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Somalie : combattre le VIH/SIDA dans une situation d’urgence chronique


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Les stratégies de survie du peuple somalien ne suffisent plus face au conflit continu et à la grave pénurie alimentaire qui ravagent une grande partie du pays, une situation particulièrement difficile pour les personnes séropositives.

« Actuellement, le pays est en proie à une sévère sécheresse qui oblige des millions de Somaliens à se déplacer le ventre vide pour trouver de l’eau et un endroit où faire paître leurs bêtes », a expliqué Ulrike Gilbert, responsable de projet de lutte contre le VIH  /SIDA   pour le bureau du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) en Somalie.

A l’heure actuelle, quelque 400 000 personnes déplacées internes vivent dans des camps. Elles dépendent des communautés hôtes et des agences humanitaires qui leur fournissent de la nourriture et une protection. Les rares services sanitaires en place sont débordés et les populations qui se déplacent en quête d’eau et de pâturages ne rencontrent aucun service sanitaire.

La pénurie d’eau aggrave le risque de contracter des infections hydriques. En outre, les personnes vivant avec le VIH  /SIDA   ont davantage de difficultés à résister aux maladies diarrhéiques et à en guérir que les personnes en bonne santé. Du coup, la maladie peut se déclarer plus rapidement.

Dans les camps, les femmes et les enfants sont beaucoup plus vulnérables que le reste de la population.

« Les déplacements et les conflits ont mis à mal les réseaux de soutien qui existaient au sein des communautés. De plus, les femmes et les enfants sont exposés aux sévices sexuels et donc au VIH  /SIDA   », a souligné Ulrike Gilbert.

Lorsque les femmes et les enfants sont violés ou victimes d’abus sexuels, l’accès à la prophylaxie post-exposition d’urgence pour limiter les risques d’infection au VIH   est limité et les services de conseils post-traumatiques rares.

En outre, pour rendre la situation encore plus difficile, peu de gens sont informés sur la manière de se protéger contre le virus.

La sexualité est un sujet traditionnellement tabou et les Somaliens, un peuple conservateur, ont nié pendant des années l’existence du VIH   et la possibilité d’être contaminés par le virus.

« Au début, nous pensions que le sida   était une maladie qui n’existait pas en Somalie, mais maintenant nous savons que le sida   est ici », a affirmé Sheikh Mahamud Aw Abdulle, un haut responsable religieux, depuis Mogadiscio, la capitale.

De plus en plus de personnes se font dépister au VIH  /SIDA  . « Aujourd’hui, nous voyons beaucoup plus de personnes séropositives à l’hôpital qu’autrefois », a expliqué le docteur Mohamed Mahmud, de l’hôpital.

« Nous recevons de plus en plus de patients séropositifs. Ces derniers ont de toute évidence contracté le virus il y a plusieurs années, soit bien avant que le problème soit connu », a-t-il dit.

« Compte tenu de notre position géographique et du fait que notre population se déplace beaucoup, qu’elle voyage dans la région, où le VIH  /SIDA   est plus répandu, nous devons être vigilants face à la propagation de l’épidémie ici [à Mogadiscio] », a-t-il ajouté.

On estime à 350 000 le nombre de réfugiés somaliens vivant dans les pays voisins et des millions d’autres dans la diaspora.

Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH  /SIDA   (Onusida  ), le taux de prévalence du VIH  /SIDA   en Somalie est de 0,9 pour cent, soit bien inférieur à celui enregistré dans les pays voisins. Par exemple, l’Ethiopie et le Kenya affichent respectivement un taux de 4,1 et 6,7 pour cent.

Cependant, l’Onusida   affirme que la Somalie « se dirige vers une généralisation de l’épidémie ».

Certaines pratiques culturelles ont également aggravé la situation, ont souligné les activistes engagés dans la défense des droits de l’homme.

Le sida  , toujours une question de moralité

« Le sida   se propage en Somalie. L’excision des jeunes filles est l’un des principaux facteurs contribuant à la propagation de l’épidémie », a affirmé Marian Hussein Awreye, directeur adjoint du centre des droits de l’homme Ismail Jumale, le plus grand groupe de défense des droits de l’homme du pays.

Presque toutes les jeunes filles somaliennes sont excisées. Selon la tradition, l’excision est un rite initiatique marquant le passage de l’enfance à l’âge adulte ; elle est rarement pratiquée dans les hôpitaux et les mêmes instruments non stérilisés sont souvent utilisés pour exciser plusieurs jeunes filles.

La grande stigmatisation qui accompagne le VIH  /SIDA   est l’une des raisons sous-jacentes pour lesquelles le virus n’est toujours considéré comme un problème en Somalie.

« Les Somaliens n’aiment pas entendre parler du sida  , c’est la raison pour laquelle ils adoptent toujours une attitude négative à l’égard des personnes séropositives », a expliqué le musicien Mohamed Abdi Osobleh.

« Ils pensent que le sida   est une maladie ‘immorale’ qui atteint uniquement les personnes qui ne respectent pas l’Islam. Personne n’ose révéler son statut sérologique par crainte d’être humilié. Par conséquent, l’épidémie continue à se propager », a-t-il expliqué.

« Lorsque des personnes viennent et apprennent qu’elles sont séropositives, je ne sais pas où les envoyer : à l’hôpital, nous n’avons ni service de conseil et de dépistage volontaire ni service de traitement antirétroviral (ARV  ) », a souligné le docteur Mahmud, conscient du problème.

Les fonds pour financer des programmes de lutte contre le VIH  /SIDA   commencent à arriver lentement en Somalie. Le Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme a débloqué des subventions - dont le principal bénéficiaire est l’Unicef - afin de mettre en place un ‘cadre’ pour la prévention et le contrôle du VIH  /SIDA   et des infections sexuellement transmissibles.

« Dans les régions relativement stables, nous sommes en mesure de proposer certains services. En 2005, le Somaliland et le Puntland ont tous deux mis en place des commissions de lutte contre le sida   afin de coordonner les efforts dans ces régions », a indiqué Ulrike Gilbert.

« Au mois de mars dernier, le gouvernement et les partenaires ont lancé la première commission chargée de coordonner les activités de lutte contre le VIH  /SIDA   dans le centre et le sud du pays », a-t-il précisé.

La république autoproclamée du Somaliland, située au nord-ouest de la Somalie et la région autonome autoproclamée de Puntland, localisée au nord-est du pays, sont relativement stables en comparaison aux régions du centre et du sud, des régions touchées par la sécheresse et théâtres de combats entre factions - qui empêchent toujours l’aide humanitaire de parvenir aux personnes les plus démunies.

« Désormais, nous disposons d’un site de distribution d’ARV   à Hargeisa [la capitale du Somaliland] et deux autres sites devraient ouvrir leurs portes d’ici juin prochain à Puntland et dans la région du centre et du sud », a fait savoir M. Guilbert. « Nous avons mis en place quatre centres de conseil et de dépistage volontaire et le personnel a été formé afin d’élargir les services. »

L’Unicef a également mis en place des programmes de protection pour les enfants vivant dans les camps, afin de protéger les orphelins et les enfants vulnérables d’éventuels sévices. D’autres mesures ont été prises afin de décourager les potentiels agresseurs : par exemple, les salles de bains et les toilettes qui sont situées à l’extérieur sont désormais mieux éclairées.


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 12 avril 2006

 

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