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France : Trop de médecins refusent les patients pauvres


Libération, Société 01/07/2009 à 18h14

Selon une étude publiée ce mercredi, 25,5% des médecins et dentistes exerçant à Paris refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU.

A Paris, un médecin sur quatre refuse de soigner les malades les plus défavorisés. Voilà le résultat d’une étude publiée ce mercredi par le fonds de financement de la couverture maladie universelle (CMU). (Télécharger l’étude en pdf)

Le collectif d’associations Ciss dénonce depuis plusieurs mois ces refus de soins, dont cette nouvelle étude est une preuve supplémentaire.

Sur les 861 médecins et dentistes testés par téléphone, 220 (soit 25,5%) refusent des patients pour la seule raison qu’ils sont bénéficiaires de la CMU. Le taux de refus est particulièrement élevé chez les gynécologues (38,1%), mais aussi chez les dentistes (31,6%), chez les ophtalmologues (28,1%). Il s’élève à 19,4% chez les généralistes et à 5,2 % chez les radiologues.

« Vous prenez les CMU ? »

Pour arriver à ces résultats, la chercheuse Caroline Despres, a adopté la méthode du testing : coup de fil anonyme à des médecins (ou à leur secrétariat). Et phrase du genre : « Bonjour, je souhaiterais prendre rendez-vous… Je suis bénéficiaire de la CMU, cela ne pose pas de problème ? »

Premier constat de la chercheuse : cette question ne surprend pas les secrétaires. « Dans la très grande majorité des échanges téléphoniques, les secrétariats ont des consignes très claires quant à l’attitude à avoir face à une demande de rendez-vous par des bénéficiaires de la CMU. »

Les réponses, elles, sont très variables, du « oui » sans hésitation, au « non » le plus brutal. Exemples :

  • « Non, je ne prends pas les CMU. Je ne peux pas vous parler, je suis en consultation. » Et le praticien raccroche.
  • « Ça m’arrange pas… Mais on n’a pas le choix », répond un radiologue. Un autre : « Ben … Moui. Je vais vous prendre. Vous amenez votre attestation. »
  • Une secrétaire : « Elle (le médecin, ndlr) prend pas toujours, quelquefois… Je peux lui demander »

Ou à l’inverse, certains médecins s’offusquent qu’on leur pose la question :

  • « Prenez-vous les CMU ? »
  • « Ce serait une honte de refuser. C’est interdit »

Justement, les praticiens ont-ils le droit de refuser des patients ?

Ce que dit le code de la déontologie (art 47), cité dans l’étude :« Hors les cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. Le médecin peut se dégager de sa mission, à condition de ne pas nuire de ce fait à son malade, de fournir au médecin désigné par le patient, les renseignements utiles à la poursuite des soins. »

Pourquoi ces refus de soin ?

C’est le deuxième objectif de cette enquête : « Etablir les déterminants du refus de soins ». Autrement dit, pourquoi certains praticiens refusent-ils de soigner les bénéficiaires de la CMU ?

« Pour des raisons économiques », répondent-ils. La loi interdit les praticiens de secteur 2 d’appliquer des dépassements d’honoraires lorsqu’ils soignent un bénéficiaire de CMU. Et les dentistes doivent respecter un tarif plafonné pour les prothèses dentaires.

Par ailleurs, de nombreux médecins avancent le problème de la « paperasse » : les CMU bénéficient du « tiers payant intégral », ce qui signifie que le paiement de leurs soins est effectué directement par l’assurance maladie. Des médecins se plaignent souvent des retards et des erreurs des caisses en la matière.


Libération 26/05/2009 à 06h51 - Par Eric Favereau

Ces médecins qui refusent les pauvres

Les médecins libéraux qui pratiquent des dépassements d’honoraires (secteur 2) refusent-ils de soigner les patients pauvres ? Un amendement à la loi Hôpital, patients, santé, territoires actuellement en discussion devait permettre d’en avoir le cœur net en donnant un cadre légal aux testings (enquêtes) auprès de ces médecins. Curieusement, les sénateurs l’ont estimé inutile et l’ont supprimé. Alors combien de ces médecins opposent des refus de soins à des patients bénéficiant de la Couverture maladie universelle (CMU), sachant que pour cette clientèle, ils n’ont pas droit à des dépassements d’honoraires ?

Déontologie. Le Collectif interassociatif des usagers de la santé (CISS) a lancé une étude sur ces pratiques, interdites par la loi mais surtout par le code de déontologie médicale. L’enquête a consisté à joindre dans onze villes de France des dizaines de médecins libéraux de différentes spécialités. Et à demander au secrétariat du médecin en question un rendez-vous, dans un langage « sérieux et précis »,« sans accent étranger », en précisant à la fin que le patient est sous CMU.

Les résultats, rendus publics hier, sont impressionnants. Ils confirment les études précédentes : « 22 % des spécialistes de secteur 2 interrogés refusent très clairement de recevoir et de soigner les patients bénéficiaires de la CMU complémentaire. Ce résultat démontre que les situations de refus de soins ne sont pas marginales, et procèdent d’intentions clairement discriminatoires dans la mesure où les refus de soins nuancés ont été traités dans une catégorie spécifique représentant 5 % des réponses. » Ce sont les psychiatres de secteur 2 qui sont le plus en pointe dans les refus, suivis par les gynécologues, les neurologues et les cardiologues. Avec de fortes différences selon les villes. « Quand à Paris, les médecins de secteur 2 opposent 46 % de refus de soins, les médecins bordelais expriment 3 % de refus de soins », notent les enquêteurs. « Le testing réalisé à Paris montre que le taux de refus de soins est sensible au prix du mètre carré. » Plus le quartier est riche, plus on refuse. « Cette variable, relève l’enquête, est très pertinente car l’accessibilité des médecins dépend du niveau de richesse de la population du quartier. La fréquence des refus de soins croît à mesure que le niveau de richesse de la "patientèle" augmente. »

Bachelot. Devant ce dérapage généralisé, le plus inquiétant est qu’il ne se passe rien. Les patients sous CMU se taisent et tentent leur chance auprès d’autres médecins. Quant à l’assurance maladie, « seules quelques caisses primaires d’assurance maladie » ont répondu « avoir connaissance de ce problème ». Avec l’impossibilité de faire des testings légaux, ces refus de soins ne sont pas près de disparaître. A moins que la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, ne bouscule les sénateurs. Et impose le retour de cet amendement.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 2 juillet 2009

 

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