Penda Touré, bilan annuel du partenariat d’OSI avec le CSAS

Publié le 8 juillet 2013 sur OSIBouaké.org

Orphelins Sida   International, 25 Mai 2013 - Mme Penda Touré, Directrice exécutive du Centre SAS, notre partenaire Ivoirien, a été invitée à Paris à l’occasion de la journée des Parrains. Elle a présenté les programmes menés conjointement avec OSI, a fait le bilan des 11 années de partenariat et a pu échanger avec les parrains et marraines présents. Myriam Mercy, Présidente d’OSI, a rappelé comment s’est mis en place le partenariat, grâce à la Fondation Glaxo Smith, il y a 11 ans, Penda ayant été chaleureusement recommandée en tant que figure de la lutte contre le Sida   sur le continent africain. Elle a également dressé un bilan positif du partenariat avec le Centre SAS, remarqué pour sa fiabilité, son honnêteté et la solidité de sa structure.

L’épidémie du Sida   en Afrique subsaharienne et en Côte d’Ivoire.

Penda Touré constate tout d’abord une évolution positive de ’appréhension du Sida   en Afrique subsaharienne : au début de l’apparition du VIH  , le silence des malades sur leur maladie était absolu et les enfants infectés mourraient à moins d’un an. Son premier contact avec des malades du VIH  , abandonnés sans soins dans le CHU dans lequel elle était assistance sociale en 1992 a été lé déclic qui l’a amenée à travailler avec les malades du Sida  . Depuis, à force de crier au secours, la multiplication des associations et l’accès aux antirétroviraux, ont permis d’améliorer la situation et de baisser l’incidence du VIH   de plus de 25% dans 22 pays depuis le début des années 1980. Cependant, l’Afrique sub-saharienne est encore considérablement touchée : 1 adulte sur 20 est touché par le virus du VIH   (soit 4,9%) et le taux de transmission de mère à enfant s’élève à 15% (tandis qu’en Europe, ce dernier est proche de 0,001%). Le dépistage des femmes enceintes ne constitue pas encore un automatisme : en 2010, 42% d’entre elles seulement étaient dépistées. La Côte d’Ivoire est le pays d’Afrique de l’Ouest le plus touché par l’épidémie. Ce constat est en partie lié à la crise politico-militaire qui a eu lieu dans le pays en 2002 qui a ralenti la mise en oeuvre des programmes étatiques (notamment en matière de prévention sur la transmission parents/enfants) et a eu comme conséquence la fermeture provisoire de certains hôpitaux. Cet épisode a cependant eu l’avantage de générer une décentralisation dans la distribution des médicaments. Les femmes sont particulièrement touchées par l’épidémie en Côte d’Ivoire : sur les 450 000 personnes vivant avec le VIH  , 220 000 sont des femmes.

Question : Pourquoi les femmes sont-elles particulièrement touchées ?

Ce chiffre s’explique par divers facteurs : au-delà des spécificités physiques de la femme et lors de la pratique de l’excision, il est également dû au manque de dépistage avant le mariage, puis par le silence des femmes mariées sur leurs maladies, par la peur d’une répudiation ou d’un divorce (et des problèmes que cela entraîne en termes de propriété et d’héritage). Le dernier facteur est lié au faible accès de ces dernières aux services de prévention et aux structures de soin dans les zones rurales.

La transmission du virus par transfusion sanguine a diminué : avant, en cas d’urgence, seul le premier test était effectué ; maintenant, lorsqu’il y a pénurie, la transfusion n’est pas effectuée dans ces conditions. L’idée de « mauvais sort » associée à la maladie subsiste mais de plus en plus de personnes acceptent de prendre des médicaments en parallèle des sacrifices pour conjurer le sort et des médecines traditionnelles, notamment grâce à la mobilisation d’acteurs religieux dans la lutte contre le Sida  . La situation des enfants est dramatique : 10% d‘entre eux s’avèreront séropositifs. Cependant, leur espérance de vie augmente : les enfants séropositifs grandissent désormais avec la maladie : dans la file active du Centre SAS, 3 adolescents ont passé l’âge de 18 ans et l’un a eu son bac cette année.

Le Sida   en Côte d’Ivoire n’est plus un sujet tabou : tout le monde en parle.

Question : Le nouveau gouvernement a-t-il pris des mesures innovantes en matière de lutte contre le Sida   ?

L’ancien gouvernement avait déjà créé un ministère de lutte contre le Sida  . Il y a eu un retour en arrière du fait de la crise de 2002. En ce moment, au niveau national s’est développée une approche décentralisée avec la création de districts sanitaires qui gèrent la distribution des médicaments. Un programme de formation du corps médical a également été mis en place.

Question : En Côte d’Ivoire, arrive-t-on à se nourrir correctement ?

Les personnes arrivent à se nourrir mais ils manquent sans doute de certains nutriments et ne manger qu’un repas par jour n’est pas conseillé lorsqu’on prend des antirétroviraux (ARV  ). Le Programme Alimentaire Mondial a d’ailleurs créé un programme « VIH   et nutrition » et met à disposition des structures communautaires des aliments adaptés (le soja par exemple). Le Centre SAS associe d’ailleurs le traitement à une bonne alimentation et distribue des kits alimentaires. Il y a d’importants besoins actuels en médicaments notamment à Bouaké suite à un problème avec les partenaires distributeurs.

L’action du Centre SAS

Créée en 1995, l’association Renaissance Santé Bouaké, avait pour objectif la prise en charge psychosociale des personnes vivant avec le VIH   (PVVIH  ), en partenariat avec des hôpitaux. Suite à une étude de 6 mois menée sur la situation des orphelins du Sida   et à la mobilisation de 45 familles, le centre SAS a été créé et s’est orienté vers une prise en charge globale des PVVIH   avec l’ouverture d’un centre de soins où s’effectuent des consultations et où sont distribués les ARV  . Avec la crise de 2002 et la déficience des pouvoirs publics, le centre SAS a mis l’accent sur la prise en charge des enfants (école, soutien scolaire, etc..).

Le centre SAS multiplie désormais les services liés à la thématique du Sida  . Il y a des conseillères juridiques pour régler les problèmes d’héritage et de garde des enfants lors du décès du père. Elles conseillent notamment de contracter un mariage civil (peu répandu en Côte d’Ivoire). Une cellule du CSAS   prend en charge les déclarations de naissance (qui sont payantes donc loin d’être automatiques en Côte d’Ivoire) afin que les enfants aient un acte de naissance où figurent leur nom et leur date de naissance. Le centre SAS a également élargi son domaine d’action sanitaire : il pratique désormais le dépistage du cancer du col de l’utérus et propose des consultations par des spécialistes en vacation, notamment en gynécologie et en dermatologie. A Bouaké, à la garderie, devenue maternelle puis école primaire, et au laboratoire existants, s’est ajoutée la bibliothèque construite grâce à la générosité d’une marraine d’OSI. Une antenne existe également à Khorogo (à 250 kms de Bouaké) où a été mis en place un centre pédiatrique intégré. Enfin, l’association apporte un appui technique et financier à des OBC, organisations à base communautaire. Par exemple, afin de résoudre le problème des zones rurales mal couvertes, depuis 3 ans, le Centre SAS forme des leaders communautaires pour sensibiliser la population dans ces zones. Grâce à cette activité, le Centre SAS est désormais actif dans 5 régions (Gbêkê, Poro, Hambol, Bélier et Bagoué). Le 7 mars 2012, le Centre SAS a été reconnu comme association d’utilité publique. Dans sa file active, il comprend 5 574 familles (dont 1930 bénéficiaires de soins), 3561 enfants entre 0 et 14 ans, 489 enfants infectés (parmi les 246 soignés) et 1578 enfants scolarisés. Le dépistage est devenu très facile : il se fait grâce à un prélèvement au bout du doigt dont on obtient le résultat en quelques minutes. Cependant, c’est au niveau de la prise en charge qui s’ensuit que le Centre SAS rencontre des difficultés : il y a des personnes qui donnent de mauvaises adresses pour qu’on ne les retrouve pas. Le centre SAS a mis en place des groupes de parole par catégories : pour les personnes âgées, pour les hommes, pour les couples « séro-discordants ». La stratégie d’intervention du CSAS   est d’établir un lien entre le volet communautaire et le volet médical, de développer une approche familiale (pour que tous les membres de la famille soient impliqués et pour réduire la stigmatisation du malade) et communautaire (avec d’autres ONG et des centres sociaux locaux).

Les programmes menés avec Orphelins Sida   International

Depuis, 2002, le programme de parrainage mis en place avec OSI a beaucoup aidé les enfants : les enfants parrainés ont été rescolarisés grâce à l’appui financier des parrains, ont pu se procurer l’uniforme scolaire et les livres nécessaires et ont pu mieux se nourrir. Le parrainage d’aïeul(e)s a également été très important et permet d’aider toute une famille. Le professionnalisme des bénévoles partis en missions courtes par le biais d’OSI a été très utile au Centre SAS, notamment les 2 infirmiers, le concepteur du site Web et les étudiants chargés de la rédaction d’un projet agro-pastoral à Korhogo. Quelques déboires sont survenus avec les jeunes envoyés en service civique international en Côte d’Ivoire. La volontaire partie le plus longtemps a cependant permis la mise en place et l’animation de la nouvelle bibliothèque. Le centre SAS place beaucoup d’espoirs dans le programme de formation des jeunes aux métiers du Web qui doit se mettre en place prochainement. Le centre SAS a reçu d’OSI des dons de matériel informatique, de caméras, de livres et de jouets. La bibliothèque a permis de fidéliser les enfants. Des soirées contes y sont organisées.

Remarque d’une marraine au Burkina Faso partie voir son filleul qui a trouvé gênant d’individualiser un enfant dans l’aide apportée dans une famille dans laquelle plusieurs enfants sont concernés par l’épidémie.

Penda Touré rappelle que dans le cadre de son approche familiale, le Centre SAS collecte des jouets pour les enfants qui ne sont pas parrainés afin que tous les enfants de la file active reçoivent en même temps des cadeaux. Les sorties et animations sont également organisées pour tous. La bibliothèque est ouverte à tous. Dans les kits scolaires, une partie est donnée pour les frères et soeurs, des vêtements également. Myriam Mercy intervient pour expliquer que d’une part, certains parrains souhaitent parrainer un enfant identifié et que l’individualisation permet également un meilleur suivi et contrôle de l’argent donné. Le Centre SAS s’assure que les frais scolaires de l’enfant parrainé soient versés à l’établissement dans lequel il est scolarisé, mais l’argent confié au tuteur permet d’acheter des vivres partagés dans la famille.

Intervention d’Hélène Bordas (référente Côte d’Ivoire chez OSI)

Actuellement, 49 filleuls dont 5 grand-mères sont parrainés. Le nombre de parrainages est croissant : en 2012, 6 nouveaux filleuls ont été proposés, 4 nouveaux parrains se sont engagés. Le parrain dont le parrainage arrivait à terme en a commencé un nouveau avec un jeune enfant. Le partenariat avec le Centre SAS se passe très bien. Le contact est bon avec la référente pour les parrainages sur place, Martine. Avec elle, Hélène travaille à préciser la situation et le suivi des enfants (par exemple, prise en compte de la trisomie de l’un d’entre eux ou de la malnutrition de l’autre). Les infirmiers partis en mission courte ont réalisé un bilan de santé de tous les enfants parrainés. Il sera inclus dans les prochaines fiches de suivi. Un voyage en Côte d’Ivoire d’Hélène, référente pour OSI, est prévu pour la fin de l’année 2013. Elle y rencontrera les filleuls, accompagnée de son ami professeur qui souhaite y organiser des activités sportives et des formations au secourisme et d’une nouvelle marraine.

Questions des parrains : Le parrainage s’arrête-t-il à 18 ans ? Est-il possible de correspondre par mail avec les filleuls ?

Le constat a été fait que le jeune de 18 ans pourrait avoir besoin de recevoir l’argent du parrainage, par exemple pour faire des études. Il a été décidé que selon la situation du jeune et des avis du partenaire et d’OSI, le parrain décidera ou non de continuer de verser de l’argent à son filleul. Dans les prochaines fiches de suivi, en Côte d’Ivoire tout du moins, les adresses-mail des filleuls seront fournies dans la mesure du possible.

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