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Côte-d’Ivoire : deux Présidents, un statu quo

Deux serments présidentiels et la reconduction d’un premier ministre


Libération - 04/12/2010 à 21h30 (mise à jour à 23h28) - Par Thomas Hofnung

Un Président déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel, Laurent Gbagbo, qui prête serment au Palais présidentiel d’Abidjan. Un Président élu à la majorité, selon la Commission électorale indépendante (CEI), et reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, qui reconduit le Premier ministre, Guillaume Soro, à la tête du gouvernement. Retour sur une folle journée. La Côte-d’Ivoire est en pleine confusion.

11 heures, au palais présidentiel

Les invités à la cérémonie d’investiture de Laurent Gbagbo arrivent sous un soleil de plomb dans le quartier fantomatique du Plateau, à Abidjan. Des pick-up surmontés de mitrailleuses lourdes sont postés aux abords du palais présidentiel. Dans la matinée, on a appris qu’au moins deux personnes avaient été tuées dans la nuit par les forces de sécurité dans le quartier de Port-Bouët. D’autres incidents ont été signalés dans plusieurs zones d’Abidjan, à Treichville, où une cinquantaine de blessés ont été dénombrés, selon l’ONU  , mais aussi à Koumassi, à Abobo et à Yopougon, sans qu’il soit possible, à ce stade, de dresser un bilan fiable.

Sur l’esplanade qui conduit au palais des jeunes portant des tee-shirt blancs à l’effigie du Président sortant font la claque en chantant : « On a installé Gbagbo ! On a installé Gbagbo ! » Le membre de la commission électorale qui, devant les caméras de télévision, avait empêché son porte-parole de délivrer les résultats provisoires, est accueilli en héros.

13h20, à l’intérieur du palais présidentiel

Une clameur s’élève dans la salle dite des pas perdus. Simone Gbagbo, la « première dame », vient d’entrer. Elle porte une robe blanche qui scintille. Puis c’est au tour de Laurent Gbagbo de faire son apparition. Il marche d’un air las, son aide de camp l’aide à s’asseoir dans un fauteuil rouge.

Dans l’assistance, on reconnaît l’un des leaders des « patriotes », Eugène Djué, et plusieurs ministres. Mais aussi deux hommes dont le nom est cité dans l’affaire de la disparition du journaliste Guy-André Kieffer : le ministre Paul-Antoine Bohoun Bouabré et le conseiller économique Aubert Zohoré. Les principaux chefs de l’armée sont là, mais seule une poignée de diplomates a fait le déplacement : les ambassadeurs du Liban, d’Angola et d’Afrique du Sud. Juste derrière eux, Guy Labertit, ami personnel et inconditionnel de Laurent Gbagbo, l’ancien « monsieur Afrique » du Parti socialiste.

Le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao Ndré, détaille longuement les résultats, justifiant l’invalidation du vote dans neuf départements du Nord ayant permis la victoire de Gbagbo. Dans son fauteuil, celui-ci s’endort. Enfin, il prête serment : « Devant le peuple souverain de Côte-d’Ivoire, je jure solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution... »

L’assistance l’acclame, sans excès d’enthousiasme. Dans son discours d’investiture, Laurent Gbagbo dénonce des « cas graves d’ingérence », ajoutant : « La souveraineté de la Côte d’Ivoire, c’est elle que je suis chargé de défendre, et elle, je ne la négocie pas. »

16h30, Hôtel du Golf

Dans un salon, Alassane Ouattara, « le Président élu », et le Premier ministre Guillaume Soro, font leur entrée. Le premier s’assoit sur un fauteuil rouge (comme au palais) et le second sur une chaise. Derrière eux, au premier rang des invités, trône le commandant Wattao, l’un des chefs des Forces nouvelles (ex-rebelles). Le régime de Gbagbo, qui a toujours dénoncé la collusion des rebelles avec Ouattara, est servi.

On apprend que ce dernier a prêté serment par écrit, samedi matin, en envoyant par voie d’huissier un courrier au président du Conseil constitutionnel. Il y a joint une lettre manuscrite dans laquelle on peut lire : « Je soussigné Alassane Ouattara, né le (...), prête comme suit serment de président de la République de Côte-d’Ivoire : Devant le peuple souverain... »

Le Premier ministre Guillaume Soro annonce qu’il remet sa démission « à son excellence, le président de la République », « le vrai vainqueur de l’élection ». Il est aussitôt reconduit dans ses fonctions par Ouattara pour « prendre en main les affaires courantes ». Dans son discours, « le Président élu » demande aux forces armées d’assurer la sécurité « sur l’ensemble du territoire » de Côte-d’Ivoire. Puis l’assistante entonne l’hymne national, l’Abidjanaise.

Ce samedi, à Abidjan, un Président - isolé sur le plan diplomatique - a prêté serment sous les ors de la République et devant les corps constitués. Un autre - fortement soutenu par la communauté internationale - s’est exprimé en tant que chef de l’Etat depuis l’hôtel où il est consigné pour raisons de sécurité. La Côte-d’Ivoire est sens dessus dessous.

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Côte d’Ivoire : le coup d’Etat de Gbagbo, investi Président

Par Pierre Haski | Rue89 | 04/12/2010 | 16H26 Alors que l’ONU   et l’Union européenne ont déclaré Ouattara vainqueur, le président sortant Gbagbo a prêté serment ce samedi.

Laurent Gbagbo joue le tout pour le tout : déclaré vaincu par les Nations unies et l’Union européenne, le Président sortant de la Côte d’Ivoire a prêté serment samedi pour un nouveau mandat, comme si de rien n’était. Pourtant, l’impasse reste totale et dangereuse.Non sans ironie, alors que la commission électorale le déclarait vaincu, Laurent Gbagbo a déclaré en prêtant serment :

« Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois si je trahis mon serment. »

Alassane Ouattara a procédé lui aussi à une cérémonie d’investiture comme président quelques instants plus tard, sous la protection des casques bleus de l’Onu  . La Côte d’Ivoire a donc deux présidents…

En quelques jours, Laurent Gbagbo a amorcé un véritable passage en force, après que la commission électorale indépendante (CEI) a déclaré son rival, l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, vainqueur du deuxième tour de l’élection présidentielle ivoirienne qui s’est déroulé dimanche dernier.

Aussitôt après, le Conseil constitutionnel a invalidé le résultat proclamé par la CEI puis annoncé que, selon lui, Laurent Gbagbo était le vainqueur.

Depuis jeudi, la Côte d’Ivoire a donc deux présidents : l’un soutenu par la commission électorale dont les conclusions ont été soutenues par la communauté internationale, très impliquée dans la préparation et la supervision du scrutin, et même par l’actuel Premier ministre, Guillaume Soro qui a annoncé sa démission ; l’autre qui s’accroche au pouvoir et tente de jouer l’inertie et la force derrière une façade légale très fragile.

Signe de ce double pouvoir qui se met en place, Guillaume Soro, qui était jusque-là premier ministre de Gbagbo, a présenté sa démission à … Alassane Ouattara, qui l’a reconduit au poste de premier ministre.

Ce bras de fer se déroule sur fond de violence croissante. Au moins deux personnes ont été tuées au cours de la nuit à Abidjan, en dépit du couvre-feu.

Selon RFI, les incidents se sont déroulés à Port Boué, non loin de l’aéroport et de la base militaire française qui abrite un millier d’hommes. Les forces de défense et de sécurité ivoiriennes ont ouvert le feu pour des raisons encore inconnues. Selon plusieurs sources, il y a eu des tirs à l’arme lourde et deux personnes sont mortes dans des circonstances encore floues.

De nouveaux incidents étaient signalés samedi matin [pour un aperçu de l’ambiance à Abidjan, lisez ce témoignage d’un Ivoirien sur le blog « Les Tribulations d’un éditeur », sur Rue89].

Impasse totale

Il paraît peu probable qu’Alassane Ouattara et ses partisans, confortés par l’attitude de la communauté internationale, acceptent sans résister le coup de force de Laurent Gbagbo.

D’autant que ce dernier n’a semble-t-il fait aucun geste de conciliation vis-à-vis de son rival, ni avant ni pendant cette cérémonie d’investiture, et procède comme si la légalité était incontestablement de son côté.

Une double partie à haut risque est donc engagée :

  • l’une à l’intérieur du pays, à peine sorti d’une quasi guerre civile et d’une division nord-sud qui pourrait ressurgir dans une nouvelle flambée de violence ;
  • l’autre à l’international, avec le risque d’un isolement complet de la Côte d’Ivoire, qui ne manquera pas d’avoir un coût économique important. La France, principal partenaire de la Côte d’Ivoire, n’était pas représentée à la cérémonie d’investitute et Nicolas Sarkozy a appelé Laurent Gbagbo à accepter sa défaite.

Dans cette équation, il reste deux inconnues :

  • l’attitude des forces de défense et de sécurité, dont la loyauté va être mise à rude épreuve, et qui pourraient être tentées de jouer les arbitres si la crise se prolonge ;
  • l’attitude du reste de l’Afrique, particulièrement dans la sous région ouest-africaine, dont les dirigeants vont être partagés entre la traditionnelle solidarité entre autocrates au mince verni démocratique, et donc un soutien tacite à Gbagbo, et le respect de la légalité et l’alignement sur l’attitude des Nations unies, qui affaibliraient sérieusement le maître d’Abidjan. Samedi, l’Union africaine (UA) a prévenu qu’elle prendrait des mesures contre ceux qui tenteraient de s’opposer à la proclamation de la victoire de Ouattara.

Ajoutons-y le dilemme du Parti socialiste français, hier proche de Laurent Gbagbo, membre comme lui de l’Internationale socialiste, et qui a commencé à renouer avec lui ces dernières semaines, après une période de glaciation.

Mis à jour le 4/11/10 à 19h50 avec la reconduction de Soro par Ouattara

URL Source : http://www.rue89.com/2010/12/04/le-coup-de-force-de-gbagbo-investi-president-de-la-cote-divoire-179157


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 5 décembre 2010

 

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