Accueil >>  VIH/Sida >>  Accès aux ARV et aux soins >>  Par pays >>  Brésil

Est-ce que l’histoire se repète ?

intervention de Gabriela Costa Chaves sur Emed


Mots-Clés / Histoire

Le Programme National de MST/SIDA   brésilien, qui est un point de réference pour d’autres pays en developpement, affronte en ce moment un problème de pérénisation à cause de l’augmentation progressive des dépenses dues aux médicaments antiretroviraux (ARVs). 3 des 17 médicaments fournis par le Programme " efavirenz, lopinavir/ritonavir et tenofovir " sont responsables du 80% des dépenses du Ministère de Santé en ARVs. Et cela, parce que ces médicaments sont brevetés et les compagnies multinationales " Abbot, Gilead Science Incorporation et Merck " imposent les prix qu’ils croient convenables. C’est pour cela que le gouvernement brésilien considère la nécessite d’émettre une license obligatoire, c’est à dire, de < rompre les brevets> de ces medicaments pour leur production locale.

Des groupes de négociateurs de l’industrie pharmaceutique des Etats-Unis sont préoccupes par le fait que le Brésil puisse < rompre> ces brevets et, pour cette raison, font pression sur les Bureaux de Commerce (USTR) pour prendre des représailles, en disant que le Brésil est le champion de la piraterie et veut développer une industrie de médicaments génériques. Ils annoncent que le Brésil sera enlevé de leur Systeme Général de Préféerences " système qui permet au Brésil d’exporter plusieurs produits vers le marché ameéicain sans payer des impots douaniers " et qu’ils imposeront des sanctions commerciales aux produits brésiliens. Cependant, il est nécessaire d’éclaircir plusieurs points.

Le premier est que le Brésil n’agit pas contre les règles nationales et, moins encore, contre les règles internationales. Au niveau national, la Loi sur la Propriété Industrielle Nº 9.279/96, dans ses articles 68 à 74, détermine la possibilité d’émission d’une license obligatoire en vue des causes suivantes : la non utilisation du brevet, l’interet public, des circonstances d’émergence nationale, la réparation de pratiques non compétitives et dans le cas ou il existerait des patentes dependantes.

A niveau international, la license obligatoire est prévue aussi par l’article 31 de l Accord TRIPS (Accord sur les Aspects de Propriete Intelectuelle Relatifs au Commerce) de l’Organisation Mondiale de Commerce (OMC) et réaffirmée dans la Déclaration Ministérielle de l’OMC sur le TRIPS et la Santé Publique " connue comme Déclaration de Doha.

C’est ainsi que, dans le contexte actuel, le Bresil est appuyé par des traités et des organismes supranationaux pour deéendre ses intérets en santé publique " garantir le droit à la santé et, par consequent, le droit à l’accès aux medicaments pour sa population, selon ce qui est défini par l’article 196 de la Constitution Federale de 1988.

Il faut noter que les Etats-Unis et le Canada ont déjà utilisé la license obligatoire pour le secteur pharmaceutique. Les Etats-Unis, par exemple, ont émis des licenses obligatoires depuis plusieures décades comme manière de réduire les prix des medicaments. Dans les années 60 et 70 son armée a produit et utilisé la tétracicline et le méprobamate sans l’autorisation des propriétaires de leurs brevets. En 2001, face à la menace du bioterrorisme, les Etats-Unis ont pensé à emettre une license obligatoire pour le médicament cipro (ciprofloxacine). Dans le cas du Canada, entre 1969 et 1983, il a accordé une moyenne annuelle de 20 licenses obligatoires de médicaments. Cette pratique fut un important facteur pour le développement d’une industrie nationale de médicaments génériques.

Le second fait est que la menace de représailles par les Etats-Unis contre le Brésil n’est pas une nouveauté. L’histoire se répète. Pendant les annees 80, les Etats-Unis commencèrent à appliquer la sanction 301 de leur Loi de Commerce (Trade Act) qui prévoit la possibilité de représailles contre les pays qui adoptent des pratiques commerciales contraires aux droits légaux internationaux des Etats-Unis. Le Brésil fut, en ce moment, l’une de leurs cibles, parce qu’il ne reconnut pas les brevets pour le secteur pharmaceutique. C’est ainsi que, en 1988, les Etats-Unis ont appliqué une taxe de 100% ad valorem sur certains produits tels que papiers, produits chimiques et électroniques. Selon l’industrie du papier, la plus frappée, les pertes furent de US$250 millions (Tachmardi, 1993).

Même avec le soutien international, de la Convention de l’Union de Paris de 1863, à la non reconnaissance des brevet du secteur pharmaceutique, en 1991, le président Fernando Collor envoya un projet de loi au Congrès National pour réformer la législation de la propriété industrielle qui renfermait la protection des brevets du secteur pharmaceutique.

Avec l’approbation de l’Accord TRIPS, en janvier 1995, tous les pays membres de l’OMC durent incorporer dans leurs législations nationales des formes de protection de la propriété intelectuelle, y comprise la protection des produits et procédures pharmaceutiques. Selon l article 65 de cet Accord, les pays en développement qui ne reconnaissaient pas les brevets pour ce secteur disposaient d’une periode de transition jusqu à 2005 pour le faire. Cependant, en vue de son histoire, la nouvelle législation sur la propriété industrielle brésilienne fut publiée en 1996 et la reconnaissance des brevets pharmaceutiques entra en vigueur en 1997. Il faut signaler que l’Inde a utilisé toute cette période de transition et, avec le soutien de sa politique industrielle, a produit plusieurs médicaments génériques moins chers que ceux vendus par les compagnies multinationales, ce qui a rendu possible l’acces aux medicaments pour les malades de SIDA   de plusieurs pays en développement.

En conclusion, je considère que l’histoire se répète mais le contexte est différent. Nous avons un organisme supranational " l Organisation Mondiale de Commerce " qui peut être mise en action pour que les Etats-Unis ne lancent pas des menaces de représailles contre d’autres secteurs de l’économie, au moment où le Brésil essaye de respecter les règles internationales du commerce et, en même temps, garantir l’accès de sa population aux médicaments qui sauvent des vies.

Il est regrettable que d’autres secteurs de l’industrie nationale puissent être punis parce que le pays veut garantir un droit fondamental, le droit à la sante. Il est regrettable que la recherche de l’accès aux medicaments puisse menacer la possibilité de developpement économique du pays.

Rio de Janeiro, 16 mai 2005.

Gabriela Costa Chaves Pharmaceutique, Assistante de Recherches du Noyau d Assistance Pharmaceutique , Centre Collaborateur de l OPS/OMS   en Politiques Pharmaceutiques de l Ecole Nationale de Sante Publique Sergio Arouca, Fondation Oswaldo Cruz


Publié sur OSI Bouaké le mardi 31 mai 2005

 

DANS LA MEME RUBRIQUE