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RDC : Des milliers de jeunes risquent d’être enrôlés de force par les milices


Goma, 9 octobre 2007 (IRIN)

James Mapundo vient juste d’avoir 18 ans ; il parle français, anglais et swahili et désire ardemment retourner à l’école pour apprendre une nouvelle langue. Mais pour l’instant, il se retrouve coincé dans le camp de Bulengo qui abrite quelque 13 000 déplacés de la province du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Le jeune Mapundo fait partie des 370 000 civils qui ont fuit leur domicile depuis la reprise des hostilités entre les miliciens du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), du général déchu Laurent Nkunda, et l’armée congolaise, en décembre 2006.

A l’instar de milliers d’autres jeunes, il court le risque de se faire enrôler de force dans les rangs des groupes armés qui contrôlent une bonne partie de la province du Nord-Kivu.

« [Le NCPD] tue les civils et oblige les jeunes à suivre une formation militaire », a expliqué James Mapundo à IRIN. « Ils m’ont demandé de rejoindre leurs rangs, mais j’ai refusé ».

Malgré la précarité de sa situation, le jeune Mapundo fait partie des quelques rares chanceux. Bon nombre d’enfants n’ont pas réussi à échapper aux groupes armés, bien que les statistiques ne donnent aucun chiffre précis car une bonne partie de la population reste inaccessible en raison de la constance de combats.

Mais en en croire les travailleurs humanitaires, le recrutement d’enfants soldats a considérablement augmenté depuis les derniers affrontements, il y a six semaines.

« Les organisations de protection de l’enfance ont également remarqué une forte progression du recrutement d’enfants dans les rangs des miliciens », a affirmé Patrick Lavand’Homme, responsable du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), à Goma.

Certains chargés de protection ont noté que d’autres faits troublants sont apparus depuis le début des nouveaux affrontements.

« [Des groupes de miliciens] s’en prennent aux écoles », a dit Pernille Ironside, chargée de la protection des enfants à Goma auprès du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). « De nombreux rapports font état d’attaques d’écoles secondaires et de collèges techniques et généralement ce sont les jeunes de plus de 15 ans qui courent le risque d’être recrutés ».

Les filles aussi sont ciblées

Si ce sont souvent les jeunes garçons qui sont recrutés au sein des groupes armés, la situation des jeunes filles est tout aussi critique, ont fait savoir certains chargés de protection.

Les jeunes filles enlevées sont obligées de devenir les « épouses » des commandants militaires - ce qui les relègue à un rôle d’esclaves sexuels.

Contrairement aux garçons, les jeunes filles sont à l’arrière du front, dans les camps, ce qui explique que les chargés de protection ont plus de difficultés à les rencontrer.

« Cela a toujours été un grave problème », a expliqué Mme Ironside à IRIN. « La difficulté est que certaines filles enlevées par les groupes armés [.] acceptent parfois, de manière tacite, leur situation. Elles savent qu’elles seront stigmatisées si elles reviennent dans leurs communautés parce qu’elles auront été violées ou auront eu des enfants avec des membres d’un groupe rival ».

Le recrutement forcé d’enfants a semé la peur dans les rangs des déplacés qui refusent de quitter le camp et de retourner chez eux tant que leur sécurité ne sera pas assurée.

« J’ai beaucoup entendu parler d’enfants qui se faisaient recruter, et même certaines fillettes », a affirmé Ame   Muhima, représentant du groupe des 4 000 familles déplacées qui attendent d’intégrer les sites officiels de déplacés situés en dehors de Goma.

« Il y a 17 enfants qui ont réussi à s’échapper et qui sont revenus ici », a révélé M. Muhima.

Selon les chargés de protection, les enfants ne sont plus recrutés par l’armée congolaise, mais par les trois milices actives dans la région. Ils courent donc le risque d’être recrutés par l’une ou l’autre des milices.

Les miliciens du groupe Mayi-Mayi, par exemple, expliquent aux enfants qu’ils ont la responsabilité de se battre pour protéger leurs villages contre les groupes armés rivaux. Motivés par le sens du devoir, les enfants rejoignent souvent volontairement les rangs de ces milices, et ceux qui résistent sont « vivement encouragés » par leurs parents.

Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe de miliciens hutus liés aux auteurs du génocide rwandais de 1994, usent d’une autre stratégie.

« Les FDLR font une descente sur un village, enlèvent tous les enfants d’un certain âge et les entraînent avec eux dans la brousse », a raconté Mme Ironside.

Les enfants capturés au cours des récents affrontements sont détenus par les groupes armés dans des camps de prisonniers de guerre. Les forces fidèles au général déchu Nkunda détiendraient ainsi plusieurs enfants mineurs.

Des civils pris entre deux feux

Les travailleurs humanitaires souhaitent une cessation des hostilités, mais pensent que la situation dans le Nord Kivu pourrait plutôt se détériorer, en raison de l’intensification des activités militaires dans la région.

Considérée comme une région riche, l’est de la RDC a depuis longtemps été une poudrière où, pour de considérations ethniques, des groupuscules de miliciens se battent pour le contrôle de cette région.

La guerre civile de 1998 à 2003 avait impliqué sept des pays limitrophes et coûté la vie à quelque quatre millions de personnes, mortes pour la plupart de faim et de maladie.

Les travailleurs humanitaires notent toutefois que ce sont les civils et les enfants qui font les frais de ces affrontements et qui continueront d’en pâtir compte tenu de la recrudescence des combats. A l’extérieur du camp de Bulengo, Gusanga, un jeune garçon de 13 ans, passe ses journées à aller de case en case pour demander qu’on lui prête un stylo.

Fier de pouvoir parler couramment le français et le swahili, et un peu mûr pour son âge, le jeune garçon offre ses services de traduction aux visiteurs.

Il y a un mois, il avait échappé à un recrutement des milices FDLR, dans la ville voisine de Kitchanga.

« Tous les jeunes de 15 ans ou plus doivent les rejoindre aux combats », a expliqué Gusanga à IRIN. « Après mes 15 ans, je souhaiterais poursuivre mes études ; mais dès qu’on atteint cet âge, ils viennent nous arrêter », a-t-il déploré.


Publié sur OSI Bouaké le mardi 9 octobre 2007

 

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