RDC : Les malades du sida font de la prévention

Publié le 9 août 2008 sur OSIBouaké.org

25-07-2008, Sr Julienne Elameji (Syfia Grands Lacs/RD Congo)

À Kananga, les personnes vivant avec le VIH  /sida   sortent peu à peu de l’ombre. Aidés psychologiquement, elles retrouvent goût à la vie et s’intègrent mieux dans la société. Bien informés, les malades démystifient le VIH   auprès de leurs proches et participent ainsi à la prévention.

"Cela fait dix ans que je suis atteint du sida  , raconte un ex-combattant à ses congénères lors d’une rencontre organisée avec d’autres sidéens à l’hôpital Saint Georges de Kananga. Aujourd’hui, j’ai accepté mon état de santé et je partage les moments difficiles avec mes proches." À Kananga, capitale de la province du Kasaï occidental, en RDC, même si certains séropositifs, craignant pour leur crédibilité, ne dévoilent pas encore leur état de santé, la plupart d’entre eux mènent une vie bien plus normale qu’avant. "Je n’ai plus honte de parler de ma nouvelle identité, explique Astrid Ngalula, sidéenne qui déplore que certains continuent à se cacher. Aujourd’hui, j’assume mieux mon devoir de mère. Le souci d’éduquer mes enfants l’emporte sur celui de la maladie." Depuis deux ans, le gouvernement, avec l’aide de l’Unicef, a demandé aux agents sanitaires de faire de la lutte contre le sida   leur préoccupation principale. Les mentalités semblent avoir suivi : jadis considéré comme une maladie imaginaire ou un mauvais sort, le VIH   est aujourd’hui perçu par un nombre croissant de personne comme une maladie, incurable certes, mais avec laquelle on peut vivre et continuer à jouer un rôle dans la société. "Enfin, je peux vivre en paix, soupire une veuve, mère de trois enfants après un entretien avec son assistante à l’hôpital Saint Georges. Le sida   est une maladie comme le diabète ou l’hypertension, avec laquelle je peux vivre longtemps, à condition que j’observe les prescriptions médicales et les conseils des agents sanitaires."

Changer d’état d’esprit Lorsqu’elle a appris qu’elle était infectée par le VIH  , cette femme a commencé par se lamenter : "Mon mari est mort du sida  … Je n’ai plus qu’à attendre mon heure !" Les échanges avec d’autres malades lui ont permis d’accepter aujourd’hui son état de santé et de profiter un peu plus de la vie. "Après le premier contact avec les sidéens, une assistance médicale et surtout psychosociale est d’une importance capitale pour leur faire regagner confiance en eux", appuie Alphonsine Yale, médecin traitant au Centre hospitalier de Kananga. "Les PVV (personnes vivant avec le VIH  , ndlr) ont besoin d’être aimées, écoutées et soignées" , ajoute Brigitte Ngalula, assistante sociale pour l’AMO/Congo. Une fois les porteurs du virus dépistés à l’hôpital, ils sont orientés dans un centre d’encadrement proche de chez eux. Là, les animateurs les accompagnent sur le plan psychique, leur apprennent à se soigner et se protéger. "Nous devons utiliser les préservatifs, explique Mamy Meta, porteuse du VIH  , éviter la grossesse, ne jamais donner notre sang, bien manger et surtout accepter la maladie". "Bien manger" est d’ailleurs le slogan du Dr Barthélemy, du centre de Ndesha, qui apprend aux malades l’importance de consommer des légumes, arachides, algues et soja, à défaut de viande pour enrichir leur nourriture. Des cours de jardinage sont même dispensés. "À chaque rencontre, ils échangent leurs expériences, explique le docteur. Je leur confirme la gratuité des soins et les conscientise aux modes de transmission." C’est la gratuité des traitements médicamenteux qui a rendu cette sensibilisation possible. De petites équipes de malades se sont depuis constituées par quartier, qui leur permettent de se connaître et se rendre visite.

Démystifier le VIH   Les PVV prennent aussi conscience de leur devoir social. La vie continue. Un sidéen qui apprend sa maladie se protégera ensuite pour éviter de contaminer ses proches ou d’autres personnes. Mieux informées les personnes infectées deviennent les premières à pouvoir rassurer et sensibiliser leur entourage. Tout ce travail a participé à une prise de conscience essentielle dans la lutte contre le VIH   : la volonté de connaître leur situation sérologique. Depuis 2 ans, on constate en effet que le nombre de dépistages volontaires a augmenté à Kananga. "En 2006, pour la province, 1 129 personnes se sont volontairement soumises au test, dont 306 ont été déclarées positives. En 2007, 3 791 personnes ont été dépistées, parmi lesquelles 642 cas positifs", témoigne le Dr Odette du Programme national de lutte contre le sida   (PNLS). "Les gens viennent désormais se faire examiner en vue d’un mariage, après un voyage, suite à la sensibilisation dans les écoles, le décès d’un partenaire ou les conseils d’un infirmier", conclut le Dr Lewis Kalombo, responsable de l’AMO/Congo à Kananga.

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