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« Kadogo » burundais, il témoigne

Les « Kadogo », ou ex-enfants soldats, dans la langue du pays, restent livrés au dénuement et à la souffrance.


Burundi, correspondance particulière.

« Il y a deux ans, quand nos chefs ont signé les accords de paix, on nous a dit de rentrer parce que nous n’avions pas l’âge requis. Ils nous avaient promis de l’argent et un métier, mais nous n’avons eu que deux chèvres, 2 litres d’huile et quelques kilos de riz. » Gitega, deuxième ville du Burundi. « Kadogo », c’est-à-dire enfant soldat dans la langue du pays, Peter a dix-neuf ans ; il en avait deux de moins quand les chefs de guerre ont accepté de démobiliser les combattants mineurs, sous la pression des ONG et des Nations unies. « Je ne suis pas content, regrette-t-il. Certains de mes camarades qui avaient un an de plus que moi sont restés dans l’armée. Ils sont maintenant payés tous les mois, sans même faire la guerre. »

Peter croupissait dans un camp de déplacés quand il a été recruté, à l’âge de huit ans, par un mouvement rebelle hutu que connaissaient ses parents : contrairement aux enlèvements d’enfants perpétrés par certains groupes qui ne bénéficiaient d’aucun soutien populaire, l’enrôlement des jeunes mineurs a été souvent facilité par la famille quand les mouvements étaient bien implantés. Seul dans la petite case obscure où il dort à même le sol chez un ami, il ressasse ses difficultés et sa douleur, « tous ces cadavres piétinés, les corps de ses parents allongés devant la maison familiale, après avoir été massacrés par les soldats ennemis ».

Au Burundi, les jeunes démobilisés, livrés à eux-mêmes, accusent régulièrement les décideurs de ne pas se préoccuper de leur sort. À plusieurs reprises, ils ont été obligés de descendre dans la rue pour obtenir les premières aides alimentaires. « Nous avons longuement exprimé nos envies, nos besoins. Les responsables sont venus, ont tout écrit, mais nous attendons toujours la solution », raconte un petit groupe réuni au Ligala, un lieu de rencontre près de la gare routière de la ville. Là, une jeune maman a transformé sa maison en bar clandestin, servant bières et cigarettes à une jeunesse désoeuvrée. Et peu motivée par l’école. « La tête est déjà pleine, sauf pour apprendre la mécanique », raconte l’un d’eux. Peter, de son côté, n’a qu’une obsession : avoir un toit à lui. La maison de ses parents a été détruite, et les anciens voisins ne veulent pas son retour au village natal. « Ils disent que je suis un voleur, un assassin. En réalité, ils veulent s’approprier la terre de mes parents ». Ce qu’il redoute : « les étranges maladies que les hôpitaux ne savent pas soigner ».

Traumatismes psychologiques, et blessures mal soignées font des ravages parmi ces mineurs démobilisés. Ainsi que le sida  , qui « s’est beaucoup propagé parmi les combattants », témoigne un médecin d’une association humanitaire.

Joseph, lui, refuse de boire. Il vient de « rencontrer Dieu, de renaître », comme il le dit, grâce à l’une des multiples associations et Églises évangélistes qui s’imposent sur un terrain social délaissé par les autorités. Le recruteur lui a même promis un métier et un hébergement, dès que des correspondants américains enverront leurs premières subventions.

Devant l’absence des fonds et des programmes d’envergure pour réinsérer les ex-enfants soldats, les religieux deviennent les principaux acteurs sur le terrain. Pendant les séances de prière, on exhorte ces jeunes adultes à la rédemption. « La réhabilitation des enfants soldats devrait commencer par leur reconnaître le statut de victime », regrette un journaliste d’une radio locale. Un pari difficile, qui nécessiterait de condamner les chefs de guerre. Au Burundi, ils sont aujourd’hui au pouvoir et ont savamment négocié leur immunité.

Edgar Charles Mbanza


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 14 février 2007

 

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