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La taxe sur les billets d’avion pour financer l’aide au développement dépasse le milliard d’euros



La Croix - 21/5/13 - Olivier Tallès -

Pionnier d’un nouveau mode de financement, la taxe sur les billets d’avion finance pour l’essentiel les programmes d’Unitaid   destinés à favoriser l’accès aux médicaments contre le sida  , le paludisme et la tuberculose.

Lorsqu’en 2006, à l’initiative de la France, la Norvège, le Royaume-Uni, le Chili et le Brésil décident de créer un mini-prélèvement sur les billets d’avion pour financer l’aide au développement, la mesure provoque un certain scepticisme. Six ans après, l’organisme collecteur Unitaid   a réuni 1,8 milliard de dollars (1,32 milliard d’euros), a annoncé son président, l’ancien ministre français Philippe Douste-Blazy, le 21 mai, à l’occasion du bilan annuel.

Hébergé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ), Unitaid   se donne pour objectif d’aider au financement de médicaments dans les pays en voie de développement. Le fonds se concentre sur trois maladies  : le sida  , le paludisme et la tuberculose.

En programmant de gros volumes d’achat, Unitaid   peut négocier des baisses de prix et amener les laboratoires à s’intéresser à des médicaments pour lesquels il n’existe pas de marché et de consommateurs solvables. Les antirétroviraux (ARV  ) pédiatriques par exemple sont décisifs contre le sida   dans les pays pauvres. Mais ils sont inutiles dans le monde développé, grâce à la prévention de la transmission mère enfant.

ACCORD SUR LES BREVETS

L’un de ses succès les plus importants est l’accord signé en 2010 avec le laboratoire pharmaceutique américain, Gilead. Cette entreprise parmi les plus innovantes dans la recherche contre le sida   a renoncé, pour certains pays, à ses brevets sur quatre molécules, dont deux ne sont pas encore sur le marché. Les fabricants indiens de génériques ont commencé ainsi à produire et combiner des copies à bas prix des traitements anti-VIH   de Gilead, avant de les commercialiser dans les pays les plus pauvres.

UNE TAXE COLLECTÉE DANS NEUF PAYS

Parmi les exemples de son action, Unitaid   cite la réduction de 80 % des prix des médicaments pédiatriques anti-VIH   et le placement de 400 000 enfants sous traitement anti-VIH   de dernière génération. Des millions de traitements contre le paludisme ont aussi été distribués grâce aux financements de l’organisme collecteur.

Soixante-cinq pour cent des fonds recueillis par l’Unitaid   depuis sa création proviennent d’une taxe sur les billets d’avion perçue dans neuf pays  : Cameroun, Chili, Congo, France, Madagascar, Mali, Maurice, Niger et Corée du Sud. Chaque passager décollant de ces États pour un vol international verse à l’organisation de 1 à 40 dollars en fonction du prix de son billet. La Norvège finance aussi le fond en lui rétrocédant une partie de sa taxe sur les émissions de CO2.


Des financements « innovants » pour l’accès aux soins

La Croix - 20/9/10 - Pierre Bienvault -

Le sommet des Objectifs du millénaire, ouvert lundi 20 septembre à New York, est l’occasion de débattre de nouveaux modes de financement pour l’aide au développement dans les pays pauvres

Comment trouver des fonds nouveaux et pérennes pour financer la lutte contre le sida  , le paludisme et la tuberculose dans les pays pauvres ? Comment faire en sorte que l’accès aux soins ne repose plus uniquement sur les pays riches, dont la générosité peut se révéler à géométrie variable en période de crise ? Et ne serait-il pas opportun de « changer de braquet » dans l’aide au développement, en instaurant une taxe sur les transactions financières internationales, pouvant rapporter plusieurs milliards d’euros ?

Sous l’impulsion de militants associatifs mais aussi d’économistes et de représentants gouvernementaux, cette question des « financements innovants » est au coeur du sommet sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD  ) qui s’est ouvert lundi 20 septembre à New York.

Ce rassemblement est l’occasion pour les Nations unies d’appeler à la mobilisation afin d’atteindre les objectifs fixés, voici cinq ans, pour éliminer la pauvreté, la faim, les maladies, la mortalité infantile et maternelle d’ici à 2015.

INDISPENSABLE DE DÉVELOPPER DES « FINANCEMENTS INNOVANTS »

Le sommet, qui rassemble 139 chefs d’État ou de gouvernement, constitue de fait un bon baromètre des générosités publiques en cette période de rigueur. Les pays riches seront aussi attendus au tournant début octobre, toujours à New York. Ils devront alors annoncer leurs contributions, sur les trois prochaines années (2011-2013), en faveur du Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme.

Pour tous les acteurs de la santé, l’engagement des pays favorisés reste une priorité. Mais aujourd’hui, beaucoup jugent aussi indispensable de développer des « financements innovants », pour dégager des ressources plus stables et prévisibles.

« Car, comme on le voit aujourd’hui, il y a un risque que les pays riches prennent prétexte de la crise pour diminuer leurs contributions », indique Emmanuel Trénado, secrétaire permanent de Coalition Plus-internationale sida  , qui regroupe une dizaine d’associations, dont Aides en France.

DÉVELOPPER DE NOUVEAUX VACCINS POUR LES PAYS PAUVRES

Au cours des dernières années, plusieurs financements nouveaux ont déjà été mis en place. À l’initiative de la Grande-Bretagne et de la France a d’abord été instituée, en 2006, la « facilité internationale de financement pour la vaccination » (IFFIm).

L’objectif est de constituer des réserves financières importantes à partir d’emprunts sur les marchés financiers, garantis par les pays riches. L’argent ainsi récolté est géré par l’Alliance mondiale pour les vaccins (Gavi), qui développe des programmes de vaccination dans les pays démunis.

En 2007, la Fondation Gates et plusieurs pays ont lancé un deuxième mécanisme innovant : la garantie de marché. Un dispositif visant à inciter les laboratoires pharmaceutiques à développer de nouveaux vaccins pour les pays pauvres.

TAXE SUR LES BILLETS D’AVION

Mais l’initiative la plus visible pour le grand public concerne la taxe sur les billets d’avion. Le projet a été lancé en 2006 par la France qui, en compagnie de quatre autres pays (Brésil, Chili, Norvège, Royaume-Uni), a fondé Unitaid  .

Abrité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ), cet organisme a récolté à ce jour pratiquement un milliard d’euros et finance des programmes sur le sida  , le paludisme et la tuberculose dans 93 pays. Unitaid   bénéficie désormais du soutien de 28 pays : une quinzaine lui verse une contribution financière pluriannuelle. Les autres ont fait le choix d’une taxe obligatoire sur les billets d’avion.

Ainsi, depuis 2006, toute personne qui prend un billet au départ de la France verse une contribution au montant variable. Pour un voyage en classe économique, la taxe est de 1euros pour un vol intérieur et de 4euros pour un vol international. Pour un trajet en première classe ou en « business », elle est respectivement de 10euros et 40euros.

UNITAID   A PERMIS LA FABRICATION DE MÉDICAMENTS POUR 350 000 ENFANTS

« Grâce à cette taxe, la France verse environ 150 millions d’euros chaque année », indique Philippe Duneton, secrétaire exécutif adjoint d’Unitaid  . Pour l’instant, sept pays (France, Madagascar, Mali, Chili, Corée du Sud, Niger, Maurice) ont instauré cette taxe. « D’autres pays, comme le Congo, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire ou le Bénin, sont sur le point de démarrer », précise Philippe Duneton.

L’action d’Unitaid   suscite des avis partagés chez les militants associatifs. « Les fonds récoltés restent très modestes, c’est vrai. Mais cela a permis de montrer qu’il était possible d’instaurer une nouvelle taxe, entièrement dédiée à l’aide au développement », constate Khalil Elouardighi, responsable du plaidoyer à Coalition Plus. « Contrairement à ce que beaucoup disaient au départ, cette taxe n’a eu aucun impact sur l’activité du transport aérien », précise Philippe Duneton.

Le président d’Unitaid  , Philippe Douste-Blazy, se montre lui enthousiaste : « Grâce à notre action, 500 000 femmes enceintes, chaque année, bénéficient d’un traitement permettant d’éviter la transmission du virus du sida   à leur enfant. Et nous avons pu obtenir la fabrication de médicaments pédiatriques, aujourd’hui délivrés à 350 000 enfants », indique l’ancien ministre de la santé, aujourd’hui conseiller spécial des Nations unies sur les financements innovants.

« TRANSFORMER UN ACTE "ÉGOÏSTE" EN UN ACTE DE DONATION ET DE PARTAGE »

Le problème est qu’aujourd’hui, de nombreux pays, États-Unis en tête, ne veulent pas entendre parler de cette taxe obligatoire sur les billets d’avion. En revanche, certains ne seraient pas hostiles à une « contribution volontaire », laissée à l’appréciation de chaque voyageur. C’est sur ce « créneau » que s’est lancée la Fondation du millénaire, une organisation à but non lucratif qui, fin 2009, a annoncé le projet « Massive Good ».

En lien avec des sociétés informatiques et des voyagistes, cette fondation a mis au point un système qui permet à chaque acheteur d’un billet d’avion, sur Internet ou chez un agent de voyages, de faire, « d’un simple clic », une petite contribution (2 dollars, euros ou livres) en faveur d’Unitaid  . « Ce dispositif a été lancé en juin en Espagne et démarrera aux États-Unis avant la fin de l’année », indique Philippe Douste-Blazy, qui préside le conseil d’administration de la Fondation du millénaire.

« L’objectif est de transformer un acte de consommation considéré comme "égoïste" en un acte de donation et de partage », ajoute-t-il, en précisant que cette contribution pourrait ensuite être appliquée aux réservations d’hôtel, aux locations de voiture, voire aux abonnements à un téléphone portable.

UNE TAXE SUR LES TRANSACTIONS DE CHANGE ?

Mais ces différentes initiatives ne sont pas suffisantes. « La seule option, pour dégager des financements de grande envergure, est d’instaurer une taxe sur la spéculation financière, très modique et donc indolore », explique Emmanuel Trénado. Lors de la conférence sur le sida   de Vienne, en juillet, de nombreux militants ont réclamé cette taxe, baptisée « taxe Robin des bois ».

Un rêve d’activistes « utopiques » ? En fait, cette mesure est aussi défendue par des économistes et des gouvernements. « Au cours des dernières années, de nombreux économistes de haut niveau, parmi lesquels plusieurs prix Nobel, se sont prononcés en faveur d’une taxe de ce type », indique Jean-Paul Moatti, professeur d’économie à l’université de la Méditerranée et conseiller à l’Agence nationale de recherche sur le sida   (ANRS).

Le projet est également regardé avec attention par le Groupe pilote sur les financements innovants, qui regroupe 60 pays ainsi que des organisations internationales et des ONG. En 2009, ce groupe a demandé à des experts indépendants de se pencher sur le sujet. Rendu public en juillet, leur rapport se prononce en faveur d’une taxe sur les transactions de change. Une taxe de 0,005% sur les transactions, uniquement réalisées en euros, permettrait de récolter entre 7 et 10 milliards d’euros par an.

Étendue à toutes les transactions de change (dollars, yens, livres), elle permettrait de dégager de 19 à 27 milliards d’euros par an. « On sait maintenant que cela est techniquement faisable. Ce n’est plus qu’une question de volonté politique », indique Khalil Elouardighi. Pour la France et les autres pays, très mobilisés en faveur de cette taxe, l’enjeu est désormais de convaincre ceux qui y sont encore hostiles, au premier rang desquels les États-Unis. Un combat qui commence dès aujourd’hui à New York.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 30 mai 2013

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