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Sénégal : Associations et hôpitaux s’allient pour une meilleure prise en charge du VIH

mise en place d’un accompagnement psychosocial indispensable à l’observance des traitements


DAKAR, 20 mars 2006 (PLUSNEWS) - Parce que ni les hôpitaux, ni les ONG ne peuvent, chacun de leur côté, assurer tous les aspects de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH  , un consortium réunissant des représentants de ces structures vient de voir le jour au Sénégal.

Quatre hôpitaux et 19 associations à Dakar, la capitale, et à Saint-Louis, au nord du pays, participent à ce projet pionnier de « partenariat hospitalo-associatif », créé à l’initiative du groupement d’intérêt public français GIP-Esther (Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau), dans le but « d’améliorer le continuum des soins » des patients infectés au VIH  .

« Lorsque l’on parle de prise en charge d’une personne vivant avec le VIH  , beaucoup de choses se jouent en dehors de l’aspect médical », telles que le soutien psychosocial, financier ou encore nutritionnel, a expliqué à PlusNews Demba Diack, conseiller en développement local et communautaire du GIP-Esther, lors d’un atelier de concertation des partenaires du consortium organisé du 15 au 17 mars à Dakar.

Selon des responsables hospitaliers, la plupart des hôpitaux disposent de travailleurs sociaux, mais le manque de temps et de moyens ne leur permet généralement pas de répondre aux besoins des patients.

« Le personnel hospitalier n’a pas forcément le temps, la disponibilité ou même le tact pour s’occuper des personnes vivant avec le VIH   », a constaté Paul Sagna, secrétaire exécutif de l’ONG sénégalaise Sida   Service, membre du consortium et chargé de la gestion des fonds de ce projet.

Or, selon M. Diack, une étude menée par l’Agence française de recherche sur le sida   (ANRS) à Dakar a montré que lorsque les patients sous traitement antirétroviral (ARV  ) recevaient un « paquet complet de soins », notamment un accompagnement psychosocial, le taux d’observance du traitement tournait autour de 95 pour cent.

A l’inverse, lorsque la prise en charge est incomplète, 15 à 20 pour cent des patients sous ARV   sont « perdus de vue », c’est-à-dire qu’ils abandonnent un traitement qui doit en principe se prendre à vie.

D’où la nécessité d’établir des passerelles, pour répartir la charge de travail entre les hôpitaux et les associations, ces dernières étant plus à même de connaître le patient, son environnement, ses difficultés et ses attentes : c’est l’objectif de ce consortium financé par le GIP-Esther à hauteur de 350 000 euros (425 000 dollars) par an, renouvelable pendant trois ans.

Ce partenariat peut « permettre par exemple de désengorger les hôpitaux, qui pourront continuer à assurer leur mission [de prise en charge médicale] », a expliqué M. Sagna, tandis que les associations peuvent assurer les visites à domicile et le soutien (notamment psychosocial) aux personnes vivant avec le VIH   après leur départ de l’hôpital.

De même, les associations ont aussi leurs limites et « ne doivent pas jouer à l’apprenti sorcier en matière de soins, elles doivent donc pouvoir référer leurs clients à l’hôpital », a ajouté M. Diack.

Utiliser la complémentarité au profit des patients

Le consortium prévoit donc de soutenir des programmes sur l’accompagnement psychosocial, l’appui nutritionnel ou encore le soutien aux orphelins et enfants vulnérables — via la création d’un fonds thérapeutique pour éviter les fréquentes ruptures d’ARV   pédiatriques, selon les participants.

L’ambition du projet est aussi de développer des activités génératrices de revenus, des programmes de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant ou de prise en charge financière des clients des ONG et des patients hospitalisés.

Et parce qu’il est composé d’associations qui travaillent avec des groupes variés, tels que les enfants, les femmes, les professionnelles du sexe, ou encore les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, le consortium a aussi un rôle de plaidoyer et de médiation auprès des institutions sanitaires, a expliqué Cheikh Doudou Mbaye, coordinateur des activités de l’ONG sénégalaise Enda-Santé et facilitateur de l’atelier.

M. Sagna a ainsi regretté que la stigmatisation liée au VIH   est encore trop souvent présente dans les hôpitaux : « Une personne vivant avec le VIH   aura forcément besoin de soins un jour ou l’autre, et ce n’est pas normal qu’elle souffre de stigmatisation en milieu hospitalier où l’on attend du personnel qu’il ait un comportement différent ».

L’intervention du monde associatif en milieu hospitalier n’est pas nouvelle, de nombreuses ONG y travaillent déjà, mais de manière individuelle et informelle. Selon les membres du consortium, l’officialisation d’un tel partenariat va faciliter la tâche de ces intervenants.

« Les ONG sont souvent freinées dans leur travail par la méfiance [qu’elles inspirent aux] assistants sociaux des hôpitaux, qui voient souvent en elles une concurrence », a expliqué un membre d’une association de personnes vivant avec le VIH   à Saint-Louis, qui a préféré garder l’anonymat.

Le partenariat va donc permettre de « faire comprendre [à ces travailleurs sociaux] que le travail des ONG est complémentaire du leur ; par exemple, les patients ont souvent besoin de pouvoir se confier à un pair », a ajouté cet homme qui vit avec le VIH   et intervient en milieu hospitalier depuis plusieurs années.

Cela permettra aussi de « sensibiliser le personnel hospitalier sur les difficultés que rencontrent les patients, lui faire comprendre la nécessité de garantir la confidentialité, de rassurer et de soutenir le malade ».

Au Sénégal, le projet est pour l’instant limité à Dakar et Saint-Louis mais il a une vocation nationale et est à l’étude dans d’autres pays, a expliqué le GIP-Esther, qui plaide pour une meilleure articulation entre les services publics et les milieux associatifs.

« La société civile et les structures publiques sont comme deux jambes d’une même personne », a dit M. Diack. « Il y a un apprentissage mutuel à faire mais il faut pouvoir utiliser les deux ».


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 20 mars 2006

 

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