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Rwanda : les survivants séropositifs du génocide continuent à souffrir

Les personnes âgées sont souvent obligées de s’occuper des enfants devenus orphelins


6 juillet A l’occasion de la douzième journée de la Libération, qui célèbre la fin du génocide, le Rwanda a rappelé mardi que les atrocités perpétrées en 1994 ne devaient plus se reproduire. Mais des milliers de femmes, violées au cours de ces cent jours de terreur, en portent toujours les séquelles.

« Il y a deux ans, après être tombée plusieurs fois malade, je suis allée faire un test de dépistage, et j’ai appris que j’étais séropositive », a témoigné Marie-Thérèse Mutoni (un nom d’emprunt), une femme veuve qui vit à Kigali, la capitale rwandaise.

« A cause de ce fardeau, je ne peux pas oublier l’époque où les Interahamwe [la milice du groupe ethnique majoritaire hutu] faisaient le tour de nos villages pour nous violer et tuer nos familles. »

Au total, près d’un million de personnes ont été massacrées lors du génocide. Et le viol a été massivement utilisé afin d’intimider les membres de la minorité tutsi et les Hutus modérés.

Selon les témoignages des survivants, les contaminations par le VIH   ont souvent eu lieu de façon délibérée et ont touché autant les hommes que les femmes : des hommes ont ainsi été forcés à avoir des rapports sexuels avec des femmes séropositives.

« Les violeurs disaient aux femmes qu’ils voulaient les voir mourir d’une mort lente, pour que les massacres puissent continuer bien après la fin du génocide », a expliqué Peter Turyahikayo, du Réseau des femmes rwandaises (RWN en anglais), qui aide les femmes victimes de sévices sexuels et d’actes de violence depuis 1997.

« Les victimes du VIH  /SIDA   sont nombreuses », a-t-il affirmé. « Le Rwanda compte des milliers d’enfants orphelins du sida  , qui doivent être pris en charge par le reste de la famille. C’est un pays très pauvre et les Rwandais n’ont pas de terre à cultiver, ils n’ont pas les moyens de s’occuper de tous ces enfants. »

Le RWN a participé à la construction et à la reconstruction de 110 maisons sur l’ensemble du territoire afin d’aider les familles victimes du génocide. Il a également construit une vingtaine de maisons dans un ‘village de l’espoir’ à Kagugu, en périphérie de Kigali.

Les programmes mis en place par le RWN aident les personnes séropositives et les veuves à s’occuper des enfants devenus orphelins des suites du VIH  /SIDA   ou du génocide.

Certaines femmes sont les épouses d’hommes incarcérés, accusés d’avoir participé au génocide. Malgré leurs différences, elles tentent de bâtir un avenir meilleur pour leurs enfants, dans un pays uni.

« Tout survivant a été blessée d’une manière ou d’une autre. Le génocide a touché à la fois les victimes et les auteurs des crimes, parce que les familles sont sans aucune ressource », a déclaré Marie-Thérè Mutoni. « Le Réseau des femmes rwandaises nous aide à partager nos angoisses et les blessures du passé. »

Les personnes âgées sont souvent obligées de s’occuper de ces enfants orphelins et parviennent à joindre les deux bouts uniquement grâce aux dons du gouvernement et des organisations humanitaires.

« Je dois m’occuper de mes cinq petits-enfants, mon fils et ma fille sont morts tous les deux du sida   », a confié Rose Nsabimana (un nom d’emprunt), une femme veuve et âgée qui vit à Kagugu. « Nous avons de la chance, nous avons trouvé un abri, mais je ne sais pas comment je vais réussir à faire les scolariser. »

Le Rwanda est un petit pays surpeuplé, qui abrite huit millions d’habitants. Les terres arables et les activités génératrices de revenus y sont rares.

« Notre plus grand problème, c’est que nous n’avons rien à faire qui puisse nous aider à gagner assez d’argent afin d’envoyer les enfants à l’école, de les nourrir et de les vêtir », a ajouté Rose Nsabimana.

Le RWN et d’autres organisations apprennent aux survivants du génocide à confectionner des vêtements, des bijoux en perles, à travailler le bois afin de les aider à gagner mieux leur vie, mais le marché est petit et le RWN n’a pas de boutique en ville : les robes et les colliers prennent la poussière en attendant qu’un éventuel visiteur se déplace jusqu’au village les acheter.

Des problèmes de taille

Survivors Fund (Surf), basé au Royaume-Uni et Avega Agahozo, l’association des veuves du génocide, se battent, eux, pour défendre les droits des femmes séropositives du Rwanda, mais le problème est de taille.

Surf mène un programme sur cinq ans, avec l’aide du Département pour le développement international de la coopération britannique (DFID), dont l’objectif est de fournir des traitements antirétroviraux (ARV  ) à quelque 2 500 femmes.

Mais au total, ce sont 7 000 femmes qui auraient besoin de suivre une thérapie ARV   au Rwanda.

« Ces femmes séropositives ont besoin d’un traitement, mais aussi de conseils spécialisés et d’un soutien financier afin de vivre normalement au sein de la société, de devenir autonomes et d’arrêter de dépendre de nous ou des autres pour vivre », a expliqué Peter Turyahikayo.

« Un grand nombre d’entre elles sont tombées enceintes après avoir été violées, elles ne peuvent même pas regarder leurs enfants, car ils leur rappellent leurs agresseurs », a-t-il ajouté.

Le RWN gère aussi la Polyclinique de l’espoir, destinée aux femmes victimes de violence. Elle dispose d’un centre de conseils et de dépistage volontaire, qui propose gratuitement des soins médicaux, des ARV   et un soutien psychologique.

« Pour nos patientes, c’est plus pratique de se rendre à la clinique que d’aller dans les services publics. Ici, le personnel les connaît, elles risquent moins de souffrir de stigmatisation », a souligné Peter Turyahikayo.

« Le personnel connaît leurs histoires, les patientes n’ont donc pas à raconter les cauchemars qu’elles ont vécus. »

La plupart des femmes qui ont été victimes de sévices sexuels n’arrivent pas à parler ouvertement de leur passé, et intériorisent leurs souffrances. Puisqu’elles échappent au test de dépistage du VIH  , elles meurent souvent prématurément de maladies liées au sida  .

Selon Peter Turyahikayo, davantage de services doivent être mis en place afin de permettre aux femmes de mener une vie un tant soit peu normale. « Nous ne pouvons pas changer l’Histoire », a-t-il expliqué, « mais nous devons, malgré tout, trouver un moyen de vivre positivement ».


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 7 juillet 2006

 

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