Le Monde | 10.08.07 | 17h25 • Mis à jour le 10.08.07 | 17h25
Le sida a fait en Afrique du Sud une victime indirecte : la vice-ministre de la santé, Nozizwe Madlala-Routledge, limogée jeudi 9 août. Aucun motif officiel n’a été donné. Des fuites cette semaine dans la presse évoquaient un voyage sans autorisation en Espagne pour assister à une conférence. Cet argument apparaît comme un prétexte au moment où la vice-ministre était l’objet de constantes critiques du chef de l’Etat.
Pour l’opposition, comme pour les associations de défense des malades, le président sud-africain Thabo Mbeki s’est trompé de cible en sanctionnant Mme Madlala-Routledge et non pas la ministre de la santé, Manto Tshabalala Msimang. Surnommée "docteur Betterave" pour ses positions en faveur de thérapies alternatives - notamment l’emploi de certains fruits et légumes -, la ministre a été longtemps hostile à l’utilisation des antirétroviraux pour lutter contre la maladie.
La vice-ministre avait profité ces derniers mois de l’absence de Mme Tshabalala Msimang, en arrêt maladie avant une transplantation du foie, pour mettre en place un nouveau plan de lutte contre le virus du sida . Elle avait innové en consultant les organisations non gouvernementales (ONG), avec lesquelles la ministre en titre a toujours eu des relations très conflictuelles.
Le plan, qui couvre 2007-2011, prévoit d’améliorer l’accès aux traitements, avec pour objectif de placer 80 % des malades sous antirétroviraux en 2011. L’accent est également mis sur la prévention avec l’intention de réduire de 50 % les nouvelles infections.
De plus, Nozizwe Madlala-Routledge s’est permis la semaine dernière de dénoncer l’état des services de santé et avait employé l’expression d’"urgence nationale", déclenchant l’ire du chef de l’Etat.
L’Alliance démocratique, premier parti d’opposition, a estimé que ce limogeage renvoyait le pays "à l’époque noire du déni" de la pandémie. Pour les Démocrates indépendants (ID), il s’agit d’une "insulte pour toutes les femmes qui ont le courage de se lever pour défendre la vérité".
La puissante ONG Treatement Action Campaign, qui se bat pour l’accès aux antirétroviraux, a également condamné ce limogeage.
Les critiques sont aussi venues de formations proches du pouvoir, comme le Parti communiste ou la centrale syndicale Cosatu. Il est extrêmement rare que les positions de Thabo Mbeki, qui a longtemps refusé de distribuer des antirétroviraux, soient contestées, même discrètement, par un membre du gouvernement.
Fabienne Pompey
Article paru dans l’édition du 11.08.07.