Colonialisme : L’instrumentalisation LGBT
Publié le 12 novembre 2011 sur OSIBouaké.org
Minorités - Samedi 05 novembre 2011 - par Thierry Schaffauser [1] -
Le gouvernement britannique a annoncé que les pays qui portent atteinte aux droits des LGBT perdront les aides dites humanitaires qu’ils reçoivent. Certains seront peut être prêts à se réjouir de cette mesure perçue comme un signe fort du gouvernement contre l’homophobie dans le monde. Je n’en fais pas partie.
Cette mesure n’a rien d’un soutien à nos droits, mais est une attaque contre les nations les plus pauvres. Retirer cette aide financière risque au contraire d’amoindrir les ressources disponibles pour les homos et trans de ces pays et a été vivement critiquée par des organisations LGBTI africaines comme portant un risque de stigmatisation accrue pour des communautés déjà désignées comme boucs émissaires.
Cette décision ne répond aucunement à une demande de la communauté gay britannique, mais est une excuse pour justifier des coupes budgétaires probablement déjà planifiées depuis longtemps. C’est une machination politique et devrait être dénoncée comme telle par nos organisations.
Pourquoi nos gouvernements ne disent jamais rien contre les pays riches qui bafouent les droits des homos et trans, mais sont seulement prêts à menacer les pays les plus pauvres ? Pourquoi n’entendons-nous jamais les services diplomatiques dénoncer les pratiques homophobes de l’Arabie Saoudite ou de la Chine par exemple ? Pourquoi n’y a-t-il pas plus de pression internationale pour que la Moscow Pride soit enfin légalisée quand chaque année tant de violence de la part de la police et des néo-nazis russes s’affichent sur nos écrans ? Est-ce parce qu’il faut préserver d’importants liens politiques et économiques avec ces pays et que nous avons besoin de leur pétrole et de leur gaz ?
Pourquoi les pays occidentaux ne regardent pas leur propre bilan avant d’attaquer les autres pays ? Que fait le gouvernement britannique pour la prévention du VIH ? Il laisse la communauté homosexuelle avoir un des taux de séroprévalence les plus hauts du monde occidental. Que fait-il contre l’homophobie à l’école ? Il soutient un système dit de free schools pour déréguler le système scolaire et permettre aux parents d’élèves d’imposer leurs propres règles localement au risque de voir la réintroduction de la clause 28 qui interdisait la « promotion » de l’homosexualité à l’école. Que fait-il pour les demandeurs d’asile menacés d’homophobie et de transphobie ? Il les expulse. Que fait-il pour lutter contre les crimes homophobes et transphobes ? Il coupe les financements des organisations fournissant des services de soutien aux victimes.
Le gouvernement ne peut donc pas se présenter comme un nouveau champion des droits LGBT quand il mène en réalité une des attaques les plus importantes contre la communauté depuis l’introduction de la section 28 sous Thatcher. En effet, les coupes dans le budget des services publics menacent les homos et trans les plus pauvres qui en ont le plus besoin. Derrière la façade pro-égalité comme lors de ses récentes déclarations sur le mariage, il y a une politique qui n’avantage que les homos riches et oublie les autres. L’arrêt du financement des organisations LGBT qui fournissent des services de santé ou de soutien aux personnes les plus vulnérables parmi nous va mettre fin aux progrès réalisés jusqu’alors et nous renvoyer quinze ans en arrière quand celles-ci n’existaient pas.
Gage de supériorité mal placé
Les droits dits LGBT sont dorénavant présentés comme un fait de la civilisation occidentale et tendent à être utilisés comme un gage de supériorité sur les autres quand bien même le concept est très récent et qu’il est même loin d’être réellement acquis en pratique pour les personnes concernées. Ce concept de droits LGBT ne vient pourtant pas de nulle part. Il y a eu de nombreuses luttes pour les imposer, le plus souvent contre ces politiciens qui aujourd’hui s’en prévalent, luttes difficiles à mener, et le combat n’est pas terminé.
Mener des alliances avec les homos et trans d’autres pays signifie que nous devons travailler avec eux/elles et arrêter de se positionner en missionnaires qui savent mieux comment libérer le reste du monde. Cette libération se fera par les homos et trans eux/elles-mêmes dans leur propre pays et certainement pas en les punissant ou en les envahissant. Cette stratégie de libérateur soit disant gay-friendly a déjà été utilisée pour justifier les guerres d’Irak et d’Afghanistan qui ont provoqué (du moins en Irak) davantage de crimes homophobes et de chasses aux sorcières sous les yeux même des GI’s qui n’ont rien fait pour les en empêcher. L’état d’Israël fait de même et se promeut également comme le pays le plus gay-friendly du Moyen-Orient pour mieux faire oublier sa politique anti-palestinienne.
Si nos gouvernements veulent aider les homos et trans dans le monde, ils feraient mieux par exemple d’augmenter leur contribution au Fonds mondial contre le sida , la tuberculose et le malaria. Or, ils font l’exact inverse. À cause des coupes des pays riches, des millions de gens vivant avec le VIH n’auront pas accès aux traitements ARV et mourront. Parmi eux, formant une des populations les plus touchées par l’épidémie, des centaines de milliers d’homosexuels dans le monde mourront par manque de financement de la part des pays riches. Cet argent pourrait non seulement améliorer l’accès aux traitements et à la prévention, mais permettrait de soutenir des campagnes de groupes homos localement en faveur de la décriminalisation de l’homosexualité et afin de promouvoir leurs droits.
L’homophobie et la transphobie existent partout et dans tous les pays. Prétendre que c’est un problème seulement pour les autres nations est une supposition raciste. Cette propagande génère du racisme dans nos propres pays contre les migrants et communautés décrites comme plus homophobes que les européens blancs. Les communautés homosexuelle et trans’ doivent s’ériger et refuser ces messages racistes et islamophobes. Nous devons dire à nos gouvernements que ce qu’ils font, ils ne peuvent pas le faire en notre nom. Non, les luttes pédés, gouines et trans ne peuvent pas être utilisées contre d’autres.
[1] Président de la branche sex work du troisième syndicat du Royaume-Uni, le GMB. Co-fondateur de la Pute Pride et du Syndicat du Travail Sexuel, directeur pour l’Europe du Global Network of Sex Work Projects. Il a coécrit le livre manifeste Fières d’être Putes.