PA-RA-DA : un film de Marco Pontecorvo sur Miloud Oukili, clown auprès des enfants roumains

Publié le 3 septembre 2008 sur OSIBouaké.org

Voici deux points de vue très contrastés concernant le film Pa-ra-da présenté à la Mostra de Venise 2008. Nous proposons ci-dessous deux articles : le premier est une dépêche AFP dithyrambique, le second une critique plus réservée d’ARTE. A vous de voir...

PA-RA-DA, de Marco Pontecorvo (Italie, 2008, 100min.) Avec : Jalil Lespert, Evita Ciri, Gabriel Rauta, Patrice Juiff Orizzonti

[Photo : Miloud Oukili présentant "Pa-ra-da" à la 65e Mostra, à Venise le 28 août 2008. - © 2008 AFP - Damien Meyer]


"PA-RA-DA" : un clown qui sauve des orphelins roumains fait pleurer la Mostra

Venise (Italie), AFP, 30/08/2008 16:40

Sauver les orphelins roumains de la rue grâce à un nez de clown ? C’est l’exploit accompli depuis quinze ans par Miloud Oukili, raconté dans "PA-RA-DA", un film bouleversant tourné par Marco Pontecorvo et chaleureusement accueilli à la 65e Mostra, où il est montré hors compétition.

Des enfants qui font une pyramide humaine avant la projection, une ovation de douze minutes dans une salle comble à la fin, des spectateurs au bord des larmes à qui l’on jette des nez rouges en souvenir : "PA-RA-DA", une modeste co-production (France-Roumanie-Italie) n’est pas passée inaperçue à Venise.

Film inaugural de la section Orizzonti (Horizons) dédiée aux oeuvres novatrices du festival, "PA-RA-DA" relate l’histoire véridique d’un jeune garçon franco-algérien, Miloud Oukili, magnifiquement joué par Jalil Lespert.

En 1992 Miloud, alors élève au lycée auto-géré de Paris, s’enthousiasme pour la Roumanie post-communiste : après avoir suivi, trois ans plus tôt à la TV, la chute du régime de Nicolae Ceausescu, il part sur un coup de tête à Bucarest.

A peine arrivé à la gare, Miloud découvre des hordes d’enfants dépenaillés qui sniffent de la colle dans des sacs en plastique, et supplient des voyageurs indifférents de leur donner une pièce.

Choqué, Miloud qui ne parle pas roumain, tente d’établir le dialogue en sortant de sa poche un nez rouge de clown, et en esquissant une pantomime.

La lueur aperçue dans les yeux éteints d’un petit rouquin dénommé Cristi suffit alors pour que Miloud s’attache corps et âme à ces orphelins abandonnés.

Faibles parmi les faibles dans un pays en proie à de brutales mutations économiques, ils vivent dans la rue et sont victimes de tous les abus, frappés, violés, kidnappés ou quelquefois froidement assassinés.

Miloud hante alors les sous-sols, les terrains vagues et les halls de gares, et devient un travailleur humanitaire d’un genre spécial : pour tirer ces enfants de la rue, il prépare avec eux un spectacle de clowns.

Ce premier film de Marco Pontecorvo prend aux tripes en montrant, sans une once de sentimentalisme ou de misérabilisme, les brutalités subies par ces enfants parfois très jeunes, et leur vie quasi animale.

Si ces images sont dures, "PA-RA-DA" est aussi plein de vie, illuminé par la radieuse énergie de Jalil Lespert, totalement investi dans ce rôle de généreux rebelle, et par la force de l’interprétation des enfants, qui jouent dans le film et vécurent autrefois dans la rue.

Fier du film qu’il a inspiré, Miloud Oukili, venu à Venise grimé en clown, parle volontiers de la fondation PARADA qu’il a créée et qui emploie aujourd’hui une centaine de personnes : en Roumanie, mais aussi en Italie et en France, où elle se bat pour la scolarisation des enfants tziganes.

Parmi les 2.300 enfants aidés par cette structure, beaucoup sont sortis de la rue. Certains sont devenus des clowns, l’une est même avocate.

"Ils m’ont suivi parce que j’étais le fou, le magicien, que je crachais du feu", explique Miloud Oukili, aujourd’hui âgé de 36 ans, à l’AFP.

"Je suis arrivé avec une valise pour 45 jours, et j’ai mis quinze ans à rentrer !", conclut-il avec un large sourire, amplifié par son maquillage rouge et blanc.

Chef opérateur de renom, Marco Pontecorvo est aussi le fils du grand réalisateur italien Gillo Pontecorvo (1919-2006) auteur de "Queimada" (1969) un vibrant plaidoyer contre le colonialisme avec Marlon Brando, ou encore "La bataille d’Alger" (1965), souvent vu comme le meilleur film sur la guerre d’Algérie.


Violences et passions

Olivier Bombarda, le 30 août 2008

Déception en revanche pour le premier film italien de Marco Pontecorvo “PA-RA-DA” qui se perd avec les enfants des rues de Bucarest (section Orizzonti).

Inspiré par l’histoire vraie du clown Miloud Oukili venu à la rencontre des enfants des rues de Bucarest, l’italien Marco Pontecorvo en réalisant « PA-RA-DA » (section Orizzonti) n’a malheureusement pas la même réussite que son homologue germanique. Évidement s’il est impossible de remettre en causes les bonnes intentions d’un tel projet, le film prouve combien elles sont parfois insuffisantes à résulter d’une totale adhésion conséquemment à une réalisation verte et confuse. L’ex-directeur de la photographie (entre autre) du segment d’Antonioni dans le film collectif « Eros », aurait peut-être pu davantage se pencher sur les notions d’espace et de temps si chères au maître italien. « PA-RA-DA » est étrangement filmé n’importe comment, comme si cette caméra à l’épaule devait obligatoirement suggérer un malaise égal à la puanteur des taudis roumains dans lesquels vivent les mômes ; aucune place également à la durée, tout est « cut » comme si une illusoire équipe d’MTV s’était malencontreusement égarée dans les ruelles de Bucarest. Et surtout malgré la sincérité de l’acteur Jalil Lespert, le manichéisme récurrent du discours de « PA-RA-DA » n’aide en rien cet apitoiement général trop explicite, un ensemble qui rate le coche et laisse une amertume plutôt dommageable.

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