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Le Fonds mondial adopte un nouveau mode de financement


Johannesbourg, 28 septembre 2012 - IRIN - Le Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme a dévoilé les premiers détails concernant son nouveau modèle de financement, qui changera la façon dont les pays sollicitent des fonds. Toutefois, alors que le Fonds mondial s’emploie à parachever ce modèle avant l’année prochaine, la société civile critique le processus qu’elle estime précipité et pas assez transparent.

Le Conseil d’administration du Fonds mondial a adopté les principes directeurs du modèle lors d’une réunion qui s’est tenue à Genève à la mi-septembre. Les détails du modèle sont encore en cours d’élaboration, mais certains éléments clés sont déjà connus, comme l’attribution des financements à des pays regroupés en fonction de la charge de morbidité et de la capacité de payer ou les changements dans le processus de candidature aux subventions, dont les grandes lignes sont déjà prévues.

Selon les décisions prises lors de la réunion, les plans stratégiques et les cadres d’investissement nationaux pour les trois maladies qui feront preuve d’une optimisation des ressources détermineront de plus en plus l’allocation des financements.

Le Comité de la stratégie, des investissements et de l’impact du Fonds mondial s’empresse de mettre au point les derniers détails du modèle pour les présenter au Secrétariat du Fonds avant le 15 octobre. Selon les membres du Conseil d’administration y siégeant, la direction du Comité prendra part à de multiples consultations, en personne ou à distance, pour connaître les réactions des parties prenantes, et ce, jusqu’au 10 octobre.

Le Conseil d’administration du Fonds mondial devrait prendre une décision finale concernant le modèle lors de sa réunion de novembre.

Affectation des financements

La création de ce nouveau modèle a été décidée après l’examen du système de contrôle de dépense des subventions du Fonds mondial par un groupe d’experts de haut niveau. Cet examen faisait suite à des allégations de fraude par des bénéficiaires des subventions dans des pays comme le Mali, la Mauritanie et la Zambie.

Entre autres changements, le nouveau modèle regroupera les pays par « catégorie » en fonction de la charge de morbidité et du niveau de revenu établi selon les données de la Banque mondiale.

Le Fonds mondial lutte contre trois maladies, mais il prévoit de regrouper les bénéficiaires par catégories de pays plutôt que par maladie. Le nombre et la composition des groupes n’ont pas encore été déterminés.

Selon Andrew Hurst, responsable des relations médias du Fonds mondial, le Fonds a décidé, en l’absence de consensus concernant la façon de mesurer la charge de morbidité s’appliquant aux trois maladies, qu’il baserait l’allocation des financements pour chaque maladie sur les chiffres utilisés auparavant, pour une période maximale d’un an, jusqu’à ce qu’une nouvelle méthode de répartition des fonds soit mise au point.

Cette décision a soulevé des protestations de la part de certains groupes, notamment ceux qui luttent contre la tuberculose, une maladie à laquelle le Fonds affectait traditionnellement 16 pour cent de ses ressources. À l’approche de la réunion du Fonds mondial en septembre, les porte-parole de ces groupes ont fait pression pour que cette proportion soit augmentée. Ainsi, le Partenariat Halte à la tuberculose a avancé que si la part des fonds alloués à cette maladie était déterminée par sa mortalité, les programmes de lutte contre la tuberculose recevraient environ 34 pour cent de la somme totale des financements du Fonds mondial.

« Concrètement, ces faibles niveaux de financement risquent de creuser encore davantage le déficit de financement mondial de la lutte contre la tuberculose, qui s’élève déjà à plus de deux milliards de dollars, et pourrait mettre fin à l’augmentation des diagnostics et des traitements de la tuberculose, voire inverser la tendance », a déploré le Partenariat Halte à la tuberculose dans un communiqué publié peu avant la réunion du Fonds mondial en septembre.

Depuis, le groupe a publié un nouveau communiqué dans lequel il exprime le souhait qu’une meilleure méthode d’attribution des financements soit adoptée à l’avenir.

« Nous ne pouvons pas nous réjouir de la décision de fixer, au départ, les niveaux de financement pour chaque maladie en fonction des attributions antérieures, mais il est important de remarquer qu’il s’agit d’une mesure temporaire qui ne devrait durer qu’un an et que le niveau d’attribution des subventions pour la tuberculose n’est pas gravé dans le marbre », ont dit dans une déclaration commune Lucica Ditiu, Secrétaire exécutive du Partenariat, et Mario Raviglione, directeur du Département Halte à la tuberculose de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS  ). « Nous comprenons également que cette mesure a été proposée afin de pouvoir engager une discussion sur un modèle qui permettra au Fonds mondial d’allouer ses subventions de manière plus stratégique. »

Un système de subventions plus flexible

Le nouveau modèle poursuit également l’abandon du système de séries, selon lequel les appels à candidature étaient publiés de manière périodique, et l’adoption d’une approche qui conditionne davantage l’attribution des subventions au niveau de préparation des bénéficiaires.

Dans le cadre de cette nouvelle approche, le Fonds mondial autorisera les pays à présenter leur candidature tout au long de l’année en fonction de leur calendrier budgétaire national. Les notes conceptuelles auront par ailleurs une importance croissante, ce dont se réjouissent de nombreuses organisations de la société civile comme l’Alliance du SIDA   et des droits pour l’Afrique australe (AIDS and Rights Alliance of Southern Africa, ARASA).

« L’un des éléments fondamentaux du nouveau modèle pour les candidats sera la présentation d’une note conceptuelle. Plus succinct que les candidatures employées par le passé, ce document permettra d’obtenir très tôt dans la procédure un avis du [Comité technique d’examen du] Fonds mondial, d’autres donateurs et d’experts techniques quant aux éventuels ajustements que pourrait nécessiter la note conceptuelle », a expliqué le Fonds mondial dans un communiqué. « Cette démarche devrait diminuer les temps d’attente et améliorer les taux de réussite généraux des candidatures. »

Le Fonds mondial n’ayant pas toujours des ressources à sa disposition, le Comité mettra en attente les propositions qui, même si elles sont solides, ne peuvent être financées immédiatement. Ces propositions seront à nouveau examinées lorsque de nouvelles ressources seront disponibles, mais leur degré de priorité reste à clarifier.

La société civile demande au Fonds mondial d’« appuyer sur pause »

Alors que le Fonds mondial peaufine les détails de son nouveau modèle, de nombreuses organisations de la société civile africaines ont fait part de leur mécontentement concernant la rapidité et le manque de transparence du processus.

Fin août, l’ARASA et World AIDS Campaign, une organisation basée en Afrique du Sud, ont lancé la campagne « Appuyez sur pause ». Soutenue par près de 40 organisations non gouvernementales (ONG) africaines, la campagne exhortait le Fonds mondial à mettre au point un processus de communication et de consultation plus solide et ouvert autour de l’élaboration du nouveau modèle.

Selon Lynette Mabote, responsable de la défense des droits de l’ARASA, la majorité de la société civile africaine ignore complètement qu’un nouveau modèle est en cours d’élaboration et les conséquences que cela aura pour eux en tant que maîtres d’œuvre.

« Ils n’ont aucune idée de ce que c’est et de ce que cela représente », a dit Rukia Cornelius, directrice de programme pour World AIDS Campaign. « Les principaux bénéficiaires [de subventions] du Fonds mondial ont des palpitations, car l’ancien mode d’attribution des subventions était déjà très contraignant et technique. »

World AIDS Campaign et l’ARASA ont rapidement consulté près de 60 ONG présentes en Afrique et ont découvert qu’en raison de l’absence de communication de la part du Fonds mondial, elles ignoraient presque toutes qu’un nouveau modèle était en cours de réalisation.

« En deux semaines, nous avons consulté 56 organisations – et ceci sans aucune ressource », a dit Mme Cornelius à IRIN/PlusNews. « Il est inconcevable qu’un système de financement international comme le Fonds mondial, qui dispose de ressources, soit incapable d’effectuer un travail de qualité en matière de consultation. »

Mme Mabote est du même avis. « Les discussions ont eu lieu en huis clos et la société civile n’a pas été mise dans le secret », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews. « Le Fonds mondial doit nous expliquer comment nous en sommes arrivés là, fournir une chronologie des événements et expliquer les étapes qui ont mené à l’adoption de ce modèle. »


VOIR EN LIGNE : IRIN
Publié sur OSI Bouaké le vendredi 28 septembre 2012

 

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