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« Les multinationales de la pharmacie ont fait un intense travail de lobbying "

Un avocat indien qui défend l’accès aux génériques parle...


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K. M. Gopakumar est membre du Lawyers Collective VIH   / Sida   Unit, un collectif d’avocats qui défend en Inde l’accès aux médicaments génériques pour les malades du sida  .

Pourquoi, selon vous, le gouvernement indien a-t-il décidé d’adopter une législation encore plus restrictive que ce qu’exigent les accords de l’OMC sur les médicaments ?

K. M. Gopakumar. L’administration indienne s’est laissé influencer par un intense lobbying des multinationales pharmaceutiques, représentées par l’association PHARMA et ses partenaires indiens. Les décideurs, qu’ils soient administratifs ou politiques, sont obsédés par l’impératif économique qui a crée la propriété intellectuelle. Or les brevets créent des situations de monopole et non de concurrence. Et les brevets concernant les médicaments ont plus été envisagés comme un enjeu commercial que comme une question d’intérêt public. L’approche sociale du problème de l’accès aux traitements a été totalement écartée.

Certains laboratoires pharmaceutiques indiens comme Cipla, principal fabricant mondial de médicaments génériques contre le sida  , s’opposent à la position du gouvernement. Qu’en pensez-vous ?

K. M. Gopakumar. Cipla et d’autres entreprises indiennes s’opposent à cette nouvelle législation car elles estiment qu’elle va mettre des freins à leurs projets d’expansion, tout en ayant des répercussions sur l’accès aux soins pour les populations pauvres de l’Inde et dans le monde. Le régime des brevets en vigueur avant l’adoption de cette nouvelle loi a permis aux compagnies indiennes de développer une industrie des génériques et d’atteindre le niveau actuel. Mais elles n’ont pas la surface financière suffisante pour être compétitives. Elles n’ont pas non plus les moyens de mener des programmes de recherche et de développement de nouveaux médicaments. De plus, ces firmes ont conscience de leur responsabilité vis-à-vis de la société. En baissant le prix de nombreux médicaments vitaux, elles ont offert un accès aux médicaments aux Indiens moyens. Mais seuls 30 % de la population indienne peuvent se les offrir !

Quel est l’état de l’épidémie de sida   en Inde ?

K. M. Gopakumar. Selon les estimations, 5,1 millions de personnes sont infectées par le virus et 500 000 d’entre elles auraient un besoin urgent d’un traitement antirétroviral. Un programme gratuit de distribution d’antirétroviraux a débuté en avril 2004. Mais seuls 5 000 malades y ont aujourd’hui accès. Et près de 25 000 personnes passent par des services de soins privés. De plus, les séropositifs qui ont besoin de médicaments de deuxième génération, c’est-à-dire les plus récents, parce qu’ils développent des résistances, ne pourront les utiliser, car ces derniers seront brevetés. C’est le cas du Combivir, le médicament générique antisida le plus utilisé au monde.

Un débat a-t-il eu lieu dans l’opinion publique indienne sur cette question des brevets ? Les médias sont-ils mobilisés ?

K. M. Gopakumar. Les syndicats ont organisé une semaine de protestation du 5 au 12 mars dernier. Des manifestations et des marches ont eu lieu dans toutes les métropoles et les villes du pays. Les médias, dans leur ensemble, reconnaissent que la loi va au-delà des exigences des accords ADPIC, fixés par l’OMC, et que les conséquences sont graves pour l’accès aux médicaments. Cette question prend de plus en plus de place et le débat est vivace. En parallèle, des questions sur le contenu du projet de loi sur les brevets sont posées au Parlement par l’opposition comme par les partis membres de la coalition au pouvoir. L’opposition s’est exprimée avec beaucoup de fermeté contre ce projet. Mais, en raison de sa participation au gouvernement avec le Parti du Congrès indien, le Parti communiste marxiste, le CPI   (M), a voté l’amendement.

Qu’attendez-vous des acteurs de cette lutte, associatifs ou politiques, notamment en France ?

K. M. Gopakumar. L’introduction des accords sur la propriété intellectuelle à l’OMC est essentiellement de la responsabilité de l’Union européenne et des États-Unis. Une mobilisation des opinions publiques occidentales est donc indispensable afin de parvenir à abolir ces accords abusifs. C’est pour cela aussi que nous avons demandé aux différents partis communistes de faire pression sur le CPI   (M) indien. En France, l’opinion publique est essentielle, car votre pays joue un rôle important dans l’élaboration de la politique de l’Union européenne.

Entretien réalisé par Camille Bauer


Publié sur OSI Bouaké le mardi 19 avril 2005

 

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