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Cameroun : la trithérapie malade de l’inobservance

La prise en charge médicale sur la voie de devenir le casse-tête que nous redoutons tous


Mots-Clés / Cameroun

Le Messager (Douala) - 5 Juillet 2005 Publié sur le web le 28 Novembre 2005

Par Marie-Noëlle Guichi

Les séropositifs sous antirétroviraux ne prennent pas toujours les médicaments suivant les prescriptions médicales. Conséquence, ils deviennent à la longue résistants. Et sont parfois obligés de changer de ligne de traitement. Ce qui n’est pas évident au Cameroun.

"Quand les antirétroviraux sont arrivés au Cameroun en 1996, on a jubilé. Mais très tôt, nous avons été rattrapés pas les échecs thérapeutiques ", confie Charles Kouanfack, responsable de l’hôpital de jour de Yaoundé, spécialisé dans la prise en charge des personnes vivant avec le Vih  . Il s’exprimait ainsi, le jeudi 29 juin, au cours d’un séminaire post-universitaire, organisé à l’hôtel Hilton de Yaoundé par le Laboratoire américain Merck Sharp Dohme, Msd, sur la gestion des échecs thérapeutiques. Dr. Kouanfack souligne qu’une enquête transversale menée dans ses services entre 2002 et 2003 sur près de 176 patients, naïfs de tout traitement ou traités depuis au moins 6 mois a montré un taux de résistance de 17,7%, avec une résistance fréquente chez les malades qui étaient déjà sous traitement avant le début de l’enquête. Les spécialistes concluent alors à l’inobservance, c’est-à-dire que les malades ne respectent pas toujours les horaires de prise de médicament, les prennent parfois de façon discontinue ou l’interrompent systématiquement sans l’avis médical, faute de moyens le plus souvent.

Conséquence, lorsqu’ils réussissent plus tard à avoir de quoi se traiter à nouveau, le médicament n’est plus efficace. " Le problème de résistance devient un problème de santé publique. Certains patients ont même développé des résistances sur des produits non encore utilisés au Cameroun ", déplore Charles Kouanfack qui pense qu’il est aujourd’hui nécessaire de développer des guides de prise en charge pour les mettre à la portée aussi bien des praticiens que des patients.

Le virologue français, Laurent Belec de l’hôpital Européen Georges Pompidou a fait le déplacement de la capitale camerounaise pour la seconde fois en l’espace de trois mois, pour entretenir, dans le cadre de cette formation, les médecins camerounais qui travaillent dans les centre de traitement agréés, Cta, sur les conséquences de la non observance. Principal animateur de ce séminaire post universitaire qui a connu la participation d’une vingtaine de médecins de Yaoundé et ses environs, il a davantage insisté sur l’attitude à adopter en cas de résistance aux ARV  . Il affirme qu’il faut analyser les facteurs tels que la non observance, la tolérance du médicament, l’interaction médicamenteuse et surtout la pharmacodynamie, un principe qui montre que, lorsque le médicament de spécialité (d’origine) et le médicament générique (copié) n’ont pas les mêmes propriétés, ils n’agissent pas de la même manière dans l’organisme.

A ce propos, de nombreux médecins reconnaissent, sous cape, que si le problème de résistance se pose avec acuité au Cameroun aujourd’hui, cela est dû au fait que dans ce pays, le traitement de première ligne, à base de générique, est très usité pour son coût abordable (3000 francs Cfa par patient et par mois). " Dans la plupart des Cta, l’on utilise Efavir et Indivan, deux médicaments génériques non recommandés par l’Oms  , à cause de l’absence du certificat de bio équivalence que le fabriquant indien Cipla n’a pas toujours fourni jusqu’ici. Ce certificat de bio équivalence devrait montrer si ces deux médicaments ont les mêmes propriétés que les originaux que sont respectivement, Efavirez et Crixivan. ", s’indigne un médecin qui a requis l’anonymat.

En cas d’échec thérapeutique, le Pr Laurent Belec recommande le passage au traitement de deuxième ligne, voire de troisième ligne. Au Cameroun, le traitement de deuxième ligne coûte officiellement 7000 francs Cfa par patient et mois d’après une décision du ministre de la santé publique, Urbain Olanguéna Awono, signée le 14 janvier 2005. Mais dans les Cta, l’on s’en moque. Le patient sous traitement de deuxième ligne ne débourse pas moins de quarante mille francs Cfa par mois pour se soigner. La raison " selon la décision ministérielle, les Cta devaient eux mêmes subventionner ces traitements, afin d’appliquer le taux de 7000 francs Cfa. Mais avec des budgets inconsistants, nous n’avons pas pu le faire. Le 8 juin dernier, le ministre a décidé que ce sont les Centres provinciaux d’approvisionnement en produits pharmaceutiques, Capp, qui le feront parce qu’ils ont un peu plus de moyens. Jusqu’à présent, ils n’ont encore rien fait. Nous attendons ", explique un médecin officiant dans un Cta à Yaoundé. En attendant la subvention, les bourses faibles, pourtant les plus touchées par la pandémie, se contentent des traitements de première ligne qui, en plus d’être souvent inefficaces, souffrent par ailleurs d’incessantes ruptures de stock.


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 11 décembre 2005

 

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