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Ces blouses blanches qui s’occupent de bébés abandonnés


Rue89, Audrey Cerdan, Sylvain Malcorps, De Rocourt, Belgique, 12/01/2009 - 12:24

Abandonner son enfant à la naissance, le confier à l’adoption. Dans de nombreux cas, c’est au sein des services hospitaliers que ces futures mères viennent trouver refuge. Comment le personnel de l’hôpital gère-t-il moralement de telles situations ? Reportage dans l’une des plus grandes maternités de Belgique : l’hôpital St-Vincent de Rocourt.

Après plus de vingt années au service social de l’hôpital St-Vincent de Rocourt, Marie Daenen connaît bien la question :

« Même si les cas d’abandon sont rares [un ou deux par an pour l’hôpital St-Vincent, ndlr], on tente toujours de déceler la véritable raison qui pousse ces futures mères à s’orienter vers une telle décision, car il s’agit parfois d’un problème financier ou autre que nous pouvons aider à résoudre.

Le tout pour moi est de rester à ma place, de rester dans la neutralité, et je dois dire que je n’ai jamais de difficultés à y rester. Nous sommes formés pour ça. »

La formation du personnel encadrant serait un facteur déterminant dans la gestion personnelle de ces cas délicats d’abandon d’enfants. De manière infaillible ? L’assistante sociale précise :

« Je travaille exclusivement autour de la maman, mes collègues infirmières sont plus autour du bébé confié à l’adoption, un peu comme des mères de substitution. C’est vrai qu’il est plus aisé de rester dans un espace de travail neutre quand on est en contact avec la mère et non en contact avec le bébé. »

La formation ne suffirait donc pas. Selon Marie Daenen, la confrontation avec le nouveau-né pousserait plus facilement ces femmes, ultra majoritaires dans le milieu professionnel infirmier, à déroger quelque peu à la sacro-sainte distance avec le patient. Aussi jeune soit-il.

Vie privée, vie clinique

Derrière les portes du service des grossesses à hauts risques de l’hôpital, Sophie a du mal à parler de son vécu avec ces mères et ces enfants au destin particulier.

« Je ne sais pas si je peux vous parler de mon expérience moi… Parce que, vous savez, il y a des choses que monsieur tout-le-monde ne peut pas comprendre. Par exemple, que je puisse aimer mon travail alors qu’il arrive que je sois confrontée à quatre bébés morts en une semaine. »

Vous savez, je ne suis pas là pour juger ces mères, je fais mon travail, point barre. Mais c’est vrai qu’au début, je ne prenais pas assez de distance et j’ai vite compris que dans ce métier, il faut faire abstraction de son opinion pour survivre. »

A la différence des assistantes sociales, il semble que la formation que reçoivent les infirmières pendant leurs études ne soit pas suffisante pour leur permettre de rester au mieux dans un espace neutre face au patient. Seule l’expérience de terrain donnerait à ces femmes les outils nécessaires à la construction d’une distance professionnelle entre elles et le nouveau-né.

Un métier à sensations fortes

« Je ne suis pas un robot. C’est difficile de ne pas juger une mère lorsque l’on procède à l’accouchement, surtout quand on est soi-même maman. Ce sont aussi parfois des accouchements très difficiles émotionnellement pour moi.

Je me souviens de ce cas, il y a une dizaine d’années, où la maman voulait être endormie durant l’accouchement pour ne pas en garder de souvenirs. Quand la tête du bébé est apparue, une autre infirmière et moi avons dû appuyer sur le ventre de la mère pour l’en faire sortir le plus rapidement possible. »

A moitié cachée derrière une armoire à pharmacie, Myriam, infirmière au quartier d’accouchement depuis près de dix-huit ans, parle avec lucidité de son métier et des émotions qu’ont provoquées en elle certains actes d’abandon marquants.

« Mais ce qui caractérise pour moi toutes ces femmes, c’est leur courage et non leur lâcheté. Un lien s’est créé entre elles et l’enfant durant neuf mois et elles vont devoir vivre avec ce manque durant tout le reste de leur vie. »

Un cocon pour poupons

Placés au centre néo-natal après leur naissance, ces nouveau-nés confiés à l’adoption sont pris en charge par une infirmière de référence qui va les cajoler et réaliser un album photos rempli de commentaires qui sera emporté avec le bébé vers la pouponnière ou vers la famille d’accueil.

Une fois de plus, les infirmières de ce service ne cachent pas leur attachement pour ces bébés abandonnés. C’est le cas de Dorothée, rencontrée au 5e étage du grand bâtiment.

« Quand on a tenu un de ces bébés dans ses bras des heures durant, qu’on l’a promené dans les couloirs, qu’on l’a nourri, c’est dur de le voir partir, mais c’est comme ça. »

Sylvie, sa collègue depuis 7 ans, ajoute :

« Il est même déjà arrivé qu’une collègue entame une procédure d’adoption pour un de ces bébés dont on s’était occupé. Nous l’avions en tout cas énormément encouragée. »

Humains et généreux, ces hommes et ces femmes s’investissent de corps et d’esprits auprès de ces bébés délaissés. Exténués par leur travail et confrontés à des cas où la morale personnelle est parfois mise à rude épreuve, ces professionnels de la santé peuvent vaciller.

Ce qui leur manque ? Un lieu de parole qui puisse servir d’exutoire. A défaut, c’est encore auprès de leurs collègues qu’ils recherchent une oreille compréhensive.

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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 2 décembre 2009

 

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