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Bruxelles veut sortir le cacao ivoirien du chaos

Pour assainir le secteur, l’UE préconise la refonte de toute la filière


Par Thomas HOFNUNG - vendredi 11 mai 2007

Irrécupérables ! Dans son rapport « final », rédigé il y a un an mais rendu public cette semaine, l’Union européenne (UE  ) préconise de « liquider » les structures régissant la filière du cacao en Côte-d’Ivoire, principale ressource de ce pays d’Afrique de l’Ouest. En janvier 2006, les auteurs d’un audit confidentiel commandité par Bruxelles, dont Libération s’était procuré une copie, avaient déjà dressé le même constat. La libéralisation du secteur cacao, prônée par le FMI et la Banque mondiale dans les années 80, a tourné au fiasco. Les dirigeants de la filière, des hommes de confiance du président Laurent Gbagbo, sont soupçonnés de se livrer à des détournements massifs au profit du régime, mais aussi pour leur usage personnel. Le tout aux dépens de centaines de milliers de petits exploitants qui se sont appauvris alors que les multinationales étrangères (hollandaises, suisses et américaines), elles, ont prospéré. Dans son rapport, l’UE   s’en prend notamment à deux organismes : la Bourse du café-cacao (censée aider à la commercialisation des fèves) et le Fonds de développement des activités des producteurs de café et cacao (FDPCC). Pour Bruxelles, ces structures parasitent le secteur et « devraient être liquidées » sans plus tarder. Le rapport préconise également de suspendre, parce que jugés « illégaux », des prélèvements qui financent le Fonds de régulation et de contrôle (FRC) du cacao, chargé de compenser les pertes liées à d’éventuelles chutes des cours mondiaux. « Audit ». Les auteurs du rapport évoquent à mots couverts ce que tout le monde sait en Côte-d’Ivoire : l’ampleur des malversations. Ainsi ils jugent « absolument nécessaire un audit complet de l’utilisation des ressources confiées » à ces structures et proposent que « l’Etat, ou tout ayant droit, puisse engager des poursuites pénales en cas d’abus de biens sociaux et afin de récupérer les ressources éventuelles détournées ». L’expansion de la culture du cacao, et dans une moindre mesure de celle du café, a permis à la Côte-d’Ivoire, durant les années 60-70, sous le règne du « père de l’indépendance », Félix Houphouët-Boigny, de connaître une croissance exceptionnelle en Afrique, avant que les cours mondiaux n’entament leur déclin. A l’époque, la Caisse de stabilisation (surnommée la « Caistab »), chargée de garantir un prix mimimum d’achat des fèves aux petits exploitants, servait de caisse noire au pouvoir. A la fin des années 90, une série de réformes ont donné naissance à une myriade de structures censées garantir le développement d’une activité qui assure 20 % du PIB ivoirien et nourrit quelque 6 millions de personnes (environ le tiers de la population). Détournements. Depuis l’éclatement de la guerre civile dans cette ancienne colonie française, en septembre 2002, la filière est en plein chaos, les détournements se sont accélérés. Pour tenter d’échapper aux taxes de l’Etat, des petits producteurs écoulent clandestinement une partie de leur production dans les pays voisins, au Ghana ou au Burkina Faso. La campagne cacao 2006-2007 devrait se solder par une production en baisse, aux alentours d’un million de tonnes, contre 1,4 million en 2005-2006. Malgré tout, la Côte-d’Ivoire demeure le premier producteur mondial de cacao. Un « miracle » qui n’est pas perdu pour tout le monde.


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 11 mai 2007

 

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