Accueil >>  Orphelins du sida, orphelins et enfants vulnérables (OEV) >>  Par pays

Rwanda : la population prend les orphelins du sida et les veuves sous son aile

Douze ans après le génocide, énormément d’enfants ont encore besoin d’aide.


Kigali, 27 novembre - Compte tenu de la pauvreté et des souffrances perpétuelles dont est victime le Rwanda, 12 ans après le génocide, la population locale n’attend plus l’aide de la communauté internationale pour s’occuper des enfants orphelins.

« J’ai survécu au génocide, mais pas mes parents. Après m’être occupé de mes frères et sœurs, je me suis rendu compte qu’il y avait énormément d’enfants qui avaient besoin d’aide. Moi-même quand j’étais petit, j’ai reçu l’aide de mes amis et voisins », a témoigné Emmanuel Ngabire.

Le jeune Emmanuel a créé, avec Léonce Mpenzi, le Centre pour les orphelins de Rebero. Situé à Gikondo, dans la banlieue de Kigali, la capitale rwandaise, le centre s’occupe de 70 orphelins et de 18 veuves qui ont contracté le virus du sida   après avoir été victimes de violences sexuelles pendant le génocide.

On estime à 270 000 le nombre d’enfants ayant perdu un ou deux de leurs parents à cause du VIH  /SIDA   et à 800 000 le nombre de personnes ayant trouvé la mort pendant le génocide, au cours duquel le viol, utilisé comme arme de guerre, devait intimider la communauté minoritaire tutsie et les Hutus modérés.

Le sida   et les massacres de 1994 ont ainsi fait du Rwanda le pays africain qui compte le plus grand nombre de foyers dirigés par des enfants.

Le centre de Rebero, où des enfants viennent jouer chaque jour après l’école, est en grande partie financé par un groupe de professionnels rwandais, qui verse en moyenne 230 dollars américains par mois.

Grâce à cet argent, le centre peut acheter de la nourriture pour les enfants orphelins et les veuves et payer une partie des soins médicaux des personnes qu’il accueille.

« En avril dernier, lorsque j’ai rencontré pour la première fois ces deux jeunes hommes, j’ai été très surpris car ils connaissaient tous deux des situations très difficiles et malgré tout ils tendaient la main à des personnes qui rencontraient les mêmes difficultés qu’eux », a déclaré Jacqui Sebageni, un des donateurs du centre.

Les ONG et le gouvernement rwandais aident, autant qu’ils le peuvent, les orphelins du sida   qui ont, plus que les autres, besoin de conseils et de soutien.

« Compte tenu de l’histoire de notre pays, la plupart des familles rwandaises qui ont un peu d’argent font vivre quatre ou cinq autres familles », a rappelé Jacqui Sebageni.

Léonce Mpenzi a rencontré la plupart des donateurs du centre lorsqu’il travaillait à l’Hôtel International de Kigali. Après avoir reçu suffisamment de promesses d’aide, il a quitté son travail pour se consacrer à plein temps au centre.

Parmi les orphelins qu’accueille le centre de Rebero, 23 sont porteurs du virus, dont Jean-Pierre (un nom d’emprunt), un petit garçon de six ans, timide et passionné de football. « Ses deux parents sont séropositifs », a expliqué Léonce Mpenzi. « Toute la famille suit une thérapie antirétrovirale (ARV  ), ses parents sont très pauvres et ne pourront payer les frais de scolarité pour qu’il puisse aller à l’école primaire l’année prochaine », a-t-il regretté.

Chaque mois, le centre distribue à la famille de Jean-Pierre, aux orphelins et aux veuves sept kg de haricots et six kg de farine.

Venancia Nyirabuzara, une Rwandaise de 53 ans, reçoit elle aussi l’aide du centre. Elle a perdu son mari et la plupart des membres de sa famille élargie ont été tués pendant le génocide. Elle doit élever seule ses trois enfants.

L’un deux, âgé de 12 ans, a été contaminé au VIH   lors de sévices sexuels que sa mère a subi alors qu’elle était enceinte de trois mois. Tous les deux sont aujourd’hui séropositifs.

« Après le génocide, j’ai voulu mourir. Même lorsque je suis tombée malade et que j’ai développé une infection cutanée, j’ai refusé de suivre un traitement », a confié Venancia Nyirabuzara.

« Je détestais tout le monde et mes enfants souffraient. Nous n’avions que très peu de nourriture et pas d’argent car je ne travaillais pas », a-t-elle expliqué.

Emmanuel Ngabire a rencontré Venancia Nyirabuzara il y a cinq ans et l’a encouragée à se joindre à un groupe de soutien dédié aux femmes dans sa situation. Puis il a commencé à lui apporter chaque semaine des rations de farine et d’haricots, et l’a exhortée à subir un test de dépistage du sida   et à suivre un traitement.

« Il m’a fait rencontrer ces femmes, qui m’ont prouvé que je n’étais pas la seule à avoir ces problèmes. Je pouvais leur parler librement de ma maladie et de mon passé », a souligné Venancia Nyirabuzara.

« Comme je suis maintenant plus active et moins déprimée, mes enfants sont également plus heureux. Je me suis rendu compte que lorsque je souffrais, eux aussi souffraient », a-t-elle dit.

Cela fait cinq mois que Venancia Nyirabuzara a débuté un traitement ARV   et depuis son taux de CD4 - qui évalue la résistance du système immunitaire - est passé de 210 à 320. Malgré ces signes encourageants, elle n’a pas encore eu le courage de révéler à son fils leur séropositivité.

Emmanuel Ngabire et Léone Mpenzi ont entrepris des démarches pour construire une maison pour pouvoir accueillir les enfants séropositifs démunis.

« Dieu m’a protégé pendant le génocide et j’ai fait la promesse d’aider les autres », a affirmé M. Mpenzi. « Notre communauté doit s’occuper de ces orphelins. Si nous prenons soin les uns des autres, plus aucun massacre de ce genre ne pourra se reproduire. »


VOIR EN LIGNE : plusnews
Publié sur OSI Bouaké le lundi 27 novembre 2006

 

DANS LA MEME RUBRIQUE