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Un accord a été signé pour "la fin de la guerre"

LE MONDE 06.04.05


près trois jours d’intenses négociations, les protagonistes de la crise ivoirienne ont signé, mercredi 6 avril dans la matinée, à Pretoria, un "communiqué de fin de guerre". Ce texte en dix-huit points, remis aux cinq délégations dans la nuit par le médiateur, le président sud-africain Thabo Mbeki, et dont Le Monde a pris connaissance, annonce "la cessation des hostilités", la reprise du processus de désarmement, mais reste volontairement vague sur l’organisation de l’élection présidentielle prévue en octobre.

Dans ce communiqué, les signataires, le président Laurent Gbagbo, le chef de la rébellion Guillaume Soro, l’ancien premier ministre Alassane Ouattara, l’ancien président Henri Konan Bédié et le premier ministre de transition Seydou Diarra "déclarent la cessation immédiate et définitive des hostilités et la fin de la guerre sur toute l’étendue du territoire". Ils renoncent à l’emploi de la force "sous toutes ses formes". La Côte d’Ivoire est coupée en deux depuis le 19 septembre 2002, le nord du pays étant aux mains des rebelles des Forces nouvelles.

Le processus de paix achoppait notamment sur les conditions d’éligibilité. L’article 35 de la Constitution, qui avait abouti lors de la précédente présidentielle d’octobre 2000 à l’élimination des candidatures de M. Ouattara et M. Bédié, a été modifié par l’Assemblée nationale il y a deux mois, mais sa promulgation posait problème. Le président Gbagbo souhaitait recourir à un référendum et demandait pour préalable le désarmement des rebelles, alors que les Forces nouvelles demandaient à ce que le chef de l’Etat recoure à ses pouvoirs spéciaux pour le promulguer.

Le texte de Pretoria ne tranche pas cette question. Le médiateur annonce qu’il se prononcera après consultation du président de l’Union africaine (UA), Olusegun Obasanjo, et du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Il informera ensuite les leaders ivoiriens. Des sources diplomatiques indiquent que les signataires se sont engagés devant le président Mbeki à ce que tous puissent être candidats.

Le processus de désarmement devrait reprendre dès le 14 avril avec une rencontre à Yamoussoukro entre le chef d’état-major des forces armées ivoiriennes et celui des Forces nouvelles, destinée à refonder une armée nationale. Les "milices" seront également démantelées. Le texte ne précise pas quelles sont ces milices. Il pourrait notamment s’agir des "patriotes" pro-gouvernementaux, accusés par l’opposition d’être responsables d’exactions à Abidjan.

RÉUNIONS À HUIS CLOS

Le médiateur a proposé aux forces politiques et à la rébellion un "plan de sécurité" afin que tous puissent revenir dans la capitale ivoirienne. M. Bédié et M. Ouattara vivent en France et refusent de retourner en Côte d’Ivoire, affirmant que leur sécurité n’est pas assurée. Pour les mêmes raisons, les ministres du gouvernement de transition issus des rangs de la rébellion n’ont pas siégé depuis des mois, restant cantonnés dans leur fief de Bouaké.

M. Mbeki a également demandé que les lois contestées, notamment le code de la nationalité, soient revues pour être conformes à l’accord de Linas-Marcoussis (Essone) de janvier 2003, et soient à nouveau adoptées avant la fin avril. La composition de la commission électorale et de la cour constitutionnelle, contestée, devrait être également revue. Pour assurer que les élections présidentielles et les législatives qui suivront soient "libres et transparentes", le médiateur va demander le soutien des Nations unies. L’ONU   pourrait nommer un "haut délégué aux élections" chargé de superviser les scrutins. L’opposition avait proposé que tout le processus électoral soit confié à l’ONU  .

Les rebelles ainsi que l’opposition avaient aussi demandé la "libération des médias d’Etat". Les réformes entreprises dans ce sens par le président Gbagbo ont été jugées non conformes aux accords de paix et le ministre de la communication, le chef de la rébellion Guillaume Soro, devra préparer un nouveau projet de loi.

Enfin, le premier ministre de transition, Seydou Diarra, devrait bénéficier d’une plus grande délégation de pouvoir de la part du président Gbagbo.

Le président Mbeki a élaboré ce texte avec les cinq leaders réunis à huis clos. Pendant trois jours ils ont été tenus au plus grand secret. A aucun moment leurs collaborateurs n’ont pu avoir accès à la salle des négociations. Le médiateur a visiblement cherché à éviter la surenchère.

M. Mbeki a volontairement éludé la question de la modification de l’article 35, point focal de la crise, en confiant à l’ONU   et à l’UA le soin d’en révéler plus tard les détails. Il semble cependant acquis que l’option du référendum ait été abandonnée. Pour sortir des arguties juridiques qui bloquaient le processus, le chef de l’Etat sud-africain a opté pour une solution politique. Celle-ci reste toutefois dépendante de la bonne foi des signataires. Le médiateur fait le pari risqué que les engagements pris en secret à Pretoria seront respectés malgré les pressions qui ne devraient pas manquer de la part des jusqu’au-boutistes des deux camps.

Fabienne Pompey



D’un coup d’Etat à la guerre civile Décembre 1999 : Henri Konan Bédié, président de la Côte d’Ivoire, est destitué par le général Robert Gueï au terme d’une mutinerie. 22 octobre 2000 : Laurent Ggagbo, leader de l’opposition socialiste, remporte l’élection présidentielle. Le général Gueï, qui se prétend aussi vainqueur, est renversé lors de manifestations sanglantes. L’inéligibilité de l’ancien premier ministre Alassane Ouattara pour cause de "nationalité douteuse" est au coeur de la crise. 19 septembre 2002 : un coup d’Etat manqué contre le président Gbagbo donne lieu à des règlements de comptes mortels. Coupé en deux, le pays bascule dans la guerre civile. 24 janvier 2003 : les partis politiques et les rebelles signent un accord de paix à Linas-Marcoussis (Essonne). Les "patriotes" du président Gbagbo dénoncent un "coup d’Etat constitutionnel" imposé par la France. 6 novembre 2004 : neuf soldats français et un visiteur américain trouvent la mort, bombardés par des avions de l’armée ivoirienne. La riposte française provoque de violentes manifestations des partisans du président Gbagbo, qui s’en prennent aux expatriés. 8 000 personnes quittent le pays.

Article paru dans l’édition du 07.04.05


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 6 avril 2005

 

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