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Prise en charge des OEV : passage à l’échelle

par Olivier APPAIX, Économiste, France


Je traiterai dans un premier temps du contexte socioculturel et aborderai les modalités de prise en charge. Je terminerai mon intervention en insistant sur les défis que représente le passage à l’échelle.

La situation des OEV   La pauvreté économique et la santé sont étroitement liées. L’interaction entre l’infection au VIH   et l’augmentation de l’orphelinage ne fait aucun doute et aggrave le lien que je viens de mettre en évidence. Je vous livre maintenant une liste des conséquences socio-économiques sur la santé de l’orphelinage et de la vulnérabilisation de l’enfance. Nous constatons un phénomène de déscolarisation, une croissance ralentie de l’enfant, une détérioration rapide de l’état de santé, un impact sur les revenus de l’adulte, une augmentation de la mortalité, une plus grande exposition au VIH  /sida  , des revenus plus faibles (40 à 60 % de pertes de revenus). Nous notons également un phénomène de désocialisation des enfants, un état dépressif, une plus grande exposition aux risques de viol et de prostitution. L’orphelinage de masse et la vulnérabilisation des enfants qui doivent prendre en charge leurs parents atteints par le VIH  /sida  , détruisent le capital social et humain des familles et des communautés.

Les modalités de prise en charge Il importe de reconstituer ces capitaux afin de garantir un avenir aux OEV  . Nous devons pour cela identifier les besoins en menant des enquêtes préalables. Je vous en livre deux, tirées d’un document de l’UNICEF. Ces enquêtes présentent la situation à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso et au Mwanza en Tanzanie. Les besoins en matériels scolaires représentent 41 % des besoins exprimés ; viennent ensuite les dépenses de santé, la nourriture pour un quart et les vêtements pour un cinquième. Nous relevons des différences dans la perception des besoins. Les OEV   sont le plus souvent replacés au sein des familles, soit du fait de pratiques locales soit du fait d’une politique de réunification - comme en Erythrée après la guerre. Cette solution n’est pas sans poser de sérieux problèmes car les familles sont pauvres dans la plupart des cas. L’arrivée d’un nouvel enfant représente donc une charge supplémentaire, difficilement supportable. Le recours à l’adoption et à l’accueil n’est pas encore très répandu. De même, l’institutionnalisation ne concerne qu’une minorité d’enfants. Les foyers dirigés par des enfants ou des jeunes adultes constituent une autre alternative. Nous avons d’ailleurs dû relever l’âge limite de quinze à dix-huit ans - et même vingt-et-un ans dans le cadre de certains programmes au Congo-Kinshasa. Nous trouvons également des enfants abandonnés à eux-mêmes, dans la rue. Certains d’entre eux, accaparés par des milices ou par une armée régulière, sont enrôlés pour servir dans des conflits.

Des solutions globales et adaptées pour la prise en charge des OEV   Face à cette tragédie, il nous revient de trouver une réponse adaptée et globale, qui ne soit pas limitée à l’Afrique Subsaharienne ; car la situation dans les Caraïbes ou en Asie n’est guère plus encourageante. Je rappelle qu’en Afrique Subsaharienne, 50 % des orphelins ont perdu leurs parents à cause du VIH  /sida  . Toutefois, 80 % des séropositifs dans les pays les plus pauvres ignorent leur statut sérologique. Bien évidemment, les enfants ne sont pas plus informés. La seule chose dont nous pouvons être sûr, c’est qu’ils sont orphelins et qu’ils ont besoin d’aide. Je souhaite à présent proposer quelques solutions. Il convient de soutenir les familles accueillantes et adoptantes, de prendre en charge la scolarité des enfants, de favoriser la stratégie d’autonomisation et d’appuyer les institutions existantes. En Erythrée, le Gouvernement a réalisé un important travail de recensement des orphelins. Le pays en compte 95 000 soit 7 % de la classe d’âge des moins de 18 ans ; 2 800 orphelins pour cause de sida   ont été recensés. La prise en charge des orphelins du sida   s’inscrit dans une stratégie politique volontariste de lutte contre les maladies infectieuses. Les montants investis avoisinent deux millions de dollars par an. L’appui à la réinsertion familiale, pour un coût compris entre 100 et 240 dollars par an, représente l’investissement majeur. Beaucoup d’efforts ont été entrepris dans le domaine de la génération de revenu. Mais dans des pays pauvres, cette intervention ne permet pas à des individus de sortir de la pauvreté. Au Bénin, un programme de soutien à l’apprentissage pour les enfants a été mis en place. Son coût est de 646 dollars par an et par enfant. Le placement en pensionnat ou en orphelinat implique un coût de 566 dollars par an et par enfant hors coût de construction. Il est à noter que les enfants ont du mal à réintégrer leur famille après avoir été placés. Dans son dernier rapport, l’ONUSIDA   a évalué le coût de la prise en charge des orphelins pour cause de sida   à 1,5 milliards de dollars en 2006, à 2 milliards pour l’année 2007 et à 2,7 milliards pour l’année 2008. Le système de financement n’a pas encore été mis en place.

Les obstacles à la prise en charge des OEV   Cette question soulève un problème, autrement plus vaste : celui des obstacles. Je vous en rappelle quelques-uns : des obstacles socioculturels, notamment le rejet des enfants, et des difficultés d’absorption des fonds disponibles. Le Fonds Mondial a récemment suspendu des programmes au Nigéria car les sommes attribuées n’étaient pas dépensées à bon escient. Des audits sont parfois réalisés pour pallier cet obstacle. Nous devons aussi nous interroger sur le type de population auquel nous nous adressons. Tous les orphelins ne sont pas des orphelins du sida  . Pour autant, il importe que nous n’oubliions personne.

.: la vidéo de l’intervention d’Olivier Appaix :.

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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 1er octobre 2006

 

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