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La Cour de cassation autorise les adoptions d’enfants nés de PMA



Médiapart - 23 septembre 2014 Mathieu Magnaudeix - La Cour de cassation valide l’adoption d’enfants nés de procréation médicale assistée (PMA  ) au sein de couples de femmes mariées. Cette décision vient clore des mois d’incertitude juridique.

L’arrêt était attendu par de nombreuses familles mais aussi par les juges, livrés à eux-mêmes sans cadre juridique précis depuis le vote, en avril 2013, de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Dans un avis rendu public ce mardi 23 septembre, la Cour de cassation, la plus haute juridiction judiciaire, assure que « le recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger, par insémination artificielle avec donneur anonyme, ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu ». Cet avis vient clore une longue période d’incertitude.

Au motif que l’AMP est interdite en France pour les couples de femmes, certains tribunaux ont ces derniers mois refusé des adoptions au sein de couples homoparentaux, estimant qu’il s’agissait de cas de « fraudes à la loi ». Dans certaines juridictions, des couples de femmes avaient même été convoqués par la police pour être interrogés sur le mode de conception de leur enfant (lire notre enquête). Depuis que la Cour de cassation avait été saisie par les tribunaux d’Avignon et de Poitiers, plusieurs procédures d’adoption étaient gelées.

« En France, certes sous conditions, cette pratique médicale (l’AMP - ndlr) est autorisée : dès lors, le fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français », juge très clairement la Cour de cassation, dont l’avis est quasiment toujours suivi par les tribunaux. Lire ici et là les deux avis de la Cour de cassation, et là le communiqué de la Cour.

« De nombreuses familles homoparentales avaient vu leur demande d’adoption gelée par les décisions contradictoires des TGI. L’avis rendu aujourd’hui permet de reprendre ces procédures et je m’en réjouis », a déclaré le député PS Erwann Binet, rapporteur de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.

Sans surprise, cette décision a de nouveau suscité les foudres des opposants à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, qui organisent le 5 octobre une nouvelle manifestation, dont un des mots d’ordre est précisément le refus de l’ouverture de la PMA   aux lesbiennes. Autre slogan : le refus du recours à la gestation pour autrui (mères porteuses), une pratique qui, elle, est strictement interdite en France.

« La législation française sur ces sujets (PMA   et GPA) n’est plus qu’une façade, tout est mis en œuvre pour inciter à la frauder », a réagi le député UMP Jean-Frédéric Poisson, proche de Christine Boutin. Juristes pour l’enfance, collectif proche de la "Manif pour Tous", a décrété dans un communiqué un « jour de deuil pour l’intérêt de l’enfant » et appelle les tribunaux à « refus[er] de suivre cet avis honteux et rétrograde ».

La loi ouvrant désormais l’adoption à tous les couples mariés, quel que soit leur sexe, Europe Ecologie-Les Verts voit au contraire dans la décision de la Cour de cassation « une décision logique qui va permettre de sécuriser juridiquement nombre de familles ». Les écologistes, qui ont déposé récemment des propositions de loi en ce sens, réclament toutefois que la PMA   soit « ouverte à toutes, sans discrimination ». « Cet avis ne permet pas de mettre fin à l’hypocrisie d’un système où l’on incite les femmes à partir à l’étranger pour avoir recours à une AMP puis à faire des démarches d’adoption en France pour l’une des mères à la naissance de l’enfant », déplore l’union des familles laïques (Ufal). « La France reconnaît désormais le lien de filiation entre parent social et enfant né d’une PMA  , mais interdit toujours la pratique de la PMA   aux lesbiennes. Quelle hypocrisie ! » résume l’association SOS-Homophobies.

Selon les Enfants d’Arc-en-Ciel, une association qui suivait plusieurs couples concernés, la décision est « un soulagement pour les familles homoparentales qui vont voir les procédures d’adoption reprendre dans les nombreux TGI où elles étaient paralysées ». Sa présidente, Nathalie Allain-Djerrah, rappelle toutefois qu’un tel imbroglio juridique n’aurait pas eu lieu « si la loi avait établi une véritable égalité en permettant à tous les enfants l’établissement de la filiation par reconnaissance volontaire dès la naissance ».

De fait, les sujets liés à la filiation n’ont pas été intégrés dans la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe votée en avril 2013. Ils ont même été depuis évacués de la loi famille... finalement été enterrée Jean-Marc Ayrault et François Hollande, sous la pression des manifestations des opposants au mariage des couples homosexuels.

Quant à l’accès à la procréation médicale assistée (PMA   ou AMP), une pratique autorisée en France depuis quarante ans, il reste aujourd’hui réservé à certains couples hétérosexuels, mais toujours interdit aux couples de femmes mariées. François Hollande, qui s’était prononcé en faveur de l’extension à la PMA   pour les lesbiennes au cours de la campagne présidentielle, a renvoyé cette question au Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Mais le conseil ne se hâte guère et son avis n’est pas attendu avant le début de l’année prochaine. En visite au Vatican peu après son arrivée à Matignon, Manuel Valls a de toute façon exclu de légiférer sur ce sujet d’ici 2017.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 25 septembre 2014

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