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Des militants africains racontent leur combat pour l’amélioration de la santé maternelle


Amnesty International - 20 septembre 2010 - Les derniers chiffres publiés par les Nations unies le 15 septembre révèlent que les dirigeants du monde ont bien du mal à tenir la promesse qu’ils ont faite de réduire la mortalité maternelle de 75 % d’ici 2015. Pour les militants sierra-léonais, la lenteur des progrès est loin d’être une surprise.

« Beaucoup de gens ne comprennent pas que la santé maternelle est une question qui relève des droits humains et il y a tant d’autres facteurs qui contribuent à ces décès. La discrimination, l’absence de centres de soins, les violences domestiques et la pauvreté… Si l’on ne s’intéresse pas à ces problèmes de fond, le travail accompli s’en trouvera compromis », explique Victor L. Koroma, militant installé dans la capitale Freetown.

La petite association que dirige Victor Koroma, la Campagne pour la promotion de la santé et des droits humains, milite en faveur de l’abolition des frais médicaux en Sierra Leone. En avril 2010, le gouvernement a pris une mesure phare en instaurant la gratuité des soins pour les femmes enceintes et celles qui allaitent.

Toutefois, Victor Koroma a tenu à faire savoir aux dirigeants du monde qui se réunissent à New York du 20 au 22 septembre pour débattre de l’état d’avancement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD  ) que beaucoup reste à faire.

« Nous ne devons pas nous contenter d’offrir des soins gratuits, parce que c’est loin d’être le seul problème. Nombre de sages-femmes ne sont pas correctement formées et l’on manque cruellement de médicaments et de transfusions sanguines. L’alimentation n’est absolument pas prise en compte. Les médicaments sont distribués de manière inégale, sur fond de discrimination – fondée sur la tribu, le genre, le statut social ou l’affiliation politique.

« Les dirigeants mondiaux, les donateurs, l’ONU   et la Banque mondiale doivent tous unir leurs efforts si l’on veut sauver un pays comme la Sierra Leone des ravages de la mort quotidienne de femmes enceintes. »

Les chiffres de l’ONU   révèlent que la mortalité maternelle a baissé en moyenne chaque année de 2,3 % depuis 1990, baisse bien inférieure aux 5,5 % requis pour atteindre l’objectif en 2015. Certes, une femme ne meurt plus toutes les minutes ; mais les nouvelles statistiques montrent qu’une femme meurt toujours toutes les minutes et demie.

La discrimination marquée et le statut social dévalorisé des femmes contribuent également au taux élevé de mortalité maternelle en Sierra Leone, où les besoins des femmes en termes de santé ne sont pas une priorité pour leurs propres familles et les membres influents de leurs communautés.

Victor Koroma dépeint un tableau qui fait frémir de l’ampleur de la crise en matière de santé maternelle à laquelle doivent faire face les décideurs dans le cadre des OMD  .

« Les violences sexuelles et liées au genre sont endémiques. Des femmes et même des fillettes âgées de seulement cinq ans sont victimes de viols. Beaucoup contractent alors le VIH  . Pourtant, le gouvernement ne fait rien. En 2009, deux personnes seulement ont été condamnées pour des violences contre des femmes, alors qu’il y a probablement des milliers de cas », a-t-il déploré.

La majorité des cas de décès liés à la maternité en Sierra Leone sont constatés dans les zones rurales éloignées des hôpitaux. La plupart des femmes meurent chez elles. Certaines décèdent en se rendant à l’hôpital, en taxi, en motocyclette ou à pied.

« Les femmes parcourent des kilomètres à pied pour bénéficier des programmes de soins médicaux gratuits et parfois elles arrivent trop tard. Nous avons besoin d’un programme de proximité qui permette un meilleur accès aux services de santé, assure Edward Badasenjoh, qui travaille à l’hôpital universitaire de la ville de Njala.

« Dans mon secteur, les gens souffrent vraiment. Les soins gratuits ont été mis en place, mais chacun doit pouvoir en bénéficier dans la pratique. Nombre de femmes dans les zones rurales sont également victimes de violences au sein de la famille. »

Au Burkina Faso voisin, les militants sont confrontés à des défis analogues. Dans un pays où seulement 10 % de la population utilise des moyens de contraception modernes, le gouvernement lui-même a admis qu’il était « peu probable » qu’il parvienne à atteindre la cible des OMD  .

« Au rythme actuel, l’OMD   de 100 % d’accouchements assistés par du personnel médical qualifié ne sera atteint qu’en 2045, constate Juliette Compaoré, fondatrice d’ASMADE, qui fait campagne pour mieux sensibiliser les jeunes sur les questions liées à la sexualité.

« La réalisation des objectifs visant à améliorer la santé maternelle dépend des décisions que prendront les dirigeants du monde lors de ce sommet. Leurs décisions influencent nos stratégies nationales pour la mise en œuvre des politiques de santé maternelle. Aussi les dirigeants réunis à New York doivent-ils promouvoir des politiques nationales ambitieuses. »

D’après les chiffres du gouvernement, chaque année, au Burkina Faso, plus de 2 000 femmes meurent des suites de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement.

Avec l’aide des donateurs, le gouvernement burkinabè a élaboré des stratégies ambitieuses qui ont fait baisser le taux de mortalité maternelle dans certaines régions du pays. Cependant, ces stratégies sont affaiblies par l’absence d’obligation de rendre des comptes, qui permet au personnel de santé de ne pas être inquiété en cas de pratiques abusives telles que les demandes illégales de paiement.

« Donner la vie est tout simplement naturel, logique et justifié. Permettre aux femmes d’accoucher en toute sécurité est le devoir moral et politique des dirigeants de la planète. Il est temps de passer à la vitesse supérieure », affirme Juliette Compaoré.

Le travail relatif aux OMD   s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International Exigeons la dignité, qui vise à mettre fin aux atteintes aux droits humains qui font sombrer les gens dans la pauvreté et les y maintiennent. Cette campagne encourage les gens dans le monde entier à exiger que les gouvernements, les grandes entreprises et les autres détenteurs du pouvoir écoutent la voix de ceux qui vivent dans la pauvreté, et reconnaissent leurs droits pour mieux les protéger. Pour en savoir plus, rendez-vous sur les pages de ce site consacrées à la campagne Exigeons la dignité.


VOIR EN LIGNE : Amnesty International
Publié sur OSI Bouaké le vendredi 24 septembre 2010

 

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