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Lesotho : Une ligne d’assistance téléphonique dédiée aux enfants apporte aide et espoir


Maseru, 12 octobre 2009 - IRIN - Le conseiller pour les enfants, un bénévole, raccroche, visiblement désemparé : le dernier appel reçu par la ligne d’appel gratuite d’assistance aux enfants du Lesotho venait d’une infirmière se trouvant dans un village isolé du district nord de Butha-Buthe, où elle venait juste d’aider une jeune fille de 16 ans, abandonnée et mentalement handicapée, à accoucher.

« Personne ne sait qui est le père – elle vit seule dans une hutte dont la porte ne peut pas se fermer, alors elle est souvent violée par toutes sortes de gens dans le village », a dit l’infirmière. « Elle est séropositive et elle devrait être sous antirétroviraux, mais personne ne prend soin d’elle ».

Motselisi Shale, qui gère le programme de Save the Children (SC), une organisation non-gouvernementale (ONG) qui héberge la ligne d’appel pour les enfants, a dit : « Cela n’est pas inhabituel au Lesotho ».

Elle a ouvert un gros classeur. « Le cas de cette fille qui vivait avec son père qui abusait d’elle – il ne l’a pas laissé aller à l’école après la mort de sa mère et l’a obligé à s’occuper du bétail. Parfois, quand la fille était dehors, dans les champs, des hommes du village la violaient », lit-elle au hasard dans tous les cas enregistrés.

« Un bébé nouveau-né trouvé dans la rue et emmené au CGPU [Unité de la Police pour la Protection des enfants et du Genre] ; le cas d’une fille handicapée physique et mentale de 16 ans qui a été violée et mise enceinte par son père, qui est âgé de 59 ans », dit-elle, en feuilletant le dossier.

« Un enseignant a signalé le cas d’un enfant qui a été violé par quatre hommes ; le cas d’une fille de 13 ans qui a été vendue par sa mère à une maison close à Gauteng [une province dans l’Afrique du Sud voisine] pour R15 000 [2 000 dollars] », dit-elle.

Des appels similaires se multiplient depuis que le gouvernement du Lesotho, un minuscule pays entouré par l’Afrique du Sud, a ouvert ce service en avril 2008 avec le soutien de l’UNICEF, du fond mondial de lutte contre le SIDA  , la Tuberculose et le Paludisme, différentes organisations non-gouvernementales (ONG) et les services nationaux des télécommunications.

Mme Shale a dit que l’importance du nombre d’appel était stupéfiant, « et en hausse », dans un pays qui ne compte que deux millions d’habitants, et dont ces habitants ont un accès limité aux services de télécommunications. En 2008, la moyenne des appels était de 232 par mois, mais en août 2009 ce chiffre avait été multiplié par six, atteignant 1 339.

Au Lesotho, seules 31 personnes sur 100 ont le téléphone (fixe et portable), et la plupart vive à Maseru, la capitale du pays – bien en dessous de la moyenne mondiale de 77 pour cent, selon l’International Telecommunication Union.

Puis-je vous aider ?

’’La situation du Lesotho a toujours été mauvaise, mais les gens ne le signalaient pas. Au moins, maintenant, ils savent où ils peuvent aller’’ Selon Kananelo Moholi, la coordinatrice de la ligne pour les enfants, la forte hausse des appels ne traduit pas une brusque augmentation des abus sur les enfants. Il est probable que la campagne de sensibilisation du public pour populariser le numéro accessible 24h sur 24 – 8002 2345 – explique qu’un plus grand nombre d’enfants appellent pour demander de l’aide.

Plusieurs facteurs se sont combinés pour augmenter le niveau de frustration chez les adultes dans la société Basotho, et les abus sur les enfants résultent de problèmes plus profonds : des années d’insécurité alimentaire persistante, une prévalence HIV de 23,2 pour cent, un des taux parmi les plus élevés au monde ; des taux désespérément élevés de chômage et un manque d’activités générant des revenus ; la pauvreté dans les villes et à la campagne, avec une migration rurale-urbaine effectuée par des gens désespérés à la recherche d’opportunités.

Les prix des biens de consommation de base sont en forte hausse. L’agriculture, le pilier de la population du Lesotho, largement rurale, s’est littéralement effondrée à cause de l’appauvrissement de la terre et des sécheresses chroniques ; plus récemment, les réductions des dépenses dans le secteur minier dans l’Afrique du Sud voisine, où de nombreux hommes travaillaient en tant qu’ouvrier migrant, et une industrie textile en difficulté – la pierre angulaire de la minuscule base industrielle du Lesotho – ont aggravé une situation qui était déjà difficile.

Les statistiques de l’UNICEF pour le pays sont stupéfiantes : plus de la moitié de la population est dépendante de l’aide alimentaire et l’espérance de vie à la naissance a chuté de 60 ans en 1991 à 35 ans aujourd’hui.

Ce sont les enfants qui portent le plus lourd de ce fardeau. Mme Moholi a dit « que la frustration des adultes » s’est traduite par la cruelle réalité des abus sur les enfants, de la violence, de la négligence et de l’exploitation, avec des milliers d’enfants livrés à eux-mêmes, exclus de services cruciaux comme les hôpitaux et les écoles.

Selon le ministère de la Protection Sociale (DSW), Le Lesotho abrite plus de 180 000 enfants orphelins, dont 55 pour cent ont perdu un ou leurs deux parents d’une maladie liée au VIH  -SIDA  .

Les orphelins sont souvent dépossédés de leur héritage, bannis par leur famille, stigmatisés, sans véritable éducation et ils arrivent généralement à l’âge de travailler avec peu de capacités qu’ils peuvent monnayer ; ils sont également socialement isolés et rejetés, ce qui les laisse extrêmement vulnérables aux abus et à l’exploitation.

Ecoutez, puis résoudre

« L’essentiel de notre travail est de mettre en relation les enfants avec les services adéquats qui sont disponibles ; nous ne faisons pas le travail sur le terrain », a dit Mme Moholi. Alors que tous les appels ne débouchent pas sur l’ouverture d’un dossier – il s’agit parfois de « canulars » ou « d’appels silencieux » - le numéro vert pour les enfants a différentes options pour fournir de l’aide.

Si une assistance immédiate est nécessaire, la police est appelée ; dans les autres cas des conseils sont donnés par téléphone, ou des services comme le CGPU, le ministère de la Protection Sociale, des enseignants et des agences de protection légale ont été contactés et on leur a demandé d’aider les enfants.

L’équipe de la ligne téléphonique pour les enfants suivra ensuite le dossier jusqu’à ce qu’il soit résolu, mais avec une grande partie des fournisseurs de services au Lesotho étant en sous-effectif, en manque de financement et de ressources, le processus peut être ardu.

« Les cas peuvent être très stressants », a dit Mme Moholi. L’équipe s’implique souvent émotionnellement en s’occupant de la détresse d’un enfant. « Nous avons de sessions de débriefing et nous essayons de partager les expériences pour aider à les gérer ».

Pourtant, elle est satisfaite de l’augmentation du nombre d’appels. « Après la publicité à la télévision pour le service, le nombre d’appels a doublé. C’est une chose positive, parce qu’au moins ils savent que s’il y a un problème, il y a quelqu’un pour les écouter ».


Publié sur OSI Bouaké le mardi 13 octobre 2009

 

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