FIAM : Facilité Internationale d’Achat de Médicaments
le texte officiel de la proposition de la France, du Brésil et du Chili...Publié le 6 mars 2006 sur OSIBouaké.org
Proposition de la France, du Brésil et du Chili sur la Facilité Internationale d’Achat de Médicaments, FIAM (International Drug Purchase Facility, IDPF)
A la suite de la réunion des chefs d’État et de gouvernement du monde pour une action contre la faim et la pauvreté, qui s’est tenue aux Nations Unies à l’initiative du Président Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, et dans le prolongement de la déclaration sur les sources innovantes de financement, adoptée à New York en septembre 2005, la nécessité d’accroître les ressources disponibles pour le financement du développement et la lutte contre la faim et la pauvreté a pris une importance politique au plus haut niveau.
Il existe un consensus croissant sur le fait que les pays en développement ont besoin non seulement de ressources supplémentaires, mais surtout de meilleure qualité. La mise en œuvre de mécanismes innovants de financement permettrait de fournir des financements supplémentaires stables et prévisibles qui pourraient être affectés plus efficacement à des programmes à long terme dans de nombreux domaines.
La faim est à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté ; elle ne pourra être éradiquée qu’une fois véritablement pris en compte ses aspects structurels, internes et externes. La santé a été identifiée comme l’une des composantes-clés de la lutte contre la faim et la pauvreté. Trois des huit Objectifs du Millénaire pour le développement chiffrés pour l’horizon de 2015 appellent des améliorations profondes dans le domaine de la santé : réduire la mortalité infantile, réduire la mortalité maternelle et ralentir la propagation du VIH /SIDA , de la tuberculose et du paludisme. Ces trois maladies représentent, dans de nombreux pays, notamment en Afrique sub-saharienne, un obstacle majeur à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD ).
La lutte contre ces pandémies a suscité ces dernières années une mobilisation sans précédent de la communauté internationale marquée en particulier par la tenue en juin 2001 d’une session extraordinaire de l’AGNU sur le sida et le lancement en 2002 du Fonds Mondial de lutte contre le sida , la tuberculose et le paludisme. En ce qui concerne le sida , l’initiative « trois par cinq » lancée par l’OMS et l’ONUSIDA en 2003, a posé les jalons de l’accès universel au traitement en 2010, engagement pris à Gleneagles par le G8 et endossé par tous les États membres de l’ONU lors du Sommet du suivi des OMD en septembre 2005.
Au moins six millions de personnes infectées par le VIH dans le monde en développement ont un besoin urgent de traitements anti-rétroviraux (ARV ). Actuellement, seules 1,2 million de personnes ont accès au traitement. Le changement d’échelle est donc impératif et exige une forte augmentation des ressources financières. Selon les estimations de l’ONUSIDA , les besoins de la lutte contre le sida seraient de 15 milliards $ pour 2006, 18 milliards $ pour 2007 et 22 milliards $ pour 2008. Or, pour 2007, les ressources mondiales actuellement espérées ne dépasseront pas 9 milliards $.
La situation est également préoccupante s’agissant du paludisme. Alors qu’il peut-être prévenu, le paludisme tue un enfant de moins de 5 ans toutes les 30 secondes en Afrique. Les besoins financiers estimés par l’OMS pour diminuer la charge de la maladie de moitié sont de 2 milliards $ par an. Les coûts du traitement devront, en outre, être revus à la hausse au regard des résistances apparues aux premiers traitements et de la nécessité de recourir à de nouvelles combinaisons thérapeutiques (thérapies ACT basées sur l’artémisinine).
La tuberculose est une autre maladie qu’il est possible de prévenir et de traiter, et qui demeure un grave enjeu de santé publique. Plus d’un million de décès sont dus à la tuberculose chaque année. La tuberculose est la première cause de décès résultant d’une infection opportuniste chez les malades du sida dans le monde. L’augmentation des résistances aux traitements anti-tuberculeux rend nécessaire de nouvelles combinaisons de médicaments plus coûteuses.
L’accès aux traitements à large échelle se heurte à de nombreux obstacles, en particulier la faiblesse des systèmes de santé, l’insuffisance des ressources humaines et des infrastructures et les difficultés liées à l’achat et à la distribution des médicaments et des autres produits médicaux. Les solutions aux premiers de ces obstacles relèvent d’abord de l’échelle nationale avec l’appui des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux, notamment par la promotion de la coopération technique et financière. En revanche, un meilleur accès aux médicaments suppose des mesures à l’échelle internationale visant à augmenter la production, à réguler le fonctionnement du marché et à améliorer l’approvisionnement des pays en développement.
Les sommes nécessaires à la lutte contre ces pandémies ne pourront pas être issues des seules contributions de l’aide publique au développement conventionnelle. Les contraintes spécifiques inhérentes au traitement des malades du sida (traitement à vie, sans rupture) font que la stabilité et la prévisibilité des flux financiers est impérative. La contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion prend toute son importance comme nouveau mode de financement pérenne et prévisible.
La première baisse significative des prix des antirétroviraux (ARV ) est intervenue en 2000, peu après le lancement par le Brésil d’un programme à grande échelle de fabrication de génériques destinés à son marché intérieur. Deux facteurs y ont contribué. D’une part, l’initiative ACCESS qui s’est traduite, sous l’égide des Nations Unies et avec la participation de cinq grands laboratoires pharmaceutiques producteurs d’ARV , par une offre de produits brevetés à des prix très réduits destinés aux pays du Sud. S’est ainsi affirmée pour la première fois une politique de prix différenciés par zone et niveau de développement des pays acheteurs. D’autre part, l’offre des génériqueurs indiens d’une large gamme de génériques à des prix fortement réduits destinés au marché international est montée en puissance. Le résultat conjugué de ces initiatives est qu’au début de la décennie 2000, le prix des trithérapies dites de « première intention » destinées aux malades du sida des pays en développement est passé de plus de 10 000 $ par personne et par an à quelques centaines de dollars.
La société civile et l’opinion publique internationale n’ont eu cesse de dénoncer l’inégalité dans l’accès aux traitements des pandémies entre les pays riches et les pays pauvres. En 2003, la disposition d’exception prévue dans la Déclaration de Doha est venue affirmer le droit des pays en développement de recourir à diverses flexibilités contenues dans les ADPIC, notamment sous la forme de licences obligatoires pour la production ou l’importation de médicaments génériques. Fin 2005, le contenu de cet amendement a été intégré dans les ADPIC. Le Parlement européen en a voté la transposition en droit européen. A ce jour, les dispositions relatives aux licences obligatoires en vertu des flexibilités introduites depuis 2003 n’ont cependant été utilisées que par de très rares pays concernés.
Les dernières années ont également vu une réorganisation progressive des circuits nationaux d’approvisionnement avec l’appui des bailleurs et le recours de plus en plus fréquent des pays à des mécanismes régionaux ou mondiaux d’approvisionnement tels que la centrale d’achat de l’UNICEF, la Facilité mondiale d’accès aux médicaments antituberculeux (GDF) de l’Initiative Halte à la tuberculose, le service d’approvisionnement de l’OMS , l’International Dispensary Association (IDA), le procurement consortium (consortium d’achat) de la Fondation Clinton, le Fonds stratégique de l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) et plus récemment le Partnership for Supply Chain Management (Partenariat pour la gestion de la chaîne d’approvisionnement) du programme américain PEPFAR .
Il est également important de noter que le Fonds mondial de lutte contre le sida , la tuberculose et le paludisme est devenu le principal financeur des nouveaux traitements contre les trois pandémies.
Ainsi, les principales avancées permises par l’ensemble de ces initiatives sont :
Malgré ces avancées, les dispositifs actuellement déployés restent insuffisants pour relever les défis de la lutte contre les grandes pandémies.
Parmi les principales limites constatées, il convient de citer particulièrement :
La FIAM poursuivra les objectifs suivants :
faire émerger une demande latente ; en effet, les pays en développement sont actuellement freinés dans le lancement de programmes élargis d’accès aux traitements en raison du caractère volatile de l’aide extérieure. En apportant des ressources financières stables, les pays en développement engagés dans des programmes nationaux de lutte contre le sida pourront s’approvisionner en médicaments et autres produits de santé, sur la base de programmes d’achats garantis à moyen-long terme.
la capacité de production est limitée du fait d’un manque de visibilité sur la demande solvable à long terme.
La Facilité s’attachera à favoriser une offre plus diversifiée et compétitive pour tous les médicaments dont l’approvisionnement est inadéquat ou insuffisant, tels que les ARV de deuxième ligne ou les nouveaux traitements à base d’artémisinine contre le paludisme, en favorisant l’entrée de nouveaux offreurs.
La qualité des médicaments dont l’achat aura été facilité ou assuré par la FIAM devra répondre aux critères retenus par la communauté internationale, par exemple dans le cadre de la stratégie d’approvisionnement adoptée par le Conseil d’administration du Fonds mondial. Pour faciliter l’accès à des médicaments de qualité, la FIAM pourrait assurer le financement des besoins complémentaires du programme de préqualification de l’OMS . La FIAM pourrait également financer la préqualification des matières premières et inciter les nouveaux fournisseurs à atteindre les normes internationales en matière de bonnes pratiques de fabrication (GMP).
La FIAM ne se substituera à aucune des organisations existantes qui contribuent à favoriser l’accès aux médicaments des pays en développement. La FIAM s’inspirera des principes d’équité et de solidarité qui doivent guider toutes ses actions et activités futures : équité de l’accès aux médicaments et aux kits de diagnostic et solidarité envers les populations les plus vulnérables et les plus nécessiteuses.
Le budget de la FIAM serait alimenté par la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion ou par d’autres mécanismes similaires. Ces ressources seraient versées dans un fonds fiduciaire dont la gestion relèverait d’une organisation multilatérale agréée par l’ensemble des donateurs.
Les pays en développement qui le souhaiteraient, s’adresseraient à cette Facilité pour leur approvisionnement en médicaments. Les médicaments (ou produits) concernés devront être préqualifiés selon les procédures déjà établies par le Conseil d’administration du Fonds mondial.
La FIAM garantirait : • aux pays bénéficiaires :
Afin de favoriser une offre plus diversifiée et compétitive des médicaments, la Facilité aurait, par principe, recours à des procédures d’appel d’offres. Elle pourrait utiliser, selon les cas et selon les préférences du pays bénéficiaire, l’une des deux options suivantes :
la Facilité qui dispose de ressources financières importantes et certaines, négocie auprès des fournisseurs des prix compétitifs . Les pays ou institutions acquéreurs de médicaments concluent directement leurs contrats d’achats et de livraison avec les offreurs aux prix obtenus par la Facilité ;
le groupement des achats. Chaque fois que cette solution présente des avantages et qu’un mandat lui a été donné pour ce faire, la Facilité procède à des achats groupés qui devraient permettre des économies d’échelles substantielles. Outre l’incitation induite par le volume des commandes passées, les offres seront d’autant plus compétitives qu’elles concerneront des engagements pluriannuels, couvrant le moyen-long terme.
Dans certains cas, afin de favoriser le maintien en activité de certains offreurs ou l’entrée de nouveaux offreurs, on pourrait imaginer de partager les marchés pour certains appels d’offres particuliers (correspondant à des produits mal servis par le marché), en une proportion largement majoritaire allant au « mieux disant », et une proportion plus restreinte allant au deuxième, voire troisième offreur sur le modèle de la GAVI. Dans d’autres cas particuliers, la Facilité pourra s’assurer que la production de matières premières répond aux besoins.
Au-delà de la question du prix, se posent les problèmes de rupture d’approvisionnement, fréquemment constatés au niveau local. Différents facteurs interviennent à l’origine de ces ruptures qui peuvent être cumulatives (défaut de prévision, délai des procédures d’achat et/ou de livraison, difficultés de paiement des fournisseurs). Afin de prévenir au mieux ces situations, il convient d’organiser et de favoriser une amélioration des stocks pour certains produits les plus sensibles. La FIAM pourrait consacrer une partie de son budget à la constitution et à la gestion de stocks tampon.
De la même façon, la pertinence des demandes, tant en qualité qu’en quantité, et la qualité de la chaîne de distribution sont des éléments déterminants. Dans le cadre des programmes du Fonds mondial, ces fonctions sont bien identifiées.
Les modalités de fonctionnement de la FIAM décrites doivent, à ce stade, être considérées comme des options qui seront discutées avec l’ensemble des partenaires, y compris les organismes multilatéraux, les pays bénéficiaires et la société civile.
Le mode de gouvernance et de fonctionnement de la FIAM sera défini au terme d’une large concertation des acteurs concernés ainsi que de la société civile dans les premiers mois qui suivront la conférence de Paris.
Deux principes guideraient la gouvernance de la FIAM :
Outre la gouvernance, la concertation à venir devra aussi aborder les questions fondamentales des critères d’éligibilité des pays et des programmes. Pour éviter une dispersion des ressources, il faudra veiller à établir des priorités dans les médicaments et produits à financer comme dans les groupes de population cibles. S’agissant du champ d’intervention, il est proposé que la priorité soit donnée aux ARV et à la fourniture des outils diagnostiques et de contrôle de base (détermination des CD4 et charge virale). Les ressources pourraient cibler spécifiquement certaines populations, telles que les femmes enceintes et l’interruption de la transmission verticale (mère-enfant) du VIH . Il conviendra également de déterminer la place des traitements contre la tuberculose et le paludisme, ainsi que le rôle de la Facilité s’agissant de faciliter l’achat de produits de prévention (préservatifs par exemple).