Accueil >>  Orphelins du sida, orphelins et enfants vulnérables (OEV) >>  Témoignages d’enfants

Ethiopie : Autrefois éblouie par les belles voitures, aujourd’hui séropositive


Mots-Clés / Ethiopie

Addis Abeba, 31 octobre 2007 (PLUSNEWS)

Alem Tilahun*, une jeune fille qui a abandonné sa scolarité lorsqu’elle était au collège, vit dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba. Elle a raconté à IRIN/PlusNews comment, poussée par le désir d’une vie meilleure, elle a accepté d’avoir une relation avec un homme beaucoup plus âgé qu’elle.

« Il y avait une fille qui vivait juste à côté de chez nous, et alors que je passais mes journées assise près de notre portail, elle s’habillait bien et de belles voitures venaient la chercher. J’étais toujours jalouse d’elle, je voulais être comme elle.

Un jour, je me suis approchée d’elle alors que quelqu’un venait de la déposer et je lui ai parlé. Je lui ai dit que je voulais avoir un travail et devenir comme elle. Elle m’a dit de revenir le jour suivant. J’étais tellement excitée que je n’ai pas pu fermer l’oeil de la nuit.

Le jour suivant, elle m’a emmenée chez elle et m’a donné une de ses très jolies robes. Elle m’a maquillée, à tel point que je ne pouvais même plus me reconnaître moi-même. Après un moment, une belle voiture est venue nous chercher -il y avait deux hommes dans la voiture et elle nous a présentés.

A commencer de ce jour, je suis devenue l’amie de l’un des deux hommes. Je lui ai dit que j’étais à la recherche d’un emploi, il m’a promis qu’il m’aiderait et à partir de là, il a commencé à me donner de l’argent et à m’acheter de nouveaux vêtements.

J’ai menti à ma mère en lui disant que j’avais trouvé un travail. J’ai commencé à subvenir à ses besoins et à ceux de toute ma famille. Tout le monde était vraiment fier de moi.

Ma vie a changé. L’homme me traitait avec beaucoup de gentillesse et même s’il était vraiment vieux pour moi, je l’aimais bien. J’ai même couché avec lui. Il me disait qu’il m’épouserait. Il voyageait souvent hors de l’Ethiopie pour son travail et il me rapportait des cadeaux de là où il était allé.

Puis du jour au lendemain, il a disparu. J’ai pensé qu’il était encore parti en voyage à l’étranger. Comme son absence se prolongeait, je demandais souvent à ma voisine où il était mais elle me rassurait, disant qu’il allait bien, qu’il était en voyage. Mais au bout de trois, j’étais vraiment inquiète et j’ai commencé à la harceler pour savoir où il était.

Finalement, elle m’a dit qu’il était malade et qu’il était à l’hôpital. J’étais vraiment choquée et suis allée lui rendre visite. Je ne pouvais même pas le reconnaître, tellement il avait perdu de poids.

Il m’a dit que ses jours étaient comptés et m’a suppliée de lui pardonner pour ce qu’il m’avait fait. J’étais troublée, je ne savais pas de quoi il parlait puisque tout ce qu’il avait toujours fait pour moi était d’améliorer mes conditions de vie.

Ce soir-là, je suis allée chez ma voisine et lui ai raconté ce qui était arrivé. Elle a commencé à pleurer au milieu de mon histoire et m’a aussi demandé pardon. Elle m’a avoué que cet homme était marié et que sa femme était morte un an plus tôt du sida  . Elle m’a dit qu’elle ne le savait pas lorsqu’elle nous avait présentés.

Je ne savais pas quoi faire. Je n’ai pas quitté la maison pendant plusieurs jours. Finalement, j’ai décidé d’aller le voir pour lui demander pourquoi il m’avait fait ça, mais quand je suis arrivée à l’hôpital, on m’a dit qu’il était mort la veille.

Quelques jours plus tard, ma voisine et moi avons décidé d’aller nous faire dépister au VIH   : nous étions toutes les deux séropositives. Je lui ai pardonné parce qu’elle aussi a été dupée, comme moi.

Aujourd’hui, personne ne sait que nous sommes séropositives, à part nous deux et une ONG [organisation non gouvernementale] qui nous aide à suivre notre traitement antirétroviral.

On fait des tâches ménagères et on soutient notre famille. Nous ne savons pas ce qui va nous arriver. Nous avons été déçues par les choses artificielles comme les voitures et les vêtements. »

*Un nom d’emprunt


Publié sur OSI Bouaké le samedi 3 novembre 2007

 

DANS LA MEME RUBRIQUE