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La rémission sans traitement d’une jeune femme née avec le VIH est-elle inédite ?


Le Monde.fr | 21.07.2015 | Par Paul Benkimoun

L’annonce d’une rémission sans traitement antirétroviral depuis douze ans chez une jeune femme de 18 ans et demi, infectée dès la naissance par le VIH  , est un événement rare et important.

Présenté lundi 20 juillet lors de la 8e conférence sur la pathogenèse du VIH   à Vancouver (Canada), ce cas constitue un argument en faveur d’un traitement très précoce par les médicaments anti-VIH  , qui serait susceptible d’induire un contrôle suffisant de l’infection pour rendre le virus indétectable dans le sang. Explications en 6 questions.

Que signifie être en rémission dans le cas d’une infection par le VIH   ?

En médecine, une rémission est définie comme l’atténuation ou la disparition des symptômes d’une maladie. Le terme est fréquemment employé à propos de personnes atteintes d’un cancer pour indiquer que la prolifération tumorale a cessé.

Dans le cas de l’infection par le VIH  , la rémission signifie que la personne infectée ne présente plus de signe de multiplication du virus, avec une charge virale dite « indétectable » – c’est-à-dire qu’on trouve moins de 50 copies du matériel génétique du virus par millilitre de sang –, et que le taux de cellules immunitaires lymphocytes T CCD, cibles du VIH  , par millilitre de sang est revenu à la normale (au moins 500 par millilitre de sang). C’est une situation qualifiée de contrôle virologique et immunologique.

Comment la rémission a-t-elle été obtenue chez la jeune femme dont le cas a été présenté à Vancouver ?

Le VIH   a été transmis lors de la naissance de cette personne en 1996 par sa mère séropositive. Un traitement prophylactique chez l’enfant a été entamé dès sa naissance, d’abord, avec un seul médicament, la zidovudine (AZT) pendant six semaines. Des examens ont montré qu’un mois après sa naissance, l’enfant était malgré tout porteuse du VIH  . Deux mois plus tard, alors que sa charge virale était très élevée, un traitement plus intensif, avec une association de quatre antirétroviraux, a été mis en œuvre. Il a été interrompu par les parents peu avant que l’enfant atteigne 6 ans et alors qu’ils n’allaient plus voir les médecins qui la suivaient.

Après un intervalle d’un an, les parents ont ramené leur enfant auprès des médecins qui ont constaté qu’elle avait à nouveau une charge virale indétectable. Les médecins ont décidé de ne pas reprendre le traitement et d’observer de près l’évolution de l’infection. Douze années ont passé et la jeune femme d’à présent près de 19 ans continue de ne pas avoir de signes virologiques ou immunologiques d’une infection active.

Certaines personnes présentent un profil génétique qui fait que malgré une présence avérée du virus dans leur organisme (séropositivité), l’infection demeure spontanément et durablement contrôlée en l’absence de traitement. Ils représentent moins de 1 % des personnes séropositives. Ce n’est pas le cas de la jeune femme. C’est ce qui fait dire à ses médecins que « selon toute vraisemblance, c’est le fait d’avoir reçu très tôt après sa contamination une combinaison d’antirétroviraux qui lui permet d’être en rémission virologique depuis aussi longtemps », selon le Dr Asier Saez-Cirion, du laboratoire « VIH  , inflammation et communication » de l’Institut Pasteur de Paris.

Le cas de cette jeune femme est-il inédit ?

Non, il existe d’autres exemples de personnes traitées précocement et chez qui l’infection demeure sous contrôle plusieurs années après l’interruption du traitement. C’est le cas notamment de 14 adultes suivis en France par l’Agence nationale de recherches sur le sida   et les hépatites (ANRS) dans le cadre de la « cohorte Visconti ». La moitié d’entre eux ne prend plus de traitement anti-VIH   depuis plus de dix ans.

Aux Etats-Unis, une équipe médicale avait communiqué en 2013 sur le cas de rémission observé depuis plusieurs mois chez une petite fille, infectée par le VIH   dès sa naissance en 2010 et traitée immédiatement par une combinaison de trois antirétroviraux.

Connu comme le « bébé du Mississippi », l’enfant présentait cependant après deux ans de rémission une charge virale détectable, signant le caractère actif de l’infection. En juillet 2014, l’équipe médicale annonçait cette mauvaise nouvelle et la remise sous traitement de l’enfant.

Cette jeune femme peut-elle transmettre le virus ?

Le contrôle de l’infection avec une charge virale indétectable – sans traitement dans son cas ou obtenu sous traitement antirétroviral dans l’immense majorité des cas – réduit considérablement le risque d’infection (diminution de plus de 95 %), mais elle ne le fait pas totalement disparaître.

Une charge virale indétectable ne signifie pas que le VIH   a disparu de l’organisme mais qu’il n’est plus présent de manière significative dans le sang et demeure dans différentes cellules et tissus de l’organisme. La transmission du VIH   est donc très peu probable mais pas impossible.

Qu’est que les médecins étudient chez cette jeune femme ?

Avant toute chose, la surveillance médicale porte sur la charge virale et le taux de lymphocytes T CCD. Ce suivi s’attache à détecter une modification éventuelle de l’évolution avec une reprise de la réplication du virus dans l’organisme (avec une élévation de la charge virale dans le sang) et une destruction des lymphocytes T CCD, cibles du VIH  , dont le taux sanguin diminuerait.

La durée déjà exceptionnelle de rémission chez cette personne infectée dès l’enfance pourrait se prolonger encore. Cela donnerait encore plus de poids à l’approche consistant à traiter très précocement et avec une thérapie intensive, puisqu’il n’a pas été retrouvé chez elles les facteurs génétiques associés à un contrôle spontané de l’infection.

Le traitement prophylactique des bébés nés de mère séropositive par les antirétroviraux est-il systématique ?

La transmission du VIH   de la mère à l’enfant peut se produire au cours du dernier trimestre de la grossesse ou plus fréquemment lors de l’accouchement. Elle est également possible par le biais de l’allaitement maternel. « En l’absence d’intervention, les taux de transmission vont de 15 à 45 %. Des interventions efficaces permettent toutefois de ramener ces taux à des niveaux inférieurs à 5 % », précise l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ). En 2014, l’Onusida   a dénombré 220 000 nouvelles infections par le VIH   chez des enfants dans le monde.

L’Onusida   précise qu’en décembre 2014, 73 % des femmes enceintes vivant avec le VIH   dans le monde recevaient des médicaments pour éviter la transmission du virus aux enfants auxquels elles donnaient naissance, contre 36 % en 2009 – ce type de traitement étant quasi-systématique dans les pays du Nord. L’organisme onusien estime qu’1,4 million d’infections ont été évitées depuis 2000 par les traitements préventifs.


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 21 juillet 2015

 

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