’hésiter à diffuser ces articles sur le blog, m’interrogeant sur la disqualification des populations des pays en question. Dans les articles, la part belle est faite aux ONG et aux instances internationales (Unicef etc.), qui occupent le beau rôle et dénoncent des populations disposées à livrer leurs enfants aux pires sévices : trafic d’enfants, orphelins vendus comme esclaves, abusés, violés, prostitués, exploités, etc. Je m’interroge sur cette tendance et me demande si elle est connectée à l’affaire de l’Arche de Zoé. La communauté internationale (Irin est le service de nouvelles et d’analyses humanitaires du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires) estime peut-être avoir besoin de relégitimer son action...

Passée cette réserve, je mets en ligne l’article ci-dessous. Sandrine.


Guinée : Des enfants guinéens exploités, abandonnés et vendus comme esclaves

Conakry, 11 février 2008 (IRIN)

Dans les rues de Conakry, la capitale guinéenne, après le coucher du soleil, des groupes d’enfants traînent devant les devantures des magasins, plongées dans l’obscurité, et s’installent dans les renfoncements, entre deux immeubles, pour y dormir à même le pavé, recroquevillés sur eux-mêmes.

Plusieurs habitants de la ville ont confié à IRIN qu’ils avaient constaté au cours des dernières années que de plus en plus d’enfants vivaient dans la rue - comme Aboubakar et Alya, deux orphelins qui vivent ensemble sur le trottoir depuis un an.

« Nous dormons ensemble, nous mangeons ensemble, nous faisons tout ensemble », a dit Aboubakar.

Tous les deux disent avoir 13 ans, mais Alya est très petit et Aboubakar ne peut s’empêcher de rire lorsqu’il dit son âge. Les deux garçons avouent qu’ils flânent dans les rues le soir et font les poubelles pour trouver à manger.

« Nous avons très peur de rester ici », a dit Aboubakar. « Mais nous n’avons nulle part d’autre où aller ».

Le jeune garçon a perdu ses deux parents. Quant à Alya, il a expliqué qu’il vivait auparavant chez sa grand-mère et s’est enfui un jour parce qu’il ne supportait plus d’être battu.

Des enfants exploités

Selon Manimam Condé, qui coordonne les opérations entre le gouvernement guinéen et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à Forecariah (Sud), les enfants non-désirés ont des raisons d’avoir peur. Les trafiquants sollicitent les parents et les gardiens des enfants, promettant d’offrir à leur progéniture de meilleures conditions de vie, mais en réalité, ils les font travailler de force ou les exposent à des situations encore plus terribles.

« Certains enfants sont vendus, d’autres sont directement mis au travail - envoyés pour travailler dans des plantations, ou utilisés pour vendre des marchandises [qu’ils portent sur leurs têtes] dans les marchés », a-t-elle expliqué à IRIN.

« Vous avez aussi les ventes d’organes et de certaines parties du corps à des fins médicales. Parfois, certaines parties de leurs corps sont même données en offrande au cours de cérémonies rituelles ».

Selon Action contre l’exploitation des enfants et des femmes (ACEEF), une organisation non-gouvernementale (ONG) sise à Conakry, des dizaines de milliers d’enfants non-désirés, comme ceux de Guinée, sont contraints de travailler dans des conditions semblables à l’esclavage.

Dans les cas les moins dramatiques, lorsque les parents n’ont plus les moyens d’élever leur enfant, ils le confient souvent à une personne qui porte le même patronyme qu’eux.

Au domicile de leurs nouveaux gardiens ou « tuteurs », comme on les appelle généralement, bon nombre d’enfants sont employés comme domestiques non rémunérés ou affectés à des tâches qui demandent une main-d’ouvre abondante, selon certains experts de la lutte contre le trafic d’enfants.

Dans le pire des cas, et bien trop souvent d’ailleurs, les enfants s’enfuient parce qu’ils sont maltraités ou ils sont vendus à des individus qui promettent de leur offrir de nouvelles et meilleures conditions de vie, mais les contraignent à des travaux pénibles.

La polygamie, un facteur aggravant

D’après Mme Condé, le problème de l’abandon des enfants en Guinée est aggravé par la polygamie et par l’incapacité pour de nombreuses familles d’accéder au planning familial. Résultat : certains parents ont beaucoup plus d’enfants qu’ils ne peuvent en assumer financièrement.

Les décès liés aux maladies, notamment au VIH  /SIDA  , expliquent aussi le nombre croissant d’enfants guinéens sans parents. Les orphelins du sida   sont placés dans des familles d’accueil qui sont souvent déjà démunies et qui peuvent avoir des difficultés à supporter le poids économique d’un autre enfant à nourrir.

Fatimata Soumah, une petite fille de sept ans, fait partie des enfants qui ont eu de la chance. Aujourd’hui, elle chante dans une salle de classe, avec des dizaines d’autres enfants abandonnés par leurs parents.

Des enfants vendus à l’étranger

La police a intercepté Fatimata et son cousin qui, à en croire la police, emmenait la petite fille en Sierra Leone, un pays voisin, pour la vendre et se faire de l’argent.

Les autorités ont retrouvé les parents de la petite Fatimata, mais ces derniers ont signé une lettre confiant leur fille au Foyer de l’Espérance, un centre pour enfants abandonnés de Forecariah.

« Je ne sais pas pourquoi on a voulu me vendre », s’est étonnée Fatimata, tenant sa poupée dans les bras.

D’autres enfants sont envoyés aux quatre coins du continent, et parfois en Europe ou ailleurs, pour y travailler comme domestiques, prostitués et manouvres.

Raphaël Cekui Tea, le responsable du foyer qui a accueilli la petite Fatimata, a confié à IRIN que dans son seul district, le nombre d’enfants abandonnés ou arrachés aux mains des trafiquants était si nombreux que son établissement était bien trop petit pour les héberger tous.

« A cause de la pauvreté de certaines familles, je pense que des individus peuvent être amenés à vendre leurs enfants pour se faire de l’argent. Cela ne devrait pas se produire en Afrique parce que nous vivons dans des sociétés communautaires et que, lorsqu’un individu a des difficultés, il doit pouvoir s’adresser à ses voisins pour obtenir de l’aide », a expliqué M. Tea.

Selon les autorités locales et les responsables de la protection de l’enfance, s’il est vrai que Forecariah est l’une des régions les plus touchées par le phénomène de l’abandon et du trafic des enfants, ce problème existe dans toutes les autres régions de la Guinée.


Publié sur OSI Bouaké le lundi 11 février 2008

 

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