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Sida : des promesses de soins mais pas d’argent


Le Monde | 11.06.11 | Alexandra Geneste | New York Correspondance | "Nous nous réunissons pour mettre fin au sida  ", avait prévenu le Secrétaire général des Nations unies (ONU  ) Ban Ki-moon devant une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement et de ministres des affaires étrangères à l’ouverture, mercredi 8 juin, du sommet de trois jours sur le sida   au siège de l’Organisation à New York. La déclaration finale qui devait être adoptée vendredi, confirme cette ambition mais sans préciser les moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre. C’est sa grande faiblesse.

Les participants au sommet "s’engagent à accélérer les efforts vers l’objectif de l’accès universel au traitement antirétroviral". Dans la réalité, cela consiste pour l’ONU   à mettre sous traitement 15 millions de personnes infectées par le VIH   d’ici 2015 dans les pays en développement. Cet objectif chiffré - qui est repris par la déclaration - "est un atout considérable", considère Michel Kazatchkine, le directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme. "Il va contribuer à mobiliser énergie et ressources".

La France, qui représentait l’Union européenne (UE  ) lors des négociations-marathon ayant mené à l’élaboration de ce texte de 16 pages et d’une centaine de paragraphes - sur lequel 2 300 amendements ont été déposés -, s’est aussi félicitée de ces "engagements chiffrés". Selon l’ambassadeur français auprès de l’ONU  , Gérard Araud, en s’engageant d’ici à 2015 à mettre 15 millions de personnes sous traitement et à éliminer la transmission du virus de la mère à l’enfant, "la communauté internationale montre qu’elle ne relâche pas ses efforts".

Car les négociateurs se sont aussi mis d’accord sur l’élimination d’ici à 2015 de la transmission du sida   mère-enfant et sur une réduction de 50 % de la transmission par voie sexuelle et par voie injectable.

Trente ans après la découverte du virus de l’immunodéficience humaine (VIH  ), l’épidémie contamine encore 7 000 personnes par jour. Selon le Programme de l’ONU   Onusida  , si le nombre de personnes bénéficiant d’une thérapie antirétrovirale a été multiplié par vingt-deux depuis 2001 dans les pays pauvres, 9 millions en sont toujours privées, notamment des enfants.

"Si nous voulons reléguer le sida   aux livres d’histoire, nous devons être audacieux", a insisté le chef de l’ONU  , qui a fait de la réduction de la mortalité maternelle et infantile un combat personnel. Contre ce fléau, le Sud-Coréen a défendu l’objectif "triple zéro" pour "zéro nouvelle infection, zéro discrimination et zéro mort" liée au virus.

Tout en saluant ces nouveaux engagements, les associations de lutte contre la maladie dénoncent l’absence de volet financier. Il manque un "plan d’action précis" en matière de financement Act up. "Nous comptons sur la France pour faire en sorte que ces promesses soient suivies d’actions concrètes", a déclaré Francesca Belli, pour l’association Aides.

Alors que les investissements internationaux pour lutter contre le sida   sont en berne depuis 2008, les pays riches promettent seulement de "travailler à combler" le déficit financier de 6 milliards de dollars (4,15 milliards d’euros) qui empêche de mettre en oeuvre les politiques nécessaires sur le terrain. Selon l’Onusida  , environ 16 milliards de dollars sont consacrés chaque année à la lutte contre l’épidémie quand les besoins réels sont d’au moins 22 milliards.

Briser un tabou

Si le Fonds mondial de lutte contre le sida  , est l’un des premiers à pâtir de cette réalité, Michel Kazatchkine minimise la faiblesse de la déclaration finale sur ce point. "Les diplomates réunis à New York n’étaient pas mandatés pour engager financièrement leur pays ni afficher des intentions financières", insiste le médecin français. Les réticences des principaux donateurs à augmenter leurs contributions, sous couvert des difficultés économiques, émergent alors que des études vantent l’efficacité des traitements antirétroviraux, à même de réduire la transmission du virus de 96 %.

"Cette nouvelle réalité scientifique ne laisse plus le choix aux gouvernements, pour tenir leurs engagements, il va leur falloir montrer la couleur de l’argent", affirme Sharonann Lynch, responsable du département Sida   de Médecins sans frontières à New York. La promesse de cibler les actions de prévention sur les populations vulnérables a eu pour effet d’apaiser l’amertume des organisations non gouvernementales.

Le texte reconnaît la nécessité d’élaborer des politiques de santé destinées aux groupes dits "à risque", à savoir "les hommes qui entretiennent des rapports sexuels avec d’autres hommes, les travailleurs du sexe et les utilisateurs de drogues". Ce point a été l’un des plus durs de la négociation et il a fallu vaincre la réticence notamment de l’Iran. Comme celle du Vatican pour reconnaître l’utilité du préservatif dans la lutte contre la maladie. Pour la première fois en trente ans, l’ONU   a brisé ce qui était jusqu’alors "tabou". Etre audacieux "signifie faire face à des sujets sensibles", avait expliqué Ban Ki-moon au premier jour du sommet.

Encadré : D’importants progrès réalisés en trente ans

  • 34 millions de personnes vivaient avec le virus du sida  , à la fin de l’année 2010, selon les chiffres de l’Onusida  .
  • 56 pays, dont 36 sur le continent africain, sont parvenus à stabiliser l’épidémie. L’Afrique du Sud a réduit de 35 % le taux d’infection, l’Inde de plus de 50 % et la Chine de 64 %.
  • 1,8 million de personnes sont mortes du sida   en 2010. 30 millions de personnes ont péri depuis l’apparition de la maladie en 1981.
  • 6,6 millions de personnes étaient sous traitement dans les pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires fin 2010, soit 22 fois plus qu’en 2001. Mais 9 millions de séropositifs sont encore en attente de traitement.
  • A peine 28 % des enfants reçoivent un traitement antirétroviral, contre 36 % des adultes dans les pays en développement.

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Publié sur OSI Bouaké le samedi 11 juin 2011

 

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